dimanche 27 décembre 2020

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Géométries de l’Invisible — II

Parcours énergétique à distance de l’exposition Géométrie de l’Invisible

, Pascal Pique

Pour illustrer et expérimenter ici la question de l’énergétique des œuvres d’art à travers leurs images, il est proposé au lecteur de TK-21 une petite expérience. Elle consiste a vivre le parcours de l’exposition à distance. Simplement en s’imprégnant de l’œuvre à travers l’image une dizaine de secondes et à observer ses propres percepts, sensations, réactions etc. A la fois d’un point de vue du ressenti mental et physiologique. Dans la perspective de l’étude de l’énergétique des œuvres d’art à partir de leur géométrie qui est mentionnée ci-dessus, nous sommes intéressés par un retour d’expérience de cette contemplation.

1 - Sandra Lorenzi

Disque talismanique, 2019

Le « disque talismanique » s’inscrit dans la tradition ancestrale de l’art talismanique et de la géométrie sacrée. Il emprunte, entre autres, au roi Salomon son fameux sceau, convoqué ici pour la force de son rayonnement et sa qualité de bouclier de protection. Les quatre matériaux (feuille d’or, coquilles Saint-Jacques, bois d’acacia, cristal de roche) sont associés et activés dans la composition par l’usage de symboles (sceau de Salomon, croix pattée). La charge énergétique est ici couplée à la charge spirituelle et symbolique. Elles sont indissociables. Le symbole est vecteur d’énergie. La géométrie à la fois matérialisée et « incarnée » crée la signature vibratoire du disque. Son placement dans l’espace, en connexion avec le pavé mosaïque au départ de l’escalier, souligne que toute quête d’unité et d’ascension passe toujours par une compréhension et un dépassement de nos dualités. Il ouvre l’exposition et l’assure de sa présence lumineuse et bienveillante. 

2 - Basserode

Distorsions, 2004

Ce triptyque d’images photographiques montre des arbres déformés par des vortex numériques. Les fichiers de ces photos ayant été reconfigurés par un algorithme spécialement conçu pour imprimer dans la structure même de l’image la trace d’un mouvement spiral. Cette distorsion visuelle et structurelle fait de l’arbre une sorte de galaxie intégrant dans sa texture des éléments de terre, de ciel et de cosmos. Ces image-vortex ont une énergie particulière car elles prolongent et accélèrent des inflexions qui existent dans la nature. Ce travail est assez exceptionnel car il traduit visuellement en même temps qu’il le transmet un phénomène physique et énergétique bien réel que l’on peut ressentir au contact direct des arbres. Il renoue ainsi avec les cultures de l’arbre monde ou de l’arbre cosmique comme trait d’union entre le haut et le bas, entre la terre et le ciel. Ces œuvres sont aussi de véritables outils de reconnexion à travers leur énergétique visuelle.

3 - André Hemelrijk

Masque arbre, 2018

André Hemelrijk photographie les arbres à l’aide d’un procédé infrarouge qui permet de voir leur rayonnement de lumière invisible. Ici ce procédé est associé à une duplication fractale de l’image qui est mise en miroir. Les branches de l’arbre se relient alors pour créer un étrange motif dans lequel on pourra reconnaître un personnage, un visage, un insecte ou une abeille. André Hemelrijk voit l’arbre comme un émetteur/récepteur, c’est-à-dire une sorte d’antenne qui émet et reçoit de l’énergie à travers des ondes électromagnétiques. Il a aussi expérimenté une réalité inattendue avec le fait que cette énergie peut passer à travers l’image et rayonner sur le regardeur : « une photographie c’est aussi une gravure de photons, une image en énergie, c’est un hologramme en deux dimensions comme une porte vers la réalité 3D de la « matière ». L’arbre peut être vu comme une forme de cristallisation de la lumière dont l’énergie continue de rayonner à travers les images. Notamment dans le spectre de l’infra-rouges. Ici la considération technico-scientifique vient corroborer certaines traditions de l’invisible qui font de l’arbre un véhicule, un passeur et un pourvoyeur de lumière. Donc d’énergie.

4 - Teruhisa Suzuki

Kaze (modèle réduit), 2020

Teruhisa Suzuki, artiste japonais vivant en France, travaille en prise directe avec les éléments et les forces de la nature. D’où son intérêt pour les phénomènes de vortex, et les spirales que l’on retrouve aussi bien chez lui dans la coquille d’un escargot que dans l’évocation d’un ouragan. Ce qu’il incarne ici dans des projets de sculptures à réaliser à grande échelle et dans lesquelles le visiteur peut pénétrer. Cette petite sculpture en bois est le modèle réduit de Kaze, (qui signifie vent en japonais), sculpture déjà réalisée dans une forêt du Gers après le passage d’un cyclone. Elle a été réalisée spécialement pour Géométries de l’Invisible au terme d’un travail de patience et d’assemblage de plusieurs semaines. Cette œuvre est très étonnante car elle est à la fois dans la statique et le mouvement. Comme si elle concentrait en elle-même toute l’énergie du principe spiral. Cette œuvre révèle et transmet ainsi certaines dimensions invisibles du monde et des énergies dans lesquelles nous évoluons. Énergies avec lesquelles il nous propose de renouer pour se ressourcer. A travers son image même.

5 - Jean-Luc Leguay

Méditation, Série « Rituels Inconnus », 2014

Jean-Luc Leguay est maître enlumineur dans la plus pure tradition italienne. Il a été initié par un moine ermite franciscain, son « maître de lumière », qui lui a transmis les arcanes d’une pratique de l’enluminure remontant au VIIIe siècle. La géométrie sacrée figure parmi les enseignements qu’il a reçu. Il s’agit de la géométrie du nombre, de la spirale et du rectangle d’or. Il y a aussi celles de la mandorle en amande, du point et du cercle. Mais au-delà des formes, des symboles et des axiomes, c’est bien d‘une géométrie de la lumière et de la vibration dont il est question. Cette enluminure intitulée Illuminator peut être vue comme un autoportrait et un condensé des principes actif de la technique de l’enluminure. Mais ici l’image est aussi à voir comme une illusion qui capte l’attention du regardeur pour mieux faire travailler la dimension vibratoire de sa géométrie. L’enlumineur ayant appris que chaque forme géométrique peut être vue comme une note musicale avec une harmonique et que chaque enluminure doit être considérée comme une « matrice chantante de fréquences vibratoire ».

6 - Arthur Lambert

Sans titre (Angle d’or), 2019

Arthur Lambert revendique une dimension transcendante et spirituelle pour sa peinture élaborée à partir des géométries sacrées de certaines traditions ésotériques. Cette peinture sans titre à dominante bleue produit des vibrations à la fois subtiles et puissantes. Elle est constituée de plusieurs réseaux de trames très serrées qui s’organisent à partir d’un jeu d’angles dorés. Cette géométrie angulaire forme une croix qui distribue des pans de trames à la maille très étroite qui architecturent l’espace de cette composition. Cette structure associée à des tracés d’auréoles et de sphères estompées, donnent à l’ensemble une allure de paysage galactique qui évoque pour d’aucuns « la charpente de l’univers ». Les matières utilisées (tempéra à l’œuf, or véritable, pigments naturels) associent les règnes du minéral, du végétal et de l’animal. Ce qui confère à l’œuvre un véritable souffle et une respiration. Un souffle que l’on peut ressentir visuellement mais aussi physiologiquement en incorporant à l’intérieur de soi les flux qu’elle véhicule. On peut alors ressentir à travers les effets d’optique des sensations paradoxales de bascule et de stabilisation. C’est cet « équilibre tangent » qui incarne pour l’artiste le risque de la dimension spirituelle et transcendante.

7 - Sandra Valabrègue

Arbre Séfirotique 1,2 & 3, 2020

Sandra Valabrègue est à la fois artiste et spécialiste de la Kabbale, qui est une tradition ésotérique du judaïsme ayant cristallisé nombre d’aspects des cultures de l’Invisible et de leurs géométries à travers le monde. Ces trois œuvres réalisées spécialement pour l’exposition Géométries de l’Invisible sont des interprétations libres et « artistique » de la structure et de la mystique de l’arbre des Sephirot que l’on nomme aussi arbre de vie. Cet arbre est plus qu’un symbole spirituel et mystique de la Kabbale et des cultures de l’Invisible, puisqu’il représente un schéma fonctionnel et énergétique de l’univers. C’est-à-dire une sorte de mécanistique dont la lecture et la pratique permet d’activer des circulations ciel-terre et terre-ciel, notamment à travers la descente de la lumière sur le monde humain. Mais aussi dans les humains puisque cette lumière est associée à la vie qui nous anime. Dans certaines représentations le schéma de l’arbre des Sefirots correspond à celui chakras, les points d’énergies du corps humain. Comme pour les chakras, les Sefirots de l’arbre peuvent être activés de différentes manières. Dans la tradition hébraïque cela se fait par la lecture du texte et du nom, mais aussi de manière visuelle. Comme ici avec Sandra Valabrègue qui a développé des vibrations très particulières, à partir de la fluidité de la peinture et des couleurs qui véhicule la lumière pour la faire résonner avec la géométrie des lignes et des sphères.

8 - Anika Mi

La Vie, Le Nouveau, L’Amour, Le Temps, La Vérité́, L’Évolution – acrylique sur cartons entoilés & vidéo musicale avec Michel Redolfi

Anika Mi présente six peintures, des « écosphères » sous forme de mandalas, rassemblés dans ce qu’elle appelle « mon arbre de vie ». Avec la publication d’un livre Huma, ce travail participe d’un parcours de soin avant qu’elle ne devienne elle-même thérapeute-psychanalyste « Soin par la forme, sa rondeur qui contient, retient, son tranchant qui ouvre l’espace, crée la saillie. Soin par la couleur, sa symbolique cosmique et son alchimie réparatrice. Les mandalas créent le lien harmonisant et la frontière nécessaire entre le point du dedans et l’horizon du dehors ». Cet ensemble est accompagné d’une vidéo avec la participation musicale du compositeur Michel Redolfi.

« Imaginez “être” au milieu de choses qui originellement ne s’assemblent pas. Au milieu de dimensions au départ antagonistes, plus que complémentaires. Sans mélange, sans synthèse, ni résolution. Quel liant pour faire grandir tout cela ensemble, au même rythme de symbiose, dans le même fondement synchrone ? Ce qui soulève tout cela, c’est l’Amour accroché au Temps. Le Temps permet le déploiement, le développement, l’évolution. L’Amour permet le rapprochement, le couplage : l’écoute, la prise de parole alternée ou commune ; au final, la croissance mutuellement affectée.

Alors, la Vie se forme à force d’introduction du Nouveau dans la matière en mouvement. Ce lien entre l’information immatérielle “nouvelle” et la phénoménologie organique “vivante” est permis par l’Amour — inconditionnel, source de toute émergence, de toute co-constitution.

Alors, la Vérité s’introduit progressivement dans l’Evolution via le Temps. Une vérité ontologique liée à la justesse synchronistique du “tout dans le tout” — interdépendant. Son accueil dans le “présent vivant” s’ajuste dynamiquement à chacun de nos élans d’amour liants.

Alors, au milieu de “tout dans tout”, une émergence cardinale singulière : l’Oméga. Un plongeon dans l’accord primordial et final — associant primitivement l’onde cosmique au corpuscule stellaire, composant chaque formulation chimique du magma à la molécule, immergeant la structure dans la chair. L’organisation de chaque “objet” astro-physique, (sub)atomique, micro-organique, macro-formel ou -comportemental,... s’exprime énergétiquement dans l’apparition d’un phénomène tout juste naissant. Et nous, humains, nous voilà “vivants” ! » Anika Mi

9 – Julije Knifer

Méandre, 1991

Julije Knifer a peint et dessiné des méandres toute sa vie. Il a fait très tôt le choix radical de réduire les éléments de la composition à la verticale et à l’horizontale, au noir et au blanc. Avec quelques incartades du côté de la couleur comme ici avec cette composition bleu cobalt sur fond noir en hommage à Malevitch. On retrouve le motif du méandre dans toutes les cultures de l’Invisible de la planète, que ce soit sur les vases grecs, les bordures de mosaïques, de pavage de seuils ou de tapis. Ainsi que sur les vêtements. Et les objets du quotidien. Ce motif dit « décoratif » a en fait une fonction et une onde de forme particulière. Il est à la fois signe, instance de protection et ouverture sur les mondes de l’Invisible. En tant que symbole abstrait de la spirale, il serait aussi une représentation active de l’univers. Les variations à l’infini qu’en a réalisé Julije Knifer pendant plus de cinquante ans, sont toujours restées en deçà d’une dissolution du motif dans une abstraction totale. Comme si l’artiste avait gardé le lien et entretenu dans son œuvre une connexion à la rythmique primordiale.

10 - Sol LeWitt

Lines in Color, 2004

Sol LeWitt qui est l’inventeur de l’art conceptuel n’a jamais voulu limiter son art à des formes de rationalité. Sa quête a plutôt été d’atteindre et de libérer une nature profonde de l’art en travaillant des formes d’organicité autogénératives. C’est pourquoi il déclare en 1969 dans son fameux manifeste de l’art conceptuel : « les artistes conceptuels sont mystiques plutôt que rationalistes. Ils parviennent à des conclusions que la logique ne peut atteindre. » Ces propos, toujours mécompris et considérés comme énigmatiques par nombre de critiques et d’historiens, renvoient en fait à une conception organique et symbiotique de l’art. La série des dessins et des gouaches aux lignes ondulées, dont Lines in colors, 2004 de la collection de l’EAC qui est présentée ici, est particulièrement représentatives de cette vision de l’art. Ce type d’œuvre a un statut particulier dans la production de Sol LeWitt puisque à la différence des wall drawings dont il délègue la réalisation à un tiers, lui seul peut réaliser ces œuvres à la gouache. Probablement parce qu’il est question ici d’ondes ou de fréquences visuelles directement issues de sa propre organicité d’humain et d’artiste, qui s’incarnent dans la fluidité aqueuse de la gouache à la lumière des couleurs utilisées. Ces gouaches font d’ailleurs écho aux dessins de lignes droites et de formes géométriques qui renvoient aussi clairement à la mécanique des ondes de formes, c’est-à-dire à l’énergie vibratoire de la géométrie de tout ce qui nous entoure. Sol LeWitt était probablement conscient de ces phénomènes auxquels son art était intimement lié. La gouache de la collection de l’EAC découle d’une pièce réalisée en 1970, la première du genre avec des lignes ondulées que LeWitt a dédié à son amie Eva Hesse qui venait de disparaître. Il s’est alors directement inspiré de Metronomic Irregularity, une œuvre de 1966 de Eva Hesse avec des lignes de fibres torsadées dont il avait aidé à l’installation. Sol LeWitt avait été émerveillé par la variabilité et la vitalité de cette pièce murale « qui n’était jamais deux fois la même ». Il était particulièrement respectueux de cette grande artiste de l’informel organique qui appartenait au mouvement Anti-form, aux antipodes de certaines de ses positions conceptualistes. Sol LeWitt a aussi été très proche de Mario Merz ou de On Kawara. C’est aussi à leur contact qu’il découvre que l’idée n’est pas qu’une construction rationnelle, mais aussi une énergie à laquelle il est important de se connecter. Quoi de mieux alors pour diffuser cette énergie que faire réaliser des œuvres par les autres. Qui deviennent alors des réceptacles et des passeurs. Tout en se libérant des dérives narcissiques de l’égo et du mental (le credo de l’art conceptuel), pour mieux se mettre au diapason de l’univers. Peut-être est-ce là que réside la dimension mystique que Sol LeWitt évoque ? N’est-il pas allé jusqu’à revendiquer des formes de révélation ?

11 - Vera Röhm

Tétraèdre rouge-noir, Variante 4 (3.4) 1974/1983

Vera Röhm qui vit à Darmstadt en Allemagne et à Paris depuis les années soixante-dix a développé une œuvre géométrique et concrète qui vise une forme de beauté rationnelle. Elle s’est intéressée à la représentation visuelle et physique du temps, de l’espace et du mouvement ainsi qu’à la restitution de la géométrie des ombres qu’elle matérialise dans des sculptures de tôle d‘acier. A l’image des gnomons de l’antiquité, ses créations sont de véritables instruments de connaissance à dimension astronomique qui renseignent la position de l’humain sur la terre, dans son environnement direct, tout en le reliant aux forces cosmiques de l’univers. Son travail sur les tétraèdres qui est représenté ici a une charge cosmologique et énergétique. Cet assemblage de triangles d’acier rouge et noir résulte de la déconstruction d’une pyramide à trois côtés dans laquelle on peut pénétrer visuellement et physiquement pour entrer au cœur du vide de la matière et de son binôme, la non-matière. Le rouge de l’acier renvoie ici à la symbolique de la fusion et du feu solaire qu’incarne la pyramide ainsi qu’à ses pouvoirs énergisants et régénérants.

12 - Art Orienté Objet

Déogramme, 2020

« Quelle que soit leur culture chamanique d’origine, de nombreux usagers témoignent que lors des transes initiatiques, des visions lumineuses géométriques leurs apparaissent avec l’impression forte qu’elles leur transmettent une puissance extrahumaine. Un certain nombre d’entre elles prennent des formes spiralées, simples, doubles ou triples, bien connues des représentations ésotériques indo-européennes et sud-américaines (treskele, Walgyl aborigène, Amaru quechua, etc.). Mais à un certain niveau de perception apparaît ce que nous avons appelé le « déogramme », un genre de double croix lumineuse, qui s’accompagne d’une force de transmission telle que l’esprit ne peut expliquer sa présence autrement que comme l’émanation d’un autre champ de conscience nous dépassant. C’est sans doute pour cela que le déogramme a été choisi comme signe de protection dans une très grande majorité de cultures de l’invisible. Car par la force de son évidence géométrique, appelant directement la présence divine, il est censé repousser les forces du mal. C’est le premier signe que les brodeuses ésotériques Mazzera apprennent à reproduire, le premier signe tracé au sol par les guerriers Nyongar, celui qui figure sur les maisons des balians de Bali ou sur les bijoux Sami, etc. Le voir en transe change la conscience irrémédiablement. »

Marion Laval-Jeantet et Benoit Mangin, mai 2020

13 - Lambert

Sans titre (spire), 2020

Arthur Lambert a demandé à son amie Emilie, de prendre la pose du Salvator mundi, Le sauveur du monde de Leonard de Vinci, avec deux doigts de la main droite levés sur fond d’arbre et de feuillage, pour réaliser cette photo-enluminure fascinante recouverte d’une spirale dorée. On ne sait trop si la spirale vient cercler l’œil du modèle aux allures de christ androgyne ou si elle se développe à partir de sa divine pupille. En fait le vortex anime l’image d’un double mouvement scopique qui augmente puis se rapetisse à l’infini. La géométrie cinétique de cette enluminure perce littéralement l’ordre des choses profanes et spirituelles dans le point capiton de l’œil d’Emilie pour faire apparaître conjointement l’humain et le divin. Ce qui pourra être difficile à voir et à concevoir pour des non-voyants, ou des non-croyants, traduit ici un véritable saut dans le vide d’une transcendance visuelle. Cette image qui cristallise avec des moyens prosaïques toute l’étrangeté du sublime, offre peut-être une résolution de l’impossible quadrature du cercle dans cette rotation à l’infini qui fusionne les dimensions spirituelles et matérielles. Jusqu’à activer la respiration cosmique du verbe incarné dans cet œil qui nous parle fortement en silence. Dieu est aussi une femme.

14 - Aurélie Nemours

Isis, 1971/1973

Aurélie Nemours, avant d’être une artiste de la géométrie, est une très grande artiste de la méditation et de la spiritualité qu’elle origine dans le point, le vide et dans la vibration. Pour elle la peinture est une « entité libre ». C’est aussi une quête de la structure de la nature qui mène à l’abstraction. L’artiste précise : « petit à petit, à force d’études, la révélation du monde vous entraîne à un degré de connaissance interne à la nature qui fait très vite corps avec votre propre vie intérieure. Le monde objectif, celui de l’apparence, tombe alors au bénéfice du rythme ». Son abstraction géométrique est à la fois le résultat et l’outil pour explorer ces dimensions par la contemplation.

15 - Emma Kunz

N° 1, ca 1950

Emma Kunz est une artiste médiumnique et une guérisseuse très célèbre en Suisse qui a réalisé d’impressionnants dessins géométriques à l’aide du pendule. Ils ont d’abord été destinés à soigner des patients avant d’être exposés après sa mort et reconnus comme des œuvres d’art. Emma Kunz réalisait ses dessins sur du papier millimétré en se laissant guider par l’énergie radiesthésique pour tracer les réseaux de points ou de traits colorés. C’est le pendule qui indiquait les points sur la feuille à partir desquelles Emma Kunz tirait les lignes. Ce dessin a une énergétique et une charge toujours active qui opère même à travers la reproduction.

16 - Philippe Deloison

Zazen, ca 2014

Philippe Deloison a eu une double vie de joailler reconnu de la place Vendôme et de peintre médiumnique redécouvert par le Musée Victor Hugo à Paris. Adepte du zazen qui est une forme de méditation très poussée, Philippe Deloison pratique la peinture en transmettant des visions qu’il reçoit sous forme de dessin ou d’écriture automatique. Il peut également photographier des fantômes, percevoir les auras ainsi que ce qu’il nomme « les plis du temps », des sortes d’émanations énergétiques, qu’il perçoit dans le paysage. Il présente ici une série de peintures alchimiques liées au pouvoir des pierres associées à quelques plis du temps aux géométries organiques.

17 - Irina Quinterne

La reine du ciel, 2020

Irina Quinterne a le feu sacré du dessin qui est le lieu chez elle d’un surgissement de l’ordre de la vision. Dans le triptyque assemblé pour Géométries de l’Invisible il est question d’une vierge en feu qui fait écho à une matrice mi-météorite mi-navette spatiale donnant naissance à un insecte et à un cerveau central abrité dans une mandorle pattée. Ces figurations abstraites surréelles, s’animent telles des flammes à la lumière de la couleur et de la géométrie formelle du dessin. Comme si l’artiste avait percé le secret de la géométrie du feu sacré qui irradie ses œuvres. En particulier avec Reine du ciel qui reprend l’imagerie de l’apparition mariale de la vierge de la rue du Bac à Paris en 1830 et de la médaille miraculeuse. C’est aussi un dessin actif avec une vibration, une charge et une énergétique toute particulière due à sa fluidité. Une fluidité de la ligne et de la couleur qui devient un véritable flux. Dans ses fréquences les plus hautes, ce dessin-flux évoque une forme d’extase visuelle. Les ondes de ces dessins avec leurs agencements de lignes et de nappes colorées peuvent opérer comme un véritable soin pour celui qui les regarde. Dans une alchimie des formes, des lignes, des couleurs, du sens et du cœur, à laquelle est sensible l’artiste.

18 - Vidya Gasltaldon

Visionium, vidéo, 2018

https://vimeo.com/user91410212

Vidya Gastaldon s’inspire de la culture populaire, du psychédélisme et de la méditation. Elle développe un travail de géométrie abstraite depuis deux ans à partir d’une combinatoire de mires colorées dont elle a réalisé des centaines de dessins. Cette œuvre mantra existe à la fois en vidéo, en dessin et sous la forme d’objets repeints à la manière de ses fameuses Healing paintings, les peintures de soin. Cette géométrie méditative a effectivement quelque chose à voir avec la lumière et le soin. Notamment dans la dimension hypnotique de sa restitution vidéo avec le son fascinatoire d’Alexandre Joly. Elle évoque la pratique du prayanama, technique de respiration yogique. Visionium est une méditation-expérience visuelle intense de 8 mn construite à partir de centaines de dessins de formes géométriques abstraites et colorées se déployant dans une trame. Ici, la vision se concentre naturellement sur l’activité du centre mais est soumise aux changements permanents au limites du perceptible. Ce film propose une véritable spatialisation de la conscience.

19 - Vladimir Skoda

Hommage à Yves Klein, 2018

Vladimir Skoda est l’un des derniers grands artistes forgerons. Dédié à Vulcain, au feu terrestre et céleste, le forgeron a fondamentalement à voir avec l’alchimie qui a inspiré Vladimir Skoda pour forger le cœur invisible de son art. C’est pourquoi cette salle qui lui est dédiée tient à la fois du laboratoire de l’alchimiste, de l’Athanor et du four cosmique.
Son atelier symbolique et énergétique en quelque sorte où Skoda sculpte l’énergie du cosmos depuis des décennies. Et où il a réinventé toute une géométrie cosmologique en solutionnant la quadrature du cercle et du carré quand le cube de métal en fusion devient sphère. Car Skoda est un artiste de la sphère. Tout est sphère ici depuis ses dernières œuvres murales évoquant le soleil et les planètes comme des bourgeons d’espace qui pointent au centre de cercles évoquant la stratosphère. Sphères que l’on retrouve en lévitation dans l’espace d’exposition avec Constante de Planck ainsi que dans la série des gravures intitulée Alkhemia. Cette alchimie visuelle montre des compositions géométriques de cercles et de cônes dans une symphonie de noirs, de blanc et de gris qui est une véritable joute cosmique. L’observateur averti pourra même déceler la présence de l’or et de la pierre philosophale. Une pierre vue à l’échelle astrale qui fait écho au bleu du ciel de l’hommage à Yves Klein, adepte lui aussi de la géométrie cosmique et alchimique.

20 - Olivier Raud

Plateau Fibonacci, 2020

Olivier Raud utilise la polarité du bois et l’énergie électromagnétique naturelle dans ses œuvres. Les plateaux de Fibonacci associent trois technologies. La suite de Fibonacci qui exprime le nombre d’or. La polarité du bois qui est active sur l’eau. Et la technologie hydrospire développée par Jeanne Rousseau, une pharmacienne qui a travaillé sur les eaux guérisseuses et leurs résonances cosmiques. Ces plateaux peuvent êtres utilisés pour dynamiser l’eau, le vin, les aliments. Ils font également rayonner les minéraux. On peut manger, dessus, travailler et même méditer ou faire son yoga. Ils ont été testés par de grands méditants ou maîtres de yoga qui ont attesté leur efficience. Ils procurent un état méditatif immédiat sans effort. Ici ils sont accrochés au mur (comme des tableaux d’art) en double vortex inversé avec deux pôles opposés, le négatif à gauche et le positif à droite. Un phénomène se produit à la jonction des deux plateaux que certaines personnes peuvent percevoir. Ils parlent d’une émergence de lumière bénéfique, une sorte d’énergie subtile, d’étincelle du vivant.

21 - Isa Perù

L’âme agit, 2020

Isabelle Perù est une artiste autodidacte qui développe depuis près de vingt ans une pratique intuitive et énergétique de la peinture à partir des motifs de fleur de vie en se connectant à l’énergie universelle par l’intermédiaire des arbres et des pierres. Pour Géométries de l’Invisible elle a réalisé une série de peintures mandala circulaires fluorescentes éclairées en lumière noire. Elles renvoient aux profondeurs du cosmos et à son architecture mystérieuse évoquée ici à travers l’onde de forme de motifs dérivés de celui de la fleur de vie. Ce type de peinture-fleur rayonne d’une lumière interne à la manière d’étoiles qui scintillent sur le fond diffus cosmologique de l’univers, qui est le rayonnement électromagnétique dans lequel nous baignons. Les petits formats dont celui-ci sont des « entretiens muets » que l’artiste réalise au contact d’une personne connue ou inconnue, sans échange verbal. Elles résultent en quelque sorte d’une forme de communication énergétique. Elles sont rassemblées autour de la figure du Métatron, l’un des symboles les plus puissants de la géométrie sacrée, qui superpose les Cinq Solides de Platon à la Merkaba. Le Métatron est également un ange hébraïque et une protection des plus puissantes. Ces peintures de lumières peuvent être considérées comme des instances de soin et de connexion. C’est la dernière étape du parcours initiatique de l’exposition Géométries de l’Invisible, et la première d’un parcours individuel que chaque visiteur pourra prolonger en réveillant dans sa mémoire les géométries des œuvres qui l’auront imprégné.

Vos contributions sous forme de texte schéma, dessin ou autre, sont les bienvenues et peuvent être retournées à musinvible@gmail.com.
Merci !

Frontispice : Expérimentation par Vladimir Skoda de l’œuvre de Olivier Raud en lumière noire dans l’exposition Géométries de l’Invisible (Photo Lola Raud)