LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue n°119


Éditorial

« Notre artiste s’est donc trouvé aux prises avec ce monde multiforme et, supposons-le, s’y est à peu près retrouvé. Sans un bruit. Le voici suffisamment bien orienté et à même d’ordonner le flux des apparences et des expériences. Cette orientation dans les choses de la nature et de la vie, cet ordre avec ses embranchements et ses ramifications, je voudrais les comparer aux racines de l’arbre.
De cette région afflue vers l’artiste la sève qui le pénètre et qui pénètre ses yeux. L’artiste se trouve ainsi dans la situation du tronc.
Sous l’impression de ce courant qui l’assaille, il achemine dans l’œuvre les données de sa Vision.
Et comme tout le monde peut voir la ramure d’un arbre s’épanouir simultanément dans toutes les directions, de même en est-il de l’œuvre. [...] Ni serviteur ni soumis, ni maître absolu, mais simplement intermédiaire. L’artiste occupe ainsi une place bien modeste. Il ne revendique pas la beauté de la ramure, elle a seulement passé par lui . »
Paul Klee, Théorie de l’art moderne, Éditions Gallimard, folio essais, 1998, p. 16-17.

« Le dessin de Paul Klee décrit ce que nous appellerons le circuit du sensible, puis, avec Bernard Stiegler, le circuit noétique. » Dans ce texte, Bernard Umbrecht poursuit à partir de Paul Klee, son investigation des enjeux posés à la pensée par l’œuvre de Joseph Beuys qui en inventant la sculpture sociale fait bouger les lignes relatives à l’art, à l’esthétique. C’est ce déplacement des lignes sur lequel revient abondamment Bernard Stiegler, troisième partenaire de cette réflexion, dans son livre Qu’appelle-t-on panser 2. La leçon de Greta Thunberg. « En notant que cette impossibilité de composition qui caractérise l’actuel état de misère symbolique bloque la formation d’un circuit social et socialisant et menace le social lui-même dont l’art n’est que la plus ancienne ex-pression », Bernard Umbrecht montre avec Bernard Stiegler que « la question de l’art devient celle de la sculpture sociale ».

Textuellement…

« Tout est objet pour la peinture, sans excepter les états d’âme, les rêves et même les cauchemars, à condition que la transcription soit faite avec des moyens plastiques. Mais il est intéressant de savoir ce qu’on entend par moyens plastiques » écrit Samuel Beckett. Jean-Paul Gavard-Perret signe ici un texte inspiré qui montre comment un écrivain parvient à penser l’image, c’est-à-dire « le point, le lieu où l’image s’épuise mais où paradoxalement le regard s’ouvre. »

Nous poursuivons la publication de chapitres du livre L’esthétique et ses bords que Pedro Alzuru, philosophe vénézuélien en exil en France a écrit en français. Il s’agit dans le chapitre intitulé « Le business posthumain », d’aborder la remise en cause radicale du concept et du phénomène de la nature humaine telle qu’elle a été pensée jusqu’à aujourd’hui.

Avec Jeux de l’unique, Une école en Dordogne II, Alain Coelho
poursuit l’exploration de son enfance. En France, une fois débarqué de Tunisie, c’est l’école qui l’attendait. « Dans un étrange bonheur plutôt, à Périgueux, à Saint-Astier, je me coulais dans l’école, dans le plaisir des livres de tous côtés offerts, et comme dans l’écriture avec l’encre, la courbe des lettres formées, les buvards roses et les cahiers. »

Nous poursuivons notre aventure avec Joël Roussiez en publiant cinq courtes proses qui nous conduisent, chacune à sa manière, au bord de l’extase.

Romane Charbonnel revient dans TK-21 LaRevue, avec l’analyse d’un livre consacré au cinéma de Jacques Doillon et intitulé Les prises Doillon. Si l’essai d’Antoni Collot est à l’image du cinéma qu’il analyse, notre seul regret est que ses prises n’en soient pas aussi nombreuses. Mais volontairement Collot a écrit un livre qui se lit le temps d’un film.

Imaginalement...

Avec Sur les bords, 9e version... Jean-Christophe Nourisson signe, à Nice, une exposition remarquable que Jean-Louis Poitevin tente de décrypter pour en faire ressortir la substantifique moelle et l’implacable pertinence. Il y est question de messages, de signes et de signaux et par-dessus tout d’une révélation que la puissance d’ironie de ces œuvres rend évidente.

TK-21 LaRevue, accueille un nouvelle fois Simon Morley, non pour ses propres tableaux mais pour The Simple Truth. The Monochrome in Modern Art, livre qu’il vient de publier et dans lequel il met en perspective toute l’histoire du monochrome et de la relation dont il est porteur entre idée et matérialité de l’œuvre.

Nous sommes heureux de retrouver le travail de Nicole Sottiaux qui revient à nouveau sur le devant de la scène avec un livre à venir aux éditions lelivredart et pour lequel elle lance une souscription que nous soutenons. En effet, avec ce livre sera proposé en cadeau l’ouvrage publié aux éditions TK-21 que lui a consacré Jean-Louis Poitevin qui signe ici un court texte portant sur son travail le plus récent.

Laetitia Bischoff nous invite à réfléchir sur les mutations du statut et de la fonction des œuvres d’art qui peuvent ici devenir une recherche historique, éthologique, biologique, mais également des porte-parole pour un territoire, pour un animal. Karine Maussière à l’île de la Réunion et Maryse Goudreau, artiste de l’année 2020 en Gaspésie, s’ingénient à rendre l’art à son objet.

Les peintres Wolfgang Seierl et Jean-Marc Brunet ont été réunis par la galerie Akié Arichi autour d’un thème reliant des mots d’une actualité incessante : la mort, le mort, la vie. Le premier manifeste le trouble qu’il y a d’être au monde entre lumière et désert, le second la puissance de résistance vibratile de signes-branches saisis à l’instant de l’hésitation entre extase et déclin. Jean-Louis Poitevin met en scène les diverses facettes des approches de ces sujets impérieux.

Dans le cadre de notre collaboration mensuelle avec la revue Corridor Éléphant, nous accompagnons Alex Conu à travers la relation qu’il a établie avec sa femme, Anca, devenue sa muse qu’il magnifie dans un ensemble troublant de polaroïds. « I don’t do it because of nostalgia. Nostalgia is a feeling almost totally foreign to me. I believe I do it for the tangibility and materiality of the Polaroid. »

Il a semblé à la Galerie Hors-Champs que la cohabitation de deux de ses artistes réguliers, Daria Surovtseva et ses sculptures baroques, et Catherine Ludeau et ses peintures minimalistes, inciterait dans ses oppositions mêmes à la narration d’un univers cohérent. C’est le texte que consacre Hannibal Volkoff à ces deux femmes artistes que nous présentons ici.

Dominique Moulon nous fait découvrir l’exposition de Natalia de Mello, Video club sandwich, présentée au Centre Wallonie-Bruxelles, où un certain passé y rejoint notre présent. Dans son article As We May Think de 1945, Vannevar Bush imaginait un bureau qui serait équipé de composants mécaniques et électroniques permettant d’accéder tant à des livres qu’à des films préalablement mémorisés pour les mettre en relations. Aujourd’hui de vrais ordinateurs et un jeu savant de miroirs ne font qu’accroître le nombre des possibles relations entre les vidéos que, par là même, ils extraient des cadres des écrans.

En poursuivant sa quête des Femmes Sauvages, Martial Verdier, dans ce chapitre VIII redonne aux baigneuses, au naïades, aux ondines et autres sirènes une nouvelle jeunesse, montrant ainsi que les mythes, les récits fantastiques, les fables, ne cessent d’irriguer notre imaginaire.

Aldo Caredda est entré au musée de Jeu de Paume pour y déposer son offrande. L’espace qu’il a choisi permet de comprendre de plus près le choix du titre global de ces actions filmées : Lost in the supermarket.

 


Photo de couverture : Martial Verdier

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