mercredi 23 septembre 2015

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Menteuse !

Globuline, galerie Rouan

, Jean-Louis Poitevin et Virginie Balabaud alias Globuline

Globuline (alias de Virginie Balabaud), est cinéaste et photographe. Engagée dans une démarche au long cours dans laquelle les objets sont investis de la lourde tâche de témoigner pour les humains et les corps tentés de parler pour eux-mêmes, elle investit aussi le champ de l’écriture et interroge avec les images et parfois au-delà des mots la terrible ambiguïté qui vibre au cœur du langage.

Avec « Why do you lie ? » une exposition de grands portraits de dessins vectoriels, elle nous invite à une introspection sur l’origine de nos productions mensongères.

La question ne nous laisse aucune échappatoire et nous installe devant le fait accompli comme si nous étions assis devant la télé depuis des millénaires. Ce qu’elle nous lance à la figure naît d’un constat simple pas qui ne revient sur le devant de la scène qu’à des moments brûlants de l’histoire. Car l’homme le sait depuis toujours : qui a accès au langage, use du mensonge ! L’Iliade déjà bruissait de cette rumeur et Socrate la transforma en information fiable et Platon lui donna droit de cité.
Le contenu des mensonges importe peu. Ce qui taraude Globuline, c’est de comprendre pourquoi nous mentons. Parce que tous nous mentons. Et comprendre qu’aucune de nos phrases n’échappe à cette terrible malédiction est sans doute un moyen pour nous d’accéder à un peu de cette vérité qui gît en nous trésor inexploré.

Cette exposition propose donc des portraits « pleine page » ornés chacun d’un phylactère ou si l’on veut d’une bulle façon bande dessinée. Mais les bulles sont vides, et ne se remplissent qu’à l’instant où on regarde les mots qui passent, fuyants, sauvages tels des animaux sauvages le long de la bande passante qui se trouve juste derrière notre front et où défile en permanence, sans que nous n’y prêtions attention le flux qu’autrefois l’on disait de conscience et qui s’est avéré être un ramassis chaotique de bribes de phrases cernées par le fard de nos obsessions.

Si l’on s’attarde un instant de plus alors c’est qu’on a déjà commencé à se raconter une histoire et donc commencé à mentir, à se mentir. Car c’est toujours d’abord à soi-même que l’on ment. Les autres, c’est quand on ne peut pas faire autrement. Et on ne peut jamais faire autrement puisque parler à cœur ouvert impliquerait que nous sachions ce que recèle notre cœur. Cercle vicieux de l’accès impossible à des vérités qui baladent en « théories » dans le ciel des idées.

Ces portraits, volés à des mais, ont tous des titres évocateurs.

« The swearing », par exemple se réfère au marié qui prête serment et qui promet quelque chose devant un représentant de l’état. Cette promesse sera t-elle tenue ?
« The King » et « The Queen » représentent le pouvoir, ce sans domicile fixe qui, nous le savons, use de tous les mensonges possibles, car sans eux il ne serait pas.
Les expressions qu’ont les portraits nous mettent sur la voie du petit morceau de vérité que Globuline tente de nous faire partager : les vérités, dites, se retournent contre ceux qui les énoncent. La preuve ? « Lot of Lies » est une tête de mort rapportée à l’avenir radieux que le choix du nucléaire réserve aux habitants de la planète entière.

Dessins vectoriels, toutes ses images sont dessinées à la souris, par des courbes de Bézier, des arcs de cercle, ou encore des polygones. En rejoignant les points se forment des traits par vectorisation. Les formes fermées sont remplies de couleur. Le dessin est construit par étapes successives jusqu’à obtenir le rendu souhaité. Vous l’avez compris, chacun de ces dessins d’amis est en fait « le » véritable mensonge puisqu’il met en branle la grande machine mentale à reconnaître celle sans laquelle nous ne pourrions vivre, celle sans laquelle nous ne pourrions communiquer, celle sans laquelle il serait impossible de penser que vérité peut avoir un sens, comme a un sens une bouteille jetée à la mer, directions et destinataires inconnus. Arrivée prévue sur la plage du temps perdu après le chant du coq.

http://virginie.balabaud.free.fr/

WHY DO YOU LIE ?
Globuline expose Galerie Rouan
3 rue Perrée jusqu’au 26 09
www.galerie-rouan.com