vendredi 29 septembre 2017

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Scissiparité

Mariage, une vidéo de Chan Kai Yuen.

, Chan Kai Yuen et Jean-Louis Poitevin

De quoi s’agit-il ? De la possibilité d’un engendrement infini des images à partir de leur propre division et de la multiplication de cette division.

Chan Kai Yuen - Hamster Por 1 from TK-21 on Vimeo.

C’est pourquoi Mariage n’est pas une vidéo pornographique, mais une démonstration tendancieuse et amusée de la relation en général implicite, qu’on aurait refoulée dans une vie antérieure, entre désir et image, accroissement du désir et multiplication du fantasme, au sens où le fantasme ici n’est pas un scénario à accomplir mais une image produite par l’esprit en dehors de toute référence à autre chose qu’elle-même.

Et nous sommes ici à la croisée de ces deux strates, de ces deux dimensions, la puissante répétitive qui hante les corps étant en quelque sorte mise en forme comme principe d’engendrement des images et inversement la puissance de répétition qui hante les images étant mise en place comme relais de la puissance d’engendrement du désir par les corps.

Il y a du reconnaissable dans ces images, des corps et des copulations, des bouches ouvertes et des sexes aussi, des érections et des intromissions. Mais il n’échappe pas que les hamsters, eux, sont plus réels que les images sur lesquels ils se déplacent, alors que pour nous ils ne le sont pas plus pas moins puisqu’eux aussi sont des images. Et eux aussi, même quand ils ne sont pas pris dans le jeu de la reproduction sont en proie au désir et à la copulation, mimant à leur manière ce qui dans une débauche de détails insaisissables se déploie dans l’arrière plan.

En d’autres termes nous assistons ici à un mariage qui est en fait une messe dite sur un fond d’images par d’autres corps qui miment les premiers dans des gestes qui sont à la fois au-delà de toute ressemblance et au cœur de la ressemblance.

Ce que Chan Kai Yuen nous donne à voir, c’est le fonctionnement obsessionnel et mécanique, désirant et implacable de la fabrique des images qui est tout autant et en même temps celle de la fabrique des corps, en mettant en scène une sorte de scissiparité délirante et sans fin.

On se souviendra ici qu’un certain Georges Bataille écrivit un texte intitulé Scissiparité dans lequel on peut lire ceci :
« J’aimerais m’en tenir à l’idée tranchante de moi-même, élevant dans l’air ma tête ridée et niant l’odeur de la mort.
J’aimerais oublier l’insaisissable glissement de moi-même à la corruption.
J’ai la nausée du ciel dont l’éclatante douceur a l’obscénité d’une « fille » endormie.
J’imagine une jolie putain, élégante, nue et triste dans sa gaité de petit porc. »
Sicut erat...