samedi 30 janvier 2021

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Les jardins de la paix

Le jardin, lieu de mémoire et symbole de l’union entre des pays Hauts-de-France

, Pauline Lisowski

Le jardin est depuis longtemps un lieu qui reflète une pensée et invite à un moment de pause et d’attention. Cet espace renvoie au besoin d’être au plus près du vivant et convoque la vie, le souvenir et l’espoir d’un renouveau.

De quelle manière le jardin peut-il répondre à l’enjeu du devoir de mémoire ? Comment cet espace invite-t-il à apaiser la souffrance d’un événement douloureux qui a marqué de nombreux pays ?

Associé à la Mission du Centenaire de la Première Guerre Mondiale, le label de création, art & jardins | Hauts-de-France, déjà chargé de la coordination du festival Art, Ville et Paysage situé dans les hortillonnages à Amiens, depuis 2018, met en place un nouveau réseau de jardins situés à proximité des sites de mémoire de la guerre 14-18. Suite à un appel à projet, les équipes constituées de paysagistes, d’architectes... proposent des jardins ayant chacun une histoire et témoignant d’une particularité de cette période qui a marqué nos paysages. Depuis le début, ce projet est financé en grande partie par la région.

Dans les Hauts-de-France, territoire extrêmement meurtri par la 1ère et la 2nde Guerre Mondiale, les amateurs de jardins peuvent apprécier un parcours paysager des plus singuliers et prendre conscience que la nature est un trésor à préserver. Les paysagistes ont conçu des jardins en l’honneur des lieux de mémoire qui ponctuent un itinéraire cheminant à travers plusieurs villes et sites de cette grande région marquée par les traces de la première guerre mondiale. Le jardin, cette œuvre d’art vivante dont il faut prendre soin constitue un parfait symbole pour suggérer la paix et le renouveau d’un monde d’entraide entre les peuples. Les créateurs donnent de manière sensible un regain d’espoir pour appréhender autrement cette période qui a bouleversé certains territoires encore blessés. Chaque jardin implique pour celui qui s’y intéresse d’emprunter un chemin balisé par des monuments ou autres marqueurs de cet événement tragique qui a modifié l’environnement paysager. En se promenant, nous découvrons au fur et à mesure la topographie ébranlée, trouée dont certains accès peuvent susciter la crainte.

Le jardin convoque le renouveau, l’espoir de futures relations apaisées entres les nations et le respect d’autrui. Les paysagistes de différents pays offrent chacun leur perception du jardin comme lieu du souvenir et de l’avenir. L’inscription de l’art et de la création dans les territoires a une portée politique. « Ce projet d’itinéraire est l’indispensable célébration de la rencontre et de l’avenir en complément du parcours mémoriaux et cimetières de la grande guerre. » explique Gilles Brusset qui a co-conçu le jardin Le troisième train à Compiègne. La région se dote d’un nouveau circuit de découverte où au tourisme de mémoire s’ajoute celui des jardins contemporains.

Chaque équipe de paysagistes a d’abord ressenti le lieu, compris son enjeu, son passé et a proposé un projet en tenant compte de la charge émotionnelle que procurerait le jardin. Les différents sens y sont convoqués et plutôt qu’une approche directe de cet épisode de l’histoire, il s’agit d’éprouver par l’expérience des couleurs, des formes, des odeurs qui appellent un monde teinté de bienveillance, de temps pour les autres, pour les vivants et les non vivants. Ce projet révèle également les relations qui s’entretiennent au travers d’une passion pour le jardin et la création paysagère.

De plus, cet itinéraire paysager convoque nos manières d’aborder le jardin comme lieu de découvertes, d’observation et de relation de son corps à la nature. En découvrant progressivement chaque site, nous abordons autrement ce territoire qui fut le théâtre d’affrontements et dont l’environnement est aujourd’hui le témoin. La végétation a recouvert le sol tout de même modifié par les traces de cette période sombre de l’histoire. « Le jardin donne une beauté à ce cycle de la vie. Il représente un concentré de nature maîtrisée. On peut en contempler ce qu’il y a de plus beau. » affirme Gilbert Fillinger, directeur d’art & jardins. Des chemins nous guident et nous mènent à prendre une posture d’humilité et d’incitation au recueillement en ces lieux. Chaque jardin redessine une manière d’apprécier un site qui invite au silence et à un moment de réflexion. « Le jardin est un vecteur de guérison » précise également Gilbert Fillinger.

À Compiègne, pour le jardin du 3e train, Gilles Brusset a proposé de nouveaux tracés, sentiers et une sculpture, en écho aux deux trains dans lesquels ont été signés respectivement l’Armistice du 11 novembre 1918 et la reddition de 1940. Ce jardin conçu par l’équipe Francesca Liggieri + Gilles Brusset + Marc Blume offre un lieu de repos et des promenades sinueuses.

Les jardins reflètent chacun une esthétique paysagère et proposent un lieu où contempler, penser et se promener.

À termes, l’équipe d’Art et Jardins travaillera sur toute la ligne de front allant jusqu’au Grand Est pour créer un itinéraire d’une trentaine de jardins représentant nombreux pays. Cette poursuite de l’aventure paysagère est financée par le ministère des Armées.

Le jardin, lieu de mémoire et symbole de l’union entre des pays
Hauts-de-France
https://www.artetjardins-hdf.com/directory-project/jardins-de-la-paix/