jeudi 26 janvier 2023

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Les « impressions » et les traitements analytiques de l’images de Christian Wachter

, Jean-Paul Gavard-Perret

Le sujet premier du travail de Christian Wachter reste le langage de la photographie lui-même.

Christian Wachter théoricien de l’art et photographe sait que les changements politiques et économiques entraînent toujours un changement paradigmatique dans la perception et la représentation de la réalité, de la vision collective du monde. Le créateur en a suivi les traces dans son médium prédilection avant de prouver comment son propre travail transforme le regard, prend possession du monde pour y chercher de nouveaux horizons.

Chez lui la réalité n’est jamais est exclue, mais la photographie apporte à la rigidité du réel d’étranges panoramas révélateurs mais aussi « dissolvants » là où la nature morte est transformée. Le sujet premier du travail de Christian Wachter reste le langage de la photographie lui-même. Avec les éléments de base de ce langage (la lumière et la position de l’« objet » dans l’espace) il évite les conventions en traitant de la réalité visible mais en suivant la fascination des objets les plus simples auxquels sont accordés par ses mises en scène des stimuli visuels et formels inédits.

Christian Wachter a d’ailleurs présenté son traitement de la photographie comme un « programme ». L’espace est capturé photographiquement de telle sorte que la modulation de la lumière avec le changement de profondeur de l’image dans la perception du spectateur suggère un changement de perspective - et ce bien que les sections de la nature et les vues architecturales restent inchangées. C’est l’intervention de la photographie qui rend perceptible la réalité dans sa représentation ou la fait disparaître dans l’invisible.

Ce travail combine la certitude formelle du « bon » photographe avec l’approche critique de remise en question des propriétés et des possibilités du médium pour chacun des projets.

Ajoutons que chez lui, la série en tant que structure devient sa méthode préférée. Elle offre la possibilité de développer une description sans surcharger l’image individuelle avec la création d’un contexte. Cette approche permet au spectateur de suivre l’émergence d’une image, de pénétrer un champ de possibilités interprétatives et de prendre son propre point de vue.

La série en tant que forme s’oppose à la domination de l’image individuelle. Néanmoins l’image individuelle en tant qu’unité essentielle est préservée dans sa qualité. L’arrangement en série signifie que l’aspect lié au contenu et de l’image semble l’emporter sur le style personnel de l’auteur. Néanmoins le photographe fait preuve toujours d’une signature : celle que son regard imprime.

L’exposition ouvre le large spectre qui caractérise l’œuvre de Wachter - depuis ses débuts avec des séries N&B socio-documentaires, comme « Portraits, Vienne » de 1984, jusqu’à des formations d’images tentaculaires de 2022. Il y a plus de 20 ans, Wachter avait liquidé sa chambre noire, qui avait ensuite été utilisée comme fumoir. Sa série de centaines de tirages C de paquets de cigarettes froissés - NFT-Cs « Non-Fungible Tobacco-Containers » - sont des photos ironiques qui illustrent le facteur temps à la base de la photographie et le changement de culture quotidienne et de mentalité qui y est lié. Tout comme elles se moquent des dernières tendances des visuels numériques.

Christian Wachter, Kinzept versus Fotografe, Fotohof, Salzburg, Autriche, du 4 octobre au 26 octobre 2022.