dimanche 27 février 2022

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Aquarium et Astéroïde

Sur une exposition de Christophe Robe à la galerie Jean Fournier

, Christophe Robe et Suzanne Anger

Une présentation empathique de l’exposition de Christophe Robe à la galerie Jean Fournier.

Pour sa troisième exposition à la galerie Jean Fournier, intitulée Aquarium et Astéroïde, Christophe Robe propose un ensemble intimiste d’une vingtaine de toiles allant du petit au très grand format.

Sur des murs blancs nus, les tableaux sont sublimés par une lumière naturelle. Aucun cartel ne vient donner d’information sur ce que nous voyons : c’est là un choix de Christophe Robe, qui souhaite laisser à celui qui les observe la liberté d’interprétation de ses toiles. Les tableaux sans titre poussent l’observateur à se laisser emporter au-delà de la toile et à connecter les œuvres entre elles. Les tableaux ne forment pas de série mais sont présentés comme des individualités qui résonnent entre elles. C’est dans ce silence coloré que se met en place le dialogue et que l’imagination suit son cours. Au fil de l’avancée dans la galerie, nous découvrons un univers à la fois aquarium et astéroïde.

Chaque tableau raconte sa propre histoire. Le processus de création, laissé visible, rend compte des questionnements de l’artiste, des étapes par lesquelles il est passé pour en arriver à ce que nous voyons. Pour certaines toiles, il faut parfois plusieurs mois. Elles attendent alors dans un coin de l’atelier, avant d’être reprises, lessivées, poncées, grattées, retournées. Les strates de création, visibles, sont nécessaires à la compréhension du tableau, car elles illustrent le cheminement de l’artiste comme celui de la toile jusqu’à ce qu’elle soit montrée dans la galerie. Ces différentes strates placent le geste au centre du tableau. Christophe Robe se laisse porter par le flux des mouvements, des couleurs et des techniques de peinture. Le temps qui est déployé dans la création permet d’éviter les répétitions, évince une routine, celle qui enterrerait la création.

Une distinction peut être faite entre les petites et les grandes toiles. En effet, les petits tableaux semblent représenter un fourmillement, un condensé d’émotions, une superposition de tout. Ces œuvres très prenantes donnent l’impression d’une tentative d’enfermement de quelque chose de grand dans un espace restreint. À l’inverse, face aux grandes toiles, l’observateur peut s’offrir une pause dans le voyage, un temps de respiration. Il est plus évident, ici, de voir les flux de peinture et les moments de la création. Et pourtant, Christophe Robe passe en général plus de temps à peindre les petits tableaux que les grands, revient plus dessus. Les petites toiles sont souvent une superposition de moments distants dans le temps, chacun ayant eu lieu à quelques mois d’intervalle, voire plus. Malgré cette distance, ces tableaux dévoilent une certaine continuité plastique et une constance d’intention. Les grandes toiles quant à elles sont souvent peintes dans un temps plus restreint, de quelques semaines.

Dès l’entrée dans la galerie, le voyage commence. L’alternance des couleurs et des formats constitue un chemin semé de respirations, une partition rythmée de pauses et d’émotions. Dans la salle du fond, entouré de trois grands formats, le regard navigue de l’un à l’autre, compare les couleurs, trouve des échos entre chaque toile, y cherche des significations qu’il s’imagine cachées. C’est bien là le but de Christophe Robe : permettre à chacun de voir ce qu’il veut. Mais il faut pour cela qu’un dialogue s’instaure entre les tableaux et ceux qui les regardent. Ce sont des paysages synesthésiques sans lieux ni décors. Les couleurs évoquent aussi des sons, le toucher que l’on s’imagine se mêle à des parfums, une chaleur saisonnière se dégage de certains tableaux. Christophe Robe ne peint pas à partir de souvenirs ou d’éléments figuratifs empruntés au réel mais cherche à représenter un moment émotionnel. Les toiles sont à la fois très personnelles et universelles. L’abstraction offre un moyen d’éviter un surplus d’informations visuelles superficielles et donne des clés de lecture accessibles à tous. La peinture est un moyen pour l’artiste de montrer son rapport au monde réel et au monde des images. Il donne à voir ce qu’il n’a pas conscience d’avoir vu, des expériences sensibles plus que des moments ou des souvenirs précis. Les tableaux n’ayant pas pour but d’être narratifs, ce sera alors à l’observateur d’inventer un lieu à ces paysages imaginaires ou d’associer un souvenir à ce qu’il voit et ainsi de créer un récit qui lui soit propre.

L’exposition « Aquarium et Astéroïde » de Christophe Robe a lieu du 8 janvier au 12 mars 2022 à la galerie Jean Fournier.