mercredi 28 novembre 2018

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Chronique de Longwy au XXIe siècle

Longwy 40 ans déjà !

Un portrait photographique du Bassin de Longwy, 40 ans après l’annonce du 3e plan acier.

, Martial Verdier et Xavier Pinon

Depuis de nombreuses années les paysages urbains, industriels et en mutation sont nos terrains de jeu de prédilection.
Nous apportons une vision personnelle de la situation du bassin de Longwy aujourd’hui, autour du paysage et de l’absence.

Une photographie plasticienne documentaire

C’est par le paysage que nous allons synthétiser notre vision, notre ressenti de la situation du bassin, autour de la notion de vide et d’absence.

Le cadrage est un acte poétique, un acte politique.

Le champ et le hors-champ traduisent une vision, nous montrons/cachons dans nos photos. Le lien au référent, essence de la photo, lie normalement l’objet et sa représentation. Nous recherchons, nous, dans une photographie frontale, comment montrer son absence. Comme dans l’art asiatique, où le vide est présence.

Des techniques multiples

Les outils conditionnent la vision. Nous utilisons de nombreuses techniques, historiques (calotype, sténopé, photographie argentique) et contemporaines (numérique, haute définition, images aériennes par autogire) comme métaphore de l’évolution de l’histoire. Format carré, panoramique, reflex numérique, chambre photographique grand format, autant d’outils que de regards.

Multiplier les points de vue.

Depuis un autogire, un train banlieue, dans la vallée, au cœur des friches, ou depuis le plateau du célèbre belvédère, la place que nous occupons donne notre point de vue.

Notre travail est une réflexion sur la frontière parfois très ténue entre le documentaire et l’art.
Nous travaillons en photographie et par le son, sur la ville et l’« absence » créée par la disparition des sites industriels, comme une syncope visuelle.
A partir du paysage et de l’humain nous dressons un portrait du bassin, sorte d’instantané de vies et d’histoires mêlées.

40 ans après le début des événements marquant la fin d’un siècle de mono-industrie, quel est le visage actuel du bassin de Longwy ?
La destruction des sites industriels a entraîné d’énormes bouleversements du paysage urbain. Comment les habitants du bassin ont-ils réagi à la disparition de leur outil de travail ?
Les habitants du bassin essaient-ils de recréer une nouvelle identité, sont-ils à la recherche de quelque chose de nouveau ? Longwy a-t-elle fait le deuil de l’époque de la sidérurgie ?
Le bassin s’est-il reconstruit un futur ? Est-il devenu une banlieue du Luxembourg ?...

Les gens

Regarder, écouter, photographier.
Portraits, rencontres, discussions, interviews : Un ancien député, un maire, des photographes, d’anciens syndicalistes, des lycéens, des habitants ...
Nous réalisons un « travail de fond ». Nous allons à la rencontre des habitants et des lieux. Ceux qui ont vécu les événements et les jeunes qui ne les ont pas connus, comme les lycéens du lycée Alfred Mézières.
Nous collectons aussi des documents sur le passé (archives familiales, archives de l’ancienne bibliothèque Yves Duteil, association Amical, les éditions Paroles de Lorrain ...) afin de travailler sur le présent et montrer les transformations du paysage. Autant les témoignages d’anciens sidérurgistes sur les hauts-fourneaux, que la vision de jeunes lycéens qui ont vu leur terrain de jeu, les anciennes usines abandonnées, disparaître sous les bulldozers.

Les lieux

À partir de toutes ces rencontres, nous retrouvons les points de vues historiques, comparons avant/après, montrons les stigmates laissés par plus d’un siècle d’histoire de la sidérurgie et les nouveaux points d’attraction, centres commerciaux à la périphérie de la ville entraînant la désertification du centre ville.

Voir en ligne : Un état du projet

Martial Verdier photographie les sites industriels, voir son travail sur Port-de-Bouc, Fos-sur-Mer et les centrales nucléaires européennes. Il travaille sur les paysages urbains et industriels. Les « non lieux », oubliés de l’urbanisme, parkings, zones ou friches industrielles, il va à la rencontre des fleurons vieillissants de l’industrie de plus en plus présents dans l’actualité.
Xavier Pinon mène une réflexion sur le rien, à partir de paysages et d’objets d’un quotidien en pleine mutation. Sa série « La vie formidable » diffusée dans TK-21, témoigne de ce travail.

En décembre 1978, le troisième « plan acier » est annoncé. Il prévoit la suppression de 22000 emplois dans la sidérurgie, dont 6500 sur le bassin de Longwy.
Très vite la résistance s’organise. A la traditionnelle « lutte dans l’entreprise » vont s’ajouter, pendant plus de 6 mois, des actions de rue spectaculaires et mobilisatrices.
A partir de 1986, les sites industriels du bassin sidérurgique de Longwy sont rasés. Ils laissent la place à de nombreuses friches industrielles.
Aujourd’hui Longwy ne compte pas plus de chômeurs que dans les autres coins de France, par contre la population a chuté d’un quart et la moyenne d’âge a augmenté.
Surtout, plus de la moitié de la population active traverse chaque jour l’ancienne frontière avec le Luxembourg pour aller travailler.