samedi 30 avril 2022

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Faust Cardinali - Polyptyque d’un polycorps

Exposition — Sorbonne Artgallery

, Faust Cardinali et Suzanne Anger

Nous découvrons l’évolution du travail de Faust Cardinali, comme une histoire racontée pas à pas, qui retrace des étapes de création.

Intriguée par le travail de Faust Cardinali, que je découvre à peine, je me dirige vers la Sorbonne où a lieu ce 26 avril une conférence animée par Yann Toma, président de la Sorbonne Artgallery, ainsi que par l’artiste lui-même. L’université, fermée pour cause d’agitation politique, est totalement vide et silencieuse. Je peine à trouver l’entrée de l’amphithéâtre dans ces couloirs résonnants. C’est alors que j’entends la voix joyeuse de Faust Cardinali, qui me guide jusqu’au petit groupe qui s’est formé autour de lui, et qui l’aide dans les derniers préparatifs avant l’ouverture de l’exposition au public. Un public qui ne sera, malheureusement, composé que de proches de l’artiste, les curieux faisant face à une porte fermée, au plus grand malheur de Faust Cardinali.

Faust Cardinali – étude pour musée à croissance délimitée (détail)

J’essaye alors de m’imaginer les premières impressions que pourrait avoir un public sur cette exposition. D’abord, l’absence de vue d’ensemble marque l’esprit. Les œuvres, présentées les unes à la suite des autres dans un long couloir qui fait office de hall d’entrée au bâtiment, permettent une appréhension progressive du polyptyque. Une après l’autre, nous découvrons l’évolution du travail de Faust Cardinali, comme une histoire racontée pas à pas, qui retrace des étapes de création. La combinaison de l’organique et du mécanique interroge les formes, les techniques et les concepts. L’apogée de l’exposition arrive avec le panneau 9 qui, comme un chef d’orchestre, vient donner vie à tous les autres panneaux. A la fois dernier et premier tableau, il vient conclure en apothéose ou au contraire, rythmer la contemplation. Ce travail de l’artiste, à la fois exposition et œuvre contemporaine, entre en résonance avec le lieu. Le minimal devient baroque, un minimalisme maximaliste, vient s’inscrire dans son décor : la Sorbonne semble être le lieu parfait pour présenter ce polyptyque.

Cette exposition donne à voir les sujets et les techniques qui composent le travail de l’artiste. Nous retrouvons la matière, le polyvinyle, à l’origine de sa pratique de plasticien, devenue sa marque de fabrique. La lividité organique produite par la résine devient alors une obsession, autant que la plastification du temps. Les tableaux apparaissent alors comme des synesthésies où les sons et la matière deviennent image. Les couleurs, les formes et les textures, liées par la résine, viennent composer un paysage dans lequel nous nous perdons, un voyage dans un monde coloré et silencieux.

Faust Cardinali – paysage mobile (détail)

Le polyptyque fait aussi écho au travail passé de l’artiste et à ses liens avec des projets architecturaux : « La maison de l’auteur », une maquette de la maison-atelier idéale réalisée avec un élève de la faculté d’architecture de La Villette dans les années 90 qui au fil des couches de résine successives devient sculpture. Dans l’exposition de la Sorbonne, l’architecture se démembre dans un paysage où la ville est lointaine. Nous devinons la construction, fragmentée dans chaque tableau.

Ce travelling sur un travail antérieur de l’artiste vient aussi annoncer un projet futur. Une série de crânes de sanglier plastifiés, véritables os retrouvés dans une forêt de Toscane, deviennent de nouvelles vanités, positionnées entre réalisme et science fiction, et viennent questionner la place de l’animal, du sanglier, dans l’histoire de l’art. L’animal plastifié, symbole de l’homme solitaire ou encore de la figure de l’anarchiste, s’inscrit dans une continuité plastique, entre histoire personnelle et histoire de l’art.

Quelle suite donner à ce polyptyque ? Les images pourront être agrandies pour devenir décors de théâtre, ou à l’inverse tellement réduites qu’elles ne seront visibles qu’au microscope, pour des spectateurs lilliputiens, qui pourraient comprendre les enjeux de la résine et de tous les nouveaux défis de l’humanité. En attendant, nous espérons tous une réouverture prochaine, et présenter cette suite de tableaux au fourmillement d’étudiants.

Voir en ligne : Sorbonne Artgallery

L’exposition sera visible dans la Sorbonne Artgallery jusqu’au 28 mai 2022.

Voir : www.sorbonneartgallery.com

Frontispice : Faust Cardinali – Tour totem