LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n° 52


Éditorial

Les balles étaient, comme on dit, réelles ! L’assommoir médiatique l’est tout autant ! Et encore plus l’arsenal législatif qu’on s’apprête à nous envoyer en pleine poire ! « Au chapitre VII du Prince, Machiavel remarque à propos de l’exécution capitale d’un petit tyran, fomentée par celui-là même qui le manipulait, que “la férocité de ce spectacle fit tout le peuple demeurer en même temps satisfait et stupide”. » (Jean-Louis Poitevin, Unified September Addicts. Le Déni américain, Éditions Fage, 2004, p. 7) La vie continue, les affaires reprennent !

Pour son numéro 52, TK-21 LaRevue s’affirme une fois de plus comme un espace de réflexion sur les images d’aujourd’hui par la présentation d’entretiens, de textes théoriques et d’œuvres — qu’elles proviennent de photographes, de vidéastes, de peintres, d’écrivains…

Serge Tisseron nous fait le plaisir et l’honneur de nous accorder un long entretien, dont nous publions ici la première partie. Dans un langage précis et vivant, il revient sur certaines de ses idées centrales, en particulier sur les trois fonctions de l’image : d’enveloppement, de représentation et de transformation. Il nous fait aussi pénétrer plus avant dans un univers où les images apparaissent comme les avant-courriers d’une mutation technologique et psychique de plus grande ampleur et dont les robots sont, aujourd’hui, la manifestation la plus « vivante ».

Jean-Louis Poitevin poursuit, avec « Logiconochronie III », une réflexion sur les conditions de possibilité d’une nouvelle approche des images, en faisant cette fois le détour par une interrogation sur la « pulsion de signification » et en plongeant dans les arcanes du concept de « conscience », dont Nietzsche déjà avait repéré la puissance mortifère et dont nous sommes, aujourd’hui plus que jamais, les otages !

Radar balayant la planète, TK-21 LaRevue vous convie à un voyage autour d’œuvres photographiques (ou autres), qui nous conduit de Los Angeles à Istanbul, en passant par la Suisse, les États-Unis, vus à travers une loupe préhistorique autrichienne, et Prague, où un artiste et scénographe hongrois a réalisé une installation majeure et prométhéenne.

Martine Catois a examiné avec attention le stand de Fabrik à FotoFever : Fabrik est une revue d’art et de design, mais aussi un passeur d’images. Photographe et curatrice pour l’occasion, Sarah Hadley a choisi de montrer un ensemble d’œuvres de femmes photographes américaines, dont les thématiques sont ici décryptées avec soin.

Jaewook Lee revient avec la présentation d’une œuvre qu’il a découverte à la 4e Biennale d’Istanbul. Il s’agit du travail singulier de l’artiste Marcos Lutyens, intitulé Z to C : Consciousness Performance et réalisé en parallèle à la publication d’un livre, Memoirs of a Hypnotist : 100 Days, une double plongée dans les courants neurochimiques qui traversent et animent nos corps.

Adam Reynolds, dont nous avons présenté le travail majeur sur Israël et Gaza dans le numéro 46, revient avec des images envoûtantes de Krampus, ce personnage préhistorique qui hante encore les villages autrichiens et bavarois en décembre et qui a essaimé aux États-Unis. Il nous convie à faire face à quelques « portraits » stupéfiants et fascinants de celui-ci, comme à un portrait de nous-mêmes, avant que nous ne soyons devenus trop humains…

Hervé Bernard, dans un texte alchimique, présente le travail de Laurence Piaget-Dubuis : nous sommes au bord de glaciers recouverts de toile, un voyage aux limites du pensable quant à la relation ambiguë que l’homme entretient avec la nature.

Csaba Antal, scénographe et artiste hongrois, revient cette fois non plus avec des images en 3D (TK-21 LaRevue, numéro 33 et 34), mais avec une installation qu’il a réalisée à Prague et qu’il aimerait présenter à Paris. Cette installation est d’une actualité prophétique : elle remet au centre de nos préoccupations, à travers la figure de Prométhée, le devenir même de cette « race humaine » que le Titan inventa à la demande de Zeus et dont ce dernier, énervé par sa prétention vaine, chercha ensuite à éradiquer de la surface de la terre.

Retour en France, dans ce numéro 52 de TK-21 LaRevue, avec un ensemble d’œuvres qui balisent certaines de nos préoccupations, des plus douces aux plus brûlantes. Si les artistes sont cette fois français, les sujets qu’ils abordent sont le plus souvent liés à d’autres villes, d’autres pays, d’autres mondes…

Philippe Soussan a présenté à FotoFever et à la galerie Intuiti un ensemble d’œuvres nouvelles. Jean-Louis Poitevin montre comment ces images visent à nous rapprocher de l’insaisissable réalité, moins par la relation indicielle à l’objet que par la mise en abyme du processus percepteur qui préside à notre saisie de cette réalité fantomatique.

Clément Cogitore — en parallèle à la sortie de son film en salles, cet automne, qui s’intitule Ni le ciel ni la terre — a présenté des photographies à la galerie White Project, sous le titre Digital Desert. Claire Moulène, dans le texte qu’elle lui consacre, montre « comment il a fait de la superposition des récits factuels ou rumoraux et de la combinaison des régimes d’écriture, plastique et politique, sa marque de fabrique ».

Nouveau venu au sein de la revue, le photographe Guillaume Fandel nous offre des vues de paysages qu’il a réalisées en Islande. Étienne Diemert, avec sa plume précise et incisive, nous fait percevoir comment le sublime et l’unheimlich se rejoignent dans ces images pour former une esthétique radicale.

Hannibal Volkoff présente deux femmes artistes qui exposent dans la galerie Hors-Champs : Annabel Aoun Blanco et ses photographies de corps en équilibre au bord de la disparition ; et Isabelle Bonté-Hessed2, dont les peintures en noir et blanc nous font éprouver l’oscillation perceptuelle et psychique qui nous assaille à chaque instant de la vie, quand nous saisissons, comme une évidence, l’équivalence ontologique de l’apparition et de la disparition. Ces œuvres rassemblées nous reconduisent aussi à méditer sur l’une des origines des images, portant le nom de Mandylion, concept qui fut théorisé entre le IIIe et le IVe siècle de notre ère par Eusèbe de Césarée.

Nous retournons sur les bords de la Méditerranée — pas sur ses plages, mais à Fos-sur-Mer — avec les images de Fabrice Ney, présentées par Christophe Galatry. Ici, nous sommes conduits à revoir notre conception du paysage en accompagnant Fabrice Ney le long de son « cheminement d’équilibriste qui consiste à observer la qualité des lieux en cherchant des réponses à celle de nos existences ».

Carol Müller revient pour les dernières séquences de l’atelier TK-21 qui lui a été consacré. Elle y poursuit la brillante démonstration de ses positions sur le paysage, en nous emmenant une fois de plus vers le très grand Nord.

Julie Chovin revient, à travers un long entretien réalisé par Étienne Diemert, sur la manière dont elle a procédé pour photographier les clubs de Berlin : en appréhendant non pas la vie « inside », mais les bâtiments eux-mêmes, une fois la fête terminée et la porte close. On comprend ici comment la photographie peut permettre à une réflexion plastique et sociologique de se déployer de manière concomitante.

À l’occasion de son exposition à la galerie Vitoux, Alain Nahum est de retour avec des images tirées de plusieurs des séries qu’il poursuit inlassablement depuis des années. Il tente de nous dire avec celles-ci que « là où cessent les frontières, les chemins s’effacent » (Octavio Paz) ; il tente aussi d’inventer d’autres passages pour éclairer nos sentiers et nos routes, comme le montre le texte que lui consacre Hervé Bernard.

TK-21 LaRevue
poursuit son exploration du monde nouveau, dans lequel les robots ne seront plus un rêve ou une utopie, mais bien des êtres réels accompagnant nos vies. Grâce au travail photographique d’Yves Gellie, qui les accompagne et les porte, nous publions cette fois des textes de lois élaborés en Corée du Sud : ceux-ci tentent de prendre en compte, pour la première fois, les droits à venir de ces robots qui feront bientôt partie de nos vies. Cela fait directement suite à l’article et à l’entretien publiés dans le numéro 50.

Ce numéro 52 se clôt par le récit de l’aventure tout à fait singulière qu’a vécue Julia Borderie, lors de sa première expérience en tant que jeune artiste française, alors qu’elle était en fin d’études dans une école d’art. Cette expérience a vu un projet artistique devenir une bombe sociale et le révélateur de tensions invivables à l’intérieur d’une institution. Anecdotique, cette histoire ? Plutôt symptomatique, car elle constitue une plongée dans les territoires sombres de la mauvaise foi et de la conscience malheureuse, maladies de l’âme si chères à la France et dont nous découvrons que ce que nous appelons le « monde de l’art » n’est pas exempt.

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