lundi 30 octobre 2017

Accueil > Les rubriques > Images > Réelles présences

Réelles présences

Deuxième partie de l’entretetien avec Vincent Debiais

, Hervé Bernard , Jean-Louis Poitevin et Vincent Debiais

TK-21 LaRevue a pour ambition d’être un lieu de réflexion sur les images aujourd’hui. Et en effet quoi de mieux pour les approcher et les comprendre, ces images d’aujourd’hui, que de faire une retour arrière vers le Moyen-Âge, surtout lorsqu’il est présenté avec maestria par Vincent Debiais l’un de ses meilleurs connaisseurs aujourd’hui en Europe.

Debiais_2-3 from BERNARD Hervé (rvb) on Vimeo.

Réalité et image

Présence, absence, ces mots rythment les discours sur l’art, les analyses d’œuvres, les discours sur l’image, qu’elle soit photographique ou non, et, petits talismans permettant d’accéder à une extase simulée, ils font résonner en chacun des souvenirs impersonnels, réveillent des attentes que rien ne comble, projettent vers des situations que rien ne semble pourtant rendre possible.

La question de la « présence réelle » hante la réception des images depuis l’aube des temps. Elle hante donc le Moyen-Âge. Elle hante aussi la fabrique des images, puisque la légitimité des images, au sens large, tient à leur efficacité, supposée ou réelle.

La réalité est donc tout autre chose que l’élément qui apparaît au terme du constat de faible intensité que nous faisons aujourd’hui à son sujet.
Aujourd’hui, le réel est une sorte de presque rien assailli de toutes parts par des artefacts et des fantômes, des images mobiles à la puissance d’impact incroyable et des fantasmes à l’immensité de carte postale.

Comme l’explique Vincent Debiais, avec une précision de géomètre, au Moyen-Âge, le réel est la puissance d’annexion généralisé de tout ce qui est insérable dans une vision du monde comme activité poïétique. Le réel est tout ce qui peut être reçu dans et par le langage et ne peut, à terme, pas être contredit. Ce qui est réel est donc tout ce qui n’échappe pas à la pensée, autrement dit tout ce qui entre dans les catégories que le langage peut permettre d’établir. Les monstres sont réels parce qu’ils trouvent leur place dans le discours même si chacun sait qu’ils n’existent pas dans le quotidien.

Parallélisme des plans

Mais la présence réelle est d’abord autre chose. Elle met en jeu le parallélisme entre ciel et terre, entre monde céleste et monde matériel. L’image trouve dans ce cadre une place essentielle. Elle est ce qui s’offre au langage afin que par celui-ci il soit possible d’accéder à la vision de ce qui est porté par l’image de ce qui est à l’intérieur de la forme, et paradoxalement, c’est l’écrit, le texte, les mots, qui permettent que s’opère cette mise en relation du visible non pas avec l’invisible mais avec l’autre visible, celui qui échappe au regard qui s’en tient aux jeux de la reconnaissance des formes, celui qui relève de la vision au sens quasi mystique du terme.

Les reliques en ce sens fonctionnent comme des images et ce n’est pas le moins qu’elles font que d’être des opérateurs de narration. Car c’est par les mots que s’opère la réception des images. Ce constat fort que nous permet de faire Vincent Debiais devrait nous conduire à tenter d’analyser comment, dans ce monde qui est le nôtre se met en place la relation image / mots, images / textes, images / vision.

Car nous aussi vivons à l’intersection permanente de ces trois « dimensions » de la pensée que sont la perception, la mémoire et l’imagination. Simplement, sans doute le savaient-ils alors mieux que nous aujourd’hui, qu’aucune de ces dimensions ne peut exister sans les autres. Et c’est sans doute aussi à cette intrication que nous devrions prêter attention nous qui croyons comme on croyait à dieu, en la puissance d’effraction des images alors que celle-ci n’est pas pensable sans son association en nous, avec celle des mots.

Reste aussi à nous demander comment nous parlons ? Peut-être alors commencerons nous à comprendre comment nous pensons et saurons un peu de ce que nous font réellement les images quand elles entrent en nous !