LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue
n°99


Éditorial

« Mandelstam dans La quatrième prose, partage les œuvres de la littérature mondiale en deux groupes – celles qui sont permises, et celles qui sont écrites sans permission, comme on dérobe un peu d’air. »
Linda Lê, Marina Tsvétaïéva : Comment ça va la vie ?, Éd. Jean Michel Place.

Pour ce dernier numéro avant notre premier centenaire que nous fêterons dignement le mois prochain avec un numéro spécial dédié aux artistes, nous allons comme toujours parcourir un peu le monde, allant de Pompéi à la Chine en passant par les nuits parisiennes déjantées, le festival Ars Electronica de Linz, les alentours de New York, quelques lieux en Europe et Tunis encore et toujours.

Vittoria Gerardi est à la galerie Thierry Bigaignon pour sa seconde exposition personnelle. Elle a renouvelé son approche de la photographie et nous offre une méditation à la fois subtile et puissante sur les ruines à partir d’images de Pompéi. Uniques, car toutes travaillées au pinceau, elles évoquent, couvertes de plâtre avec subtilité, l’intensité de ce qui beau comme le souvenir, vibre sans fin en nous.

Li Xiaoshi est une artiste qui est aussi professeur à la Luxun Academy. Pour sa seconde exposition parisienne, elle déploie les fastes d’un imaginaire à forte tendance surréaliste mettant en scène les strates de notre si singulier psychisme. La Galerie Vanities poursuit donc ici avec brio son travail de présentation d’artistes émergents venant de Chine.

Hannibal Volkoff revient avec la parution de son second ouvrage Nous qui débordons de la nuit qui paraît aux éditions Les Presses Littéraires.
Ce livre nous plonge dans les nuits agitées d’une frange de population qui n’a pas renoncé à prendre ses désirs pour des réalités surtout si elles ressemblent à des rêves. L’ouvrage est accompagné de textes d’Yves Adrien, Maxime Cochard, SHK. Le texte de Jean-Louis Poitevin accompagne la présentations des images dans ce numéro. La signature aura lieu le 3 octobre à la Galerie Hors Champs. Des textes et des réflexions de Jean-Louis Poitevin accompagnent les œuvres de ces trois nouveaux talents.

Floryan Varennes s’impose avec détermination dans le paysage de la jeune création. Après un passage remarqué au salon de Montrouge, il expose à la galerie Le Cabinet d’Ulysse à Marseille. Avec SAFEWORD, il s’impose encore un peu plus comme un artiste de premier plan, capable de relier des réflexions profondes sur le Moyen-Âge avec des enjeux contemporains, ce que confirme le texte précis et juste de Julie Crenn qui remarque à juste titre que « face aux reliques de corps augmentés et appareillés, il n’est pas impossible d’imaginer les rituels et les parades amoureuses de cyborgs hiératiques et sensuels. »

Nos chroniqueurs assidus et fidèles continuent de vous faire découvrir des lieux, des œuvres et des artistes qui n’exposent pas nécessairement à Paris, ni en France.

Dominique Moulon est allé à Ars Electronica à Linz, créé en 1979. Le temps est venu pour ses deux directeurs artistiques, Christine Schöpf et Gerfried Stocker, de faire un point sur les évolutions sociétales que le numérique provoque et que l’art amplifie. On y trouvera des analyses d’œuvres de Dmitry Morozov, Michael Candy, Louis-Philippe Rondeau, Doug Rosman, Samson Young, le collectif panGenerator, Quayola et la compagnie française Adrien M & Claire B­ qui fait cohabiter chorégraphie et arts visuels.

Laëtitia Bischoff nous livre un court texte inspiré sur les œuvres de Christian Renonciat présentées à Chaumont-sur-Loire et intitulées Troublements. « Chaque ligne de force d’un Troublement est une retombée. Et cette retombée se dénude sous les traits d’un entre-deux ondulé, faussement cartonné. Renonciat jette un trouble si net dans ses gerçures. »

Jaewook Lee, artiste, commence sa carrière d’enseignant « as an assistant professor of New Media Art at the School of Art at Northern Arizona University ». Intéressé par les questions de pédagogie, il poursuit ses réflexions sur la manière d’enseigner aujourd’hui l’art. Il défend un point de vue orienté vers l’interdisciplinarité : « The vision: To promote interdisciplinary studies and research for both utility and aesthetics ». Certains éléments pourraient bien aider les écoles françaises à réfléchir sur leur propre pédagogie.

Nous publions un article de Bernard Perrine paru dans la revue de l’Académie Française et dans lequel il s’interroge sur l’existence d’une photographie brute. On y croisera entre autres En effet, Tichy qui « connaît les arcanes de la photographie et de l’art mais qui rafistole ses appareils avec des ficelles et des adhésifs, bricole son agrandisseur, enlaidit volontairement ses tirages avec des taches, des rayures, des pliures… »

Notre partenariat avec la revue Corridor Éléphant se poursuit avec la publication d’un ensemble de photographies de Philippe du Crest, intitulé Neverland. En reprenant ce titre du pays merveilleux inventé par James M. Barrie pour y loger les aventures de Peter Pan, c’est un monde flirtant avec une désolation ironique que le photographe nous fait découvrir et qui est bien le nôtre. Mais pour en apercevoir les charmes, il faut en effet ne pas avoir coupé le lien qui nous relie à l’enfance.

Habitué maintenant de TK-21 LaRevue, Chirstian Globensky est à nouveau présent à travers un texte de Perin Emel Yavuz pour une présentation globale de son travail. « Activant une esthétique de la dissémination, à travers un art à la portée de tous qui se diffuse dans et par le quotidien, Globensky contourne ainsi les instances de consécration de l’art (musées, galeries) dont le tort est peut-être de créer une césure entre le spectateur et les œuvres. »

TK-21 LaRevue
s’associe avec deux manifestations l’une à Limay et l’autre à New Hope et à New York, confirmant ainsi à la fois son attention à ce qui passe aussi bien auprès de nous que loin de nous et son intérêt pour des productions artistiques peu médiatisées.

« Dans les gravures présentées pour la Huitième biennale d’estampe contemporaine de Limay, les noirs de l’encre sont le pendant à la transparence de l’eau. » Muriel Baumgartner a organisé cette exposition avec l’École Municipale d’Arts Plastiques de Limay. On y découvre des gravures de Christine Bouvier, Cécile Marical, Ayda-Su Nuroğlu, Pascale Parrein, pour une traversée du vivant au gré de l’eau qui nous conduit de la cellule à l’homme, de l’homme à l’animal et retour.

C’est à New Hope puis à New York que nous pourrons suivre la seconde étape de l’aventure singulière que construisent quatre artistes françaises, Isa Sator, Carol Jury, Gaëlle Hintzy-Marcel et Rachel Scharly. Ces femmes déterminées et talentueuses aux œuvres radicalement différentes sont accueillies par la Gallery des artistes que dirige une française Nicole Bonifay.

Les pages consacrées à la création littéraire s’étoffent. Pour ce numéro 99 nous partons à la découverte d’ouvrages que vous aurez peu de chance de découvrir dans des librairies et comme toujours à la publication d’inédits.

Thomas Schafferer vit et travaille à Innsbruck. Il dirige le Litteratur Club Cognac & Biskotten depuis de nombreuses années. Ceci ne l’empêche pas de voyager, à travers l’Europe en particulier, pour des lectures le plus souvent. Il a rapporté de ses voyages 500 « polaroïds » textuels et nous vous en proposons aujourd’hui quelques-uns. Ces textes sont accompagnés à chaque fois d’une peinture de l’auteur.

Alain Coelho reprend la publication de son ouvrage intitulé Images d’aurore, dont il nous livre le premier chapitre de la seconde partie. Il y poursuit l’exploration de ses souvenirs d’enfance. C’est à Tunis que nous sommes toujours en compagnie du narrateur, de sa grand-mère et d’une Madone dans une boule de verre qui fait le lien entre eux. « Au centre de la boule, le petit personnage bariolé de la Madone, si révéré par ma grand-mère, m’émouvait par son silence fixe, si infime dans la matière de loupe imparfaite que lui faisaient le liquide et le verre. »

Joël Roussiez revient avec un de ces textes dont il a le secret. Sans doute cette phrase nous dit-elle mieux que jamais ce qu’il cherche à travers l’écriture : « J’avais des rêveries archaïques et des sursauts d’endormi tout au bord du ruisseau, je cherchais mon plaisir comme qui voudrait manger lorsque la faim s’éveille, sur le bord de ma bouche s’écoulait un peu de bave, l’eau berçait de sa musique continue mes oreilles distraites des pensées et des peurs qui occupaient mon esprit... »

Pour clore ce numéro nous publions le début d’un longue réflexion qu’a menée Jean-Louis Poitevin, il y a maintenant quelques années, sur l’histoire de l’image et des images en vue de trois longues conférences qu’il a données au Pavillon de Pantin, à l’invitation d’Hervé Rabot qui le dirigeait alors. Cette Logiconochronie – XXXXI nous convie à faire un point sur ce qu’il en est de l’image et des images aujourd’hui. Il s’appuie ici en particulier sur Vilèm Flusser, Jean-Pierre Changeux et Julian Jaynes qui vont l’accompagner dans sa plongée vers les questions que nous posent encore aujourd’hui la figure de Méduse ou les origines du christianisme, cette religion qui a installé les images au cœur de la pensée et qui a déterminé jusqu’à aujourd’hui notre relation à ces si prégnantes, si puissantes et si magiques images.


Photo de couverture : Hannibal Volkoff - Adam et Julien, club Sandwich, 2011

De nombreux problèmes subsistent encore pour des utilisateurs de Safari. Le mal semblant être profondément ancré chez Apple, nous vous conseillons de lire TK-21 sur Firefox ou Opéra par exemple.
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