LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue
n°137


Éditorial

"Surprise est le mot clé qui désigne l’expérience d’une attaque soudaine par des forces imprévisibles, irrationnelles et destinales contre l’ordre rationnel de la vie. Son intensification, l’étonnement, ôte à la raison sa force de loi. La personne touchée, pour un moment, ne s’appartient plus. Ce sont des cartographies comme sur une carte territoriale des sentiments. On peut les comparer à des expériences du XXIe siècle comme à des processus décrits dans les romans du XVIIe siècle."
Alexander Kluge, Labyrinth (trad. Mandana Covindassamy)

Pour son numéro 137, TK-21 LaRevue poursuit son inlassable travail qui consiste, autant que faire se peut, à "ouvrir des mondes" tout en continuant à "ouvrir sur le monde". La présence d’artistes d’Outre-Mer s’intensifie. Une cinéaste américaine nous parle de sa carrière. Des photographes et des artistes nous font voyager au Moyen-Orient, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes, des écrivains dans le repli de territoires aux paysages intenses ou de réflexions acides, et bien sûr d’autres nous incitent à découvrir des zones nouvelles dans la pensée ou à nous envoler vers des nuages numériques. Un fragment de monde donc, existant ou pouvant exister, voilà ce que vous offre ce numéro de TK-21 LaRevue .

   VOIX ET ŒUVRES

Ce numéro est particulièrement riche en entretiens avec ou autour de personnalités parfois hors norme.

Bette Gordon, la cinéaste américaine qui a immortalisé l’underground new-yorkais dans un somptueux premier long métrage, Variety (1983) avec Sandy McLeod et Nan Goldin, était de passage à Paris, au mois d’octobre. Clarisse Fabre, journaliste au Monde et critique cinéma, s’est entretenue avec elle pour TK-21LaRevue . La réalisation est signée Hervé Bernard.

Virginie Rochetti et Martial Verdier ont réalisé un entretien avec Francisco Tropa, grand artiste portugais à l’occasion de son exposition Le poumon et le coeur, visible jusqu’au 29 janvier au Musée d’Art Moderne de Paris. Il y est question, entre autres choses d’une "tentative d’approcher le secret de cette mécanique complexe que tout artiste met en œuvre dans l’acte de création".

Nous présentons avec la Séance 8, intitulée De la critique de l’économie politique au projet d’internation, le dernier acte de la publication intégrale du séminaire autour de Bifurquer, livre collectif initié par Bernard Stiegler, grâce à l’inlassable soutien d’Anne Alombert et de Michal Krzykawski que nous remercions chaleureusement pour leur engagement et pour avoir permis à TK-21 LaRevue d’être un des "lieux" où circule l’énergie vitale disséminée par ce grand philosophe que fut Stiegler.

Jean-Louis Poitevin poursuit son séminaire intitulé Faire des dieux par une analyse détaillée des enjeux qui se sont tissés autour du statut de la conscience, avec laquelle il faut essayer "d’en finir" si l’on veut faire émerger des zones narratives vivantes et créatrices comme l’ont déjà montré Rober Musil, W.S. Burroughs ou A. Kluge. Hervé Bernard en a assuré la réalisation.

   IMAGES SONS NUAGES

Dominique Moulon nous présente le travail de l’artiste qui a obtenu cette année le prix art [ ] collector fondé par Evelyne et Jacques Deret, Thibault Brunet. L’exposition intitulée Mondes persistants & Pratiques exploratoires qui s’est tenue au 24BEAUBOURG, a été l’occasion d’appréhender l’esthétique de cet artiste oscillant entre pictural et photographique.

Patrick de Keyser poursuit son inlassable analyse de notre relation à la nuit de notre corps en s’interrogeant sur Les secrets de l’esprit ! Un court texte de Jean-Louis Poitevin prolonge cette réflexion.

Avec Lost in the supermarket #32, Aldo Caredda nous entraîne au Musée des Arts et Métiers. Jean-Louis Poitevin prolonge de quelques notes cette invitation au voyage dans cette antichambre du monde du travail.

Pedro Alzuru, lui, nous fait entendre le neuvième moment de la saga des sons du Jazz latino dont il nous conte en détail l’histoire depuis près d’un an, avec cette fois un Américain (Samuels), trois Nuyoricans (Figueroa, Barretto et Palmieri), un Portoricain (Gomez) et trois Cubains (Sosa, Berroa et Prieto).

   SI PROCHE, SI LOIN

Monique Jeudy-Ballini nous fait découvrir l’exposition saisissante Réapparitions de Michael Rakowitz, qui était visible au FRAC Lorraine de Metz jusqu’en août. Elle présentait des répliques d’œuvres irakiennes disparues ou détruites, en soulevant la question de leur réappropriation mémorielle.

Virginie Rochetti nous fait découvrir l’exposition Des grains de poussière sur la mer, à La Ferme du Buisson, 26 artistes en une sélection d’écritures diverses utilisant la géographie comme lien, l’identité Caraïbe comme fil conducteur, et plaçant des esthétiques très différentes sous l’angle du courant de l’art nommé Art Contemporain.

Jonathan Bougard poursuit son investigation des Outre-Mer par un entretien avec Annabel Guérédrat, « bruja », chorégraphe et performeuse martiniquaise, réalisé au Carreau du Temple en octobre 2022.

   DEHORS DEDANS

Avec Shemales, John Carrid nous invite à le suivre dans ses recherches sur les comportements sexuels « alternatifs ». Après ses photos dans les backrooms parisiens, voici une série plus proche de la lumière, mais tout aussi dérangeante sur les ambiguïtés du corps et du genre.

Hannibal Volkoff montrait il y a peu Des Garçonnières à la Galerie Simon Madeleine, des images de gens dans des nuits parisiennes. Chaque photographie est accompagnée d’un texte bref dans lequel il en raconte l’histoire qui est aussi, en filigrane, celle de ceux que l’on voit emportés dans l’ivresse de l’outrance.

Avec Naître vestige, Catherine Ludeau, principale peintre française spécialisée dans la résine, expose à la Galerie Hors Champs. Elle nous conduit, selon Hannibal Volkoff près « d’une éternité perdue et pourtant toujours là, endormie en un magma intérieur, berçant nos nuits avec la distance de l’étranger, d’un horizon inaccessible et autosuffisant ».

Serge sautereau présenté par Corridor Elephant, a été missionné à partir de 1987 par le Louvre pour photographier le chantier de la construction de la pyramide, comme Jean-Francis Fernandès, Jean-Christophe Ballot présentés dans le numéro 121-122. Il a pu déambuler à sa guise, jour et nuit, du fond des réserves d’œuvres au faîte des toits en un voyage quasi initiatique dans lequel la pyramide joue le rôle de l’œuf primordial.

   METTRE EN MOTS METTRE EN IMAGES

Alexis Denuy, écrivain et artiste, propose un choix de six textes courts et de six dessins, qu’il intitule Le village humain et qui évoquent un temps — le nôtre ? — où "le jardin de l’Eden ressemble à une prison".

Nous terminons la publication du texte, qu’il accompagne de ses propres photographies, de Joël Roussiez, intitulé S’accorder à l’horizon, texte inspiré d’une écoute attentive de Stimmung de K. Stockhausen.

Dans The Line - Station Mektoub, Linea Nihilo commence l’exploration du projet Neom, dans une fiction qui se déroule dans un futur aussi irréel que proche. Une ville en ligne droite enfermée dans un immense miroir de 170 km, projet pharaonique et distopyque que construit l’Arabie Saoudite.

 

Photo de couverture : John Carrid

Ours

Vous aimez TK-21
Soutenez la revue, adhérez à l’association pour 2023
par courrier

Ou par Hello Asso