jeudi 29 décembre 2022

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L’« En vérité je vous le dis » d’Olivier Rachet

Une diversion d’Olivier Rachet aux Éditions Tinbad

, Jean-Paul Gavard-Perret

Diverger n’est pas jouer, mais parier sur ce qui était déjà en germe dès la création du monde : à savoir sa destruction.

Cette leçon vaut néanmoins bien plus qu’une messe : une retraite.

A la fois solaire et ensanglanté ce livre en devient l’oratorio. Il en appelle apparemment aux âmes là où l’apocalypse n’est plus pour demain : les palmiers brûlent et leurs dattes sont écrasées. D’où la force de cet écrit de rédemption sur la route sinueuse d’un impétrant impénitent .

Car en dépit d’un avenant christique l’appel des corps aimés - ceux de Mustapha et Ayoub - font qu’aucun sacrifice n’en vient à bout. Repoussant les limites « de la correction », ils ont permis au narrateur de réaliser bien des fantasmes et de défoncer des tabous.

D’où ce récit affolé d’une retraite spirituelle ratée où tout se renverse : la liberté comme le salut. Ce qui n’enlève rien au souci de croire - et c’est bien là le problème. Les êtres humains réinvestissent sans honte aux appels des sirènes que sont les dieux. Mais pour la plupart avec l’érotisme en moins mais la mort en plus.

Rachet propose donc un chant au lyrisme puissant qui veut toucher au cœur des êtres et des choses. C’est ambitieux dans cette volonté de dire l’enfer. Existe un souffle dégrafé et dévorant, mais n’est pas Dante qui veut. Ce qui n’empêche en rien une vision où éros et thanatos se rejoignent dans une prose où les bonnes intentions sont remplacées par le chant des bouches plus lascives que mortes.

C’est là remonter à la source de l’être et du langage. Le premier revenant y boire pour être fidèle à ses propres évidences autant qu’aux mystères des métaphores que le second génère. Encore vêtu de l’étoffe froissée du désir, le narrateur provoque un malaise, un vide mais aussi sa plénitude paradoxale. Car ici l’intelligence se refuse à être froide. Elle mène à la vérité indéchiffrable - ou presque - et déchirante.

Le livre montre en conséquence la différence qui existe entre un personnage qui poserait - pâle doublure dans un décor - et celui qui affronte son identité sans donner aux épisodes de sa vie passée la tournure d’un geste emprunté ou d’une scène rejouée sans âme ni corps.

Reste à retrouver un étrange présent derrière le passé le plus récent comme celui des origines. Le narrateur - proche des autres - y séjourne encore comme il vécut jusque là dans la vie plus que dans la mort, mais toutefois il se tient ici entre les deux dans une douleur qui n’apprend rien : ni nostalgie, ni prémonition (enfin presque). Reste dans les décombres de ce qui arrive et reste, un sexe en érection là où le récit devenant confidence chacun peut s’y enrouler comme dans les draps d’un lit défait.

Olivier Rachet, Une diversion, coll. Tinbad récit, Tinbad, Paris, novembre 2022, 114 p., 15 €
www.editionstinbad.com