samedi 2 mars 2024

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Glossaire photo-graphique

en écho à l’exposition collective « En noir et blanc » du musée Réattu d’Arles

, Gaëtan Viaris de Lesegno

Gaëtan Viaris a rédigé un glossaire sur son œuvre photographique à l’occasion de l’exposition collective intitulée « En noir et blanc », qui a lieu jusqu’au 31 mars 2024 au musée Réattu d’Arles.

Les termes de ce glossaire sont liés à la photographie, la peinture, l’histoire de l’art et la théorie de l’art (en référence au travail mené avec Jean-Claude Moineau à Paris-VIII), puisque ses travaux relèvent de ces médiums. En écho à chaque mot mis en vedette est associé un visuel extrait de l’accrochage de l’exposition « En noir et blanc » et un extrait de texte d’un auteur contemporain ou du passé qui a commenté le tirage présenté dans une publication antérieure. Ces auteurs sont :
– pour la photographie : Jean Arrouye pour « En noir et banc » ; Jean-Claude Lemagny [1]
– pour la peinture : Ekkehard Mai, « L’œil du cyclope ».
– pour l’histoire de l’art : Alain Tapié et al., Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, catalogue de l’exposition, musée des Beaux-Arts de Caen, 1993) ; Pierre Rosenberg.
– pour la théorie de l’art : Carlo Ludovico Ragghianti, « Enchaînement rythmique », Les Chemins de l’art, RMN / Grand Palais, 1996.

Accident
Christophe Galatry à Gaëtan Viaris à l’occasion d’une séquence de prises de vue sur une série de tableaux de Baglione Les Sept Muses d’Apollon du musée des Beaux-Arts d’Arras en 2013 : « Fais attention Gaëtan, tu as mal fermé ton boîtier lorsque tu as introduit une nouvelle pellicule ! Tu risques de voiler la pellicule ! »
Accident courant sur les boitiers argentiques.

Anamorphose (ou perception oblique)
« Le conservateur délibérément aveugle aux apports probablement substantiels de la démarche de Gaëtan Viaris de Lesegno à la création photographique, ressent avec force, le besoin de dire que l’anamorphose du regard photographique lui ouvre les yeux, même si cette ouverture, cet apport de perceptions nouvelles, trouve difficilement, tant l’aspiration du tourbillon est fort, le chemin de la mémoire et de la restitution analytique » (Alain Tapié, conservateur du musée des Beaux-Arts de Caen, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

“Le Sacrifice d’Abraham” de Cristofano Allori

« De même l’anamorphose, ici, n’a nullement pour ambition de nous inciter à restituer la vue supposée “correcte” : le point de vue de biais doit être rapporté au paradigme photographique de la vue oblique — paradigme comme l’on sait déjà exploré par la peinture ancienne d’Europe du Nord — par opposition au paradigme pictural albertien de frontalité que continuent à respecter la plupart des peintures photographiées » (Jean-Claude Moineau, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

Appropriation (appropriation légitime)
« Au fantasme de la restitution neutre et entière (de la reproduction) Gaëtan Viaris oppose une pratique de l’appropriation subjective et partiale » (Jean Arrouye, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

Art (la photographie comme art)
Jean-Claude Lemagny, L’Ombre et le Temps. Essais sur la photographie comme art, Nathan, 1992 [2].
« Regarder l’œuvre d’art : la proximité », colloque organisé par l’université Paris-Sorbonne au Centre culturel de Cerisy-la-Salle (décembre 2010), commissaire : Bruno Nassim Aboudrar. Parmi les tirages exposés, Le Coucher de Sapho avec la participation de Gaëtan Viaris.

Aura
« Ce que la reproduction fait perdre à l’œuvre, c’est son authenticité, son unité, son aura… » (Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique, 1936).
L’auteur note l’évolution du rôle de l’art sous l’action de la reproduction photographique. Il observe que celle-ci conduit à un phénomène de banalisation de la perception de l’œuvre d’art (liée à la perte de l’aura), qui permet l’accès à la culture à un plus vaste public et qui la soustrait ainsi à la seule appréciation d’une élite privilégiée. Pour la France, c’est depuis la révolution de 1789 et l’ouverture du musée du Louvre le 10 août 1793, avec une exposition de 135 tableaux en provenance des collections royales et des saisies du clergé. Il souligne, en conclusion, le passage de l’œuvre d’une fonction cultuelle (son usage rituel) à sa fonction culturelle (liée à sa valeur d’exposition).
Gaëtan Viaris, Introduction à ce travail d’interprétation de l’œuvre d’art.

Autorisation
Ne pas oublier de se munir d’une autorisation délivrée par l’administration compétente pour toute photographie d’un monument historique réalisée au moyen d’un pied, même en espace extérieur.
Exemple : le 12 juin 1986, en prise de vue sur Thésée et le Minotaure à 13 h 45, attendant la juste lumière, je suis interpellé par un garde du jardin des Tuileries : « Votre autorisation de photographier avec pied, s’il vous plaît ! » Pour une fois, je l’avais oubliée. « Pas d’autorisation, pas de photo ! » dit-il d’une voix de stentor courroucé. Heureusement, ma qualité d’artiste, carte à l’appui, l’a radouci. Il a fermé les yeux, alors que j’ouvrais les miens sur le dépoli du viseur pour réaliser mon cliché.

“Thésée et le Minotaure” de Jules Ramey
Jardin des Tuileries.

Baroque (art baroque)
« La vision photographique adhère à l’emportement baroque en choisissant par le jeu d’une déformation anamorphique retenue, modulée des points de vue qui, pénétrant à l’intérieur de l’image, révèle les points forts de la mise en volume » (Alain Tapié, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

« À l’intérieur d’un art qu’on a pu définir comme citationnel, des artistes ont utilisé leur appareil comme un outil d’introspection esthétique d’œuvres picturales ou sculpturales se développant dans une profusion, une effervescence baroque. Par le déplacement du point de vue, par l’accentuation du rapport entre un détail et le reste de la scène Gaëtan Viaris de Lesegno ou Isabelle Formosa trouvent une nouvelle richesse baroque. Le premier intervient plus en critique d’art et en ethnologue de ces toiles qu’il aborde toujours dans une proximité oblique. Ce biais se trouve pourvoyeur d’une critique de la matière peinte comme de la composition, des tensions entre le trait dessiné et les multiples figures des personnages de la scène dépeinte. Il crée ainsi des hiérarchies neuves entre les sens » (Christian Gattinoni, « Les maniérismes, la photographie en France 1970-1995 », Canal, 1993).

« Dilatation du contour et duplication du centre : ou plutôt glissement programmé du point de vue, depuis la position frontale jusqu’à ce point maximal de latéralité qui permet la constitution d’une autre figure régulière : l’anamorphose, sans cesse au bord du vertige » (Severo Sarduy, « Barroco », Une nouvelle instabilité, p. 105).

“La Mort de Hyacinthe”
Suiveur du Caravage.

Cadrage
« J’organise mon cadrage en fonction de ma vision… » (cité par Jean-Claude Le Gouic, Cézanne et la modernité. Entretiens posthumes, Transbordeurs, 2006).

« Le cadrage devient montage, dès lors le regard se met en mouvement » (Gaëtan Viaris, à propos d’une planche-contact 24 x 36, d’après Cristofano Allori Le Sacrifice d’Abraham, dans Neville Rowley, Corps révélés, corps dévoilés, cat. expo, musée Thomas Henry, 2011).

Cadre
Bordure rigide limitant une surface dans laquelle on place un tableau ou un tirage photographique (indispensable pour les grands formats de 1 x 1m) pour en conserver la rigidité.

Ce que Nicolas Poussin appelle une « corniche » après l’envoi d’un tableau de Rome à M. de Chantelou : « Je vous supplie, si vous le trouvez bon, de l’orner d’un peu de corniche, car il en a besoin, afin que, en le considérant en toutes ses parties, les rayons de l’œil soient retenus et non point épars au-dehors, en recevant les espèces des autres objets voisins qui, venant pêle-mêle avec les choses dépeintes, confondent le jour » (lettre de Nicolas Poussin à M. de Chantelou, 28 avril 1639).

À gauche, d’après Cristofo Allori, “Le Sacrifice d’Abraham”, musée d’art Thomas-Henry. À droite, d’après anonyme, “La Mort de Vénus”, Cleveland Museum of Art.
D’après “La Mort de Patrocle” de Jean Louis David

Catalogue
« Merci pour votre catalogue de Caen, c’est un plaisir de voir votre travail bien présenté et bien commenté » (Jean-Claude Lemagny à Gaëtan Viaris, lettre manuscrite, 1993). Voir Point de fuite.

Censure
Publication censurée par Facebook pour « image à caractère pornographique ». L’angle donne corps, création chorégraphique du groupe Paroles et photographie argentique noir et blanc 24 x 36 de Gaëtan Viaris, réalisée à l’occasion de l’exposition « Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque » aux Rencontres photographiques de Solignac de 1993.

Performance pendant le vernissage de “L’angle donne corps”
« Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque » aux Rencontres photographiques de Solignac.

Champ (profondeur de champ)
Zone de netteté dans la photographie qui dépend de la distance focale de l’objectif, de l’ouverture du diaphragme et de la distance par rapport au sujet.
En règle générale, comme je travaille avec un appareil de moyen format posé sur pied et avec une pellicule de faible sensibilité (50 ISO), j’opère à une ouverture de f/11, avec un temps de pose d’une seconde (en lumière naturelle à l’extérieur) et d’une seconde à une minute (en lumière artificielle à l’intérieur d’un musée).

Chorégraphie
1. Angle
L’angle donne corps, création photographique d’après peinture (La Mort d’Adonis).
L’angle est un pur vertige…, texte de Daniel Dobbels de 1993.
L’angle donne corps, création chorégraphique par le groupe Paroles d’après tirages photographiques accrochés aux murs, aux Rencontres photographiques de Solignac, en 1993.

“La Mort d’Adonis”
Anonyme, “La Mort d’Adonis”, Naples, XVIIe siècle, Cleveland Museum of Art.
Mise en place des comédiens confrontés aux tirages accrochés aux murs
(en hors champ La mort de Vénus du musée de Cleveland faisant face aux comédiens)

2. Figures
Exposition « Figures dansantes », galerie L’œil écoute, Limoges, 2015, d’après peintures.

D’après “La Mort de Patrocle” de Jean Louis David

D’après sculpture, tirages en donation, Thésée et le Minotaure
d’après création chorégraphique.
Voir Gaëtan Viaris, « Figures dansantes », TK-21, mai 2013.
Flux du geste. Flux du mouvement. Flux du regard. Faire parler la peinture au présent Exposition à la galerie L’œil écoute, Limoges 2014, commissaire d’exposition et texte : Marine Laplaud.

Collections
Thésée et le Minotaure, tirages argentiques (30 x 40 cm) dans les collections de photographies (photographies en tant que création artistique) par donation et acquisition, en 1987, du musée Carnavalet, du musée de l’Élysée et de la MEP.

“Thésée tuant le Minotaure” de Jules Ramey
Jardin des Tuileries ©Gaëtan Viaris de Lesegno. Reproduction : Musée Carnavalet, histoire de Paris. Numéro d’inventaire : PH2255.

Concession
Éviter la concession dans le choix des peintures. Ne pas seulement retenir un tableau parce qu’il est signé par un nom illustre.

Corps
Jean-Claude Lemagny, « Le corps regardé », L’Ombre et le Temps, op. cit.
Exposition « Corps révélés, corps dévoilés : collections du musée Thomas Henry sous le regard du photographe Gaëtan Viaris de Lesegno », 2011.
Enchevêtrement des corps (Thésée et le Minotaure), texte Marine Laplaud.

« Gaëtan Viaris de Lesegno photographie en noir et blanc des toiles de maîtres. L’artiste ne s’arrête pourtant pas à ces vues figées » (Neville Rowley, Corps révélés, corps dévoilés, voir le texte sur le site Parisart, 17 mars 2011).

Création(s)
« S’il possède le don artistique, psychologiquement si mystérieux, l’artiste peut, au lieu de symptômes, transformer ses rêves en créations esthétiques » (Sigmund Freud, Cinq Leçons sur la psychanalyse, 1909). Nous voilà bien avancés.

Dépôt légal
30 tirages photographiques d’auteur déposés à la BNF, choix de Jean-Claude Lemagny, dont une série sur Thésée et le Minotaure (1988).

Désir
« Ces figures du passé interpellent nos capacités actuelles à bouger, à nous "émouvoir" aujourd’hui dans des espaces hybrides à moitié artificiels, à moitié concrets et palpables, dans lesquels nous évoluons. Au-delà de fables morale où l’homme concupiscent est puni et où la femme sait tirer partie de son pouvoir de séduction au profit d’ une noble cause (sociale ou privée) tout en restant vertueuse, une nouvelle trame se donne à lire : celle qui associe le désir au dégoût, la sensualité au rejet, cette érotisation de la décapitation qui illustrait pour Julia Kristeva en 2013 un malaise contemporain (...) Via la post-photographie de Viaris de Lesegno, on retrouve les grands principes du classicisme, selon lesquels l’une des principales fins de l’art était d’émouvoir les passions et de susciter une affectivité envers le monde. » (Anne-Marie Morice, Judith et Holopherne, 2017, Transverse)

Détail (le détail pathétique)
« Le photographe baroque magnifie à loisir le détail pathétique. Bien plus que la modification d’un rapport entre la partie et le tout, le fragment exploré se métamorphose en une variation originale, une “disposition singulière et nouvelle”, dit Nicolas Poussin » (Alain Tapié, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

Détermination (interne ou externe de l’image)
Intitulé du cours magistral conduit par Jean-Claude Moineau, « En image », filière photographique de l’université Paris-VIII.
Défilement d’images d’Otar Iosseliani, Area, n° 7, 2004.

Dilettante
Il a fallu que j’attende cinquante ans pour abandonner mes habits de dilettante, auxquels j’étais si attaché, et prendre la photographie au sérieux. Merci à Jean-Claude Moineau et à ses cours magistraux « Détermination interne, détermination externe de l’image » à Paris-VIII pour m’avoir extrait de mes habits de dilettante.

Échec
Échec partiel de la planche-contact.

Planche-contact
Suiveur du Caravage, Allori Palma le Jeune, musée Thomas-Henry, 2010.

Échelle (perte de l’échelle)
André Malraux dans son analyse sur la « perte de l’échelle » note que la reproduction photographique en abolissant la notion d’échelle conduit à une uniformisation visuelle de la perception de l’œuvre photographiée. En la rapprochant du regard du spectateur, tant par le prélèvement du détail, que par la technique d’agrandissement, elle permet alors par cette proximité optique de saisir des aspects non vus de l’œuvre originale et lui confère ainsi ce que Malraux appelle un « accent impérieux ».

Esthétique (attention esthétique)
Jean-Claude Lemagny, Area, n° 7, 2004, p. 82.

Expositions (thématiques d’expositions)
« Re-découverte de la peinture suisse par la photographie », musée de l’Élysée, Lausanne, 1991.
« Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque », musée des Beaux-Arts de Caen, musée Wallraf-Richartz de Cologne, 1993.
« Saisie du geste, saisie du corps », IESA Paris, 1993.
« Nude is beautiful », Silver Gallery, Seattle, 1994.
« Les beaux endormis », musée de Moret-sur-Loing, 1998.
« Le nœud dans la peinture », IESA Paris, 1998.

Familiarité (inquiétante familiarité)
« Si les photographies de Gaëtan Viaris peuvent bien contribuer à nous familiariser avec les œuvres du passé, elles auréolent surtout, en conformité avec l’un des plus puissants mobiles de l’art et de la photographie de ce siècle, des œuvres qui nous paraissent familières, quand même elles ne nous étaient pas nécessairement connues, d’un soupçon “d’inquiétante familiarité”. Elles débanalisent notre perception, étrangéisent notre appréhension esthétique, renouvellent notre interprétation en développant des potentialités jusqu’à lors inexplorées qui n’en n’étaient pas moins déjà latentes dans les œuvres, et en excluant ainsi toute gratuité, tout effet ? » (Jean-Claude Moineau, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.) [3]

Format
Texture du tirage en grand format : « le corps reprend chair » (Valentine Robert).
« En cette œuvre, Gaëtan Viaris de Lesegno a transmué le corps pictural en corps photographique… » (Valentine Robert, « Le Coucher de Sapho », TK-21, 2021).

“Le Coucher de Sapho”
Prélèvement photographique, 1990.

Geste
André Chastel, Le Geste dans l’art, Liana Levi, 2008 (Simon Vouet, La Diseuse de bonne aventure, Ottawa, archive Viaris, 1991) [4].

Goût (jugement de goût)
Mon jugement sur un tableau ne se fait pas tant sur sa valeur patrimoniale, ou sa reconnaissance due à sa fortune critique, mais avant tout à son potentiel de valeur d’interprétation.

“La Mort de Hyacinthe”
Le Caravage.

Hors-champ (hors de l’image ou dans l’image)
L’Angle donne corps la mise en place des comédiens se fait sur le tirage hors champ de La mort d’Adonis d’après le tableau éponyme de Cleveland.

Image fixe (absorbement)
Contempler, lire, étudier, déchiffrer aller jusqu’à l’absorbement (transposé au cinéma dans le film de Hitchcock Vertigo : à 25’12, Madeleine semble absorbée dans la contemplation du portrait peint de Carlotta).
Texte J.C Moineau, image fixe Gaëtan Viaris,
Voir « Vertigo, Hitchcock et l’art II/III (le musée sans murs) », TK-21, mai 2020.

Intuition (saisie immédiate des choses)
Intuition sensible (René Guénon)
Approche furtive (Jean Malaurie)
Jugement (Nicolas Poussin 19 décembre 1648)

Lumière (essence de la révélation)
« Lumière naturelle, lumière artificielle ? » Gaëtan Viaris, lettre à Pierre Rosenberg 1982, à l’occasion du colloque au Louvre La lumière dans les musées.

  Principe que tout homme capable de raison peut apprendre
  Il ne se donne point de visible sans lumière
  Il ne se donne point de visible sans moyen transparent
  Il ne se donne point de visible sans distance
  ce qui suit ne s’apprend point, ce sont paries du peintre

(Nicolas Poussin, lettre à M. de Chambray, Rome, 1er mars 1665.)

« Un moule lumineux noir et blanc » (Jean-Claude Lemagny).

“Thésée et le Minotaure” de Jules Ramey
Jardin des Tuileries.

Manipulation
Photographier, c’est manipuler le regard.

Matière (matière de la photographie, photographie de la matière)
La pellicule 120 de 50 ISO que j’utilise donne une image très fine qui permet de bien mettre en valeur la matière de la peinture.

Négatif
Négatif 6 x 6 (film format 120), qui, grâce a la finesse de l’image obtenue, permet de réaliser des tirages grand format tout en conservant une netteté optimale, 60 x 60 cm ou 1 x 1 m.

Négatif 120

Le Sacrifice d’Abraham d’après Allori nous montre un fragment du tableau qui conserve toute sa netteté malgré son format et Le Coucher de Sapho « exalte la finesse du modèle de Gleyre » pour reprendre l’analyse de Valentine Robert. Voir Format.

Facilite la création du montage en diptyque ou triptyque, quelquefois réussi à la prise de vue et visible sur la planche-contact.

“La Mort de Hyancinthe” (triptyque) et “La Mort de Patrocle” (monotype 60 x 80)
Accrochage au musée Réattu (photo : Andy Neyrotti).

Noir et blanc (en)

En entretien avec Daniel Rouvier, conservateur du musée Réattu

« En noir & blanc », exposition au musée Réattu d’Arles, du 9 décembre 2023 au 31 mars 2024. Avec Gaetan Viaris de Lesegno, André Villers, Edward Weston...

« En quoi travailler en argentique noir et blanc en photographie qui puise ses sources dans un riche et prestigieux passé ne relève pas de la seule tradition passéiste (à une époque de domination numérique et couleur), mais relève bien d’une démarche de création contemporaine encore bien actuelle ? »
Jean Arrouye nous donne des éléments de réponse :
« Au fantasme de la restitution neutre et entière Gaëtan Viaris oppose une pratique de l’appropriation subjective et partiale. Il choisit de photographier les tableaux en noir et blanc, creusant ainsi une distance incomblable entre les œuvres peintes et les images qu’il en tire ; il accuse les noirs, occultant les détails, délimite les toiles des fragments qu’il érige, par vertu de cadrage en œuvres autonomes » (Jean Arrouye, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque , op. cit.).
Ce qui par ailleurs valorise au mieux ce que Heinrich Wölfflin appelle « la belle élégance de la ligne » dans Principes fondamentaux de l’histoire de l’art, 1915 (rééd. Gérard Monfort, coll. « Imago Mondi », 1984).

Œil
« L’œil est une plaque sensible » (cité par Jean-Claude Le Gouic dans Cézanne et la modernité, entretiens posthumes, Transbordeurs, 2006).

« On admet ne pas avoir l’oreille musicale, mais personne ne s’imagine manquer d’œil » (Pierre Francastel, L’Image, la vision et l’imagination. L’objet filmique et l’objet plastique, Denoël, 1983, p. 99).

1. L’œil du cyclope
« Le rapport réciproque entre la photographie et la peinture a été souvent repensé. La rencontre du procédé manuel de la peinture avec l’œil du cyclope comme on appelle l’objectif de l’appareil a rendu possible un travail d’échanges qui connaît beaucoup de facettes… Dans le travail de Viaris de Lesegno ce phénomène prédomine. Comme une forme de l’art sur l’art du discours photographique sur la peinture, par ses sujets, conventions de la vue et de la création, son travail contribue au dialogue des arts au-delà des espaces et temps historiques » (Ekkehard Mai, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

2. L’œil en expansion
« La précision de la coupure est le fondement de l’œuvre de ce photographe. Cette coupure intervient en deux temps : l’enregistrement visuel pendant que l’œil en expansion dans son ouverture maximale parcourt sans relâche le champ visuel du tableau » (Christian Klemm, Kunsthaus Zurich [5]).

Œuvre
« Il n’y a point d’œuvres mineures » (à propos du tableau de Procris et Céphale du musée des Beaux-Arts de Tours, attribué à un artiste mineur de l’entourage de Carlo Cignacci).
« La lourdeur du canon des figures, la faiblesse de l’exécution désignent un artiste secondaire » (Pierre Rosenberg, Inventaire des collections publiques françaises, RMN, 1982).
« D’un tableau mineur à une figure dansante », texte de Marine Laplaud.
« Œuvre(s) devant les œuvres » (Jean-Claude Lemagny, Area, n° 7, 2004).

“Céphale et Procris”

Optique
« Grâce à la “proximité optique” (André Malraux [6]) obtenue à l’aide d’une longue focale, la construction perspectiviste est maintenue. Viaris peut faire bouger l’objectif devant le représenté qui reste fixe. Le point de vue n’étant pas frontal mais oblique il aboutit à des anamorphoses » (Anne-Marie Morice, Judith et Holopherne, 2017, Transverse).

Passivité
Le spectateur est-il condamné à la passivité ? Brecht a élaboré le concept de Verfremdungseffekt (« effet d’éloignement, de distanciation critique »), qui évite au spectateur d’être seulement captivé par la trame narrative. Sortir de la logique de fascination.
« Est-ce alors que l’imaginaire fonctionne ? » (Charlie Van Dame, Area, n° 7, 2004, p. 32).

Peinture
« La nouveauté en peinture ne consiste pas dans un sujet jamais vu, mais dans une nouvelle et bonne disposition, ainsi le sujet de vieux et commun qu’il était devient singulier et nouveau » (Nicolas Poussin, Lettres et propos sur l’art, Hermann, coll. « Savoirs », 2014).

Perception
Perception immédiate, saisie immédiate, sur le vif, la foudroyante, selon le terme de Alain Desvergnes.

Perception immédiate, saisie différée, toute photo de peinture qui se réalise de la part de l’auteur en deux temps. Voir Coupure du photographe dans Photographie.

Lambertini, “Céphale et Procris”
Musée des Beaux-Arts de Tours, f/11 à 10 secondes.

Perception de l’œuvre retenue, soit dans un lieu d’exposition, soit à partir d’un catalogue ou d’un film, qui implique un temps différé entre sa perception et la prise de vue (temps matériel d’installer l’appareil sur pied, cadrage, mise au point, mesure de lumière, enfin saisie de l’image).
À partir d’un catalogue le temps différé peut s’étaler sur plusieurs jours, plusieurs mois, voire une année c’est par exemple le cas du Coucher de Sapho, repéré dans le catalogue La Peinture suisse du Centre culturel suisse de Paris et photographié un an plus tard au musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne suite à une commande du musée de L’Élysée et de Charles-Henri Favrod « Re-découverte de la peinture suisse par la photographie » (1989) (et d’ailleurs, qui connaît la peinture suisse ?).

Perfection
« L’amour du travail bien fait : les choses dans quelles il y a perfection, ne se doivent pas de venir à la hâte, mais avec temps, jugement et intelligence » (Nicolas Poussin, lettre à Chantelou, 20 mars 1642).
« Ce qui vaut la peine d’être fait, vaut la peine d’être bien fait… Sinon, autant ne rien faire » (Gaëtan Viaris, 2024).

Photographie
1. Médium photographique
« L’artiste exploite les ressources du médium photographique pour aborder les œuvres sous une multiplicité de points de vue : Fragments, distorsions formelles, jeux de lumière, montages… » (Louise Hallet, Corps révélés, corps dévoilés, 2011).
Gaëtan Viaris, « Corps révélés, corps dévoilés », 2011.

D’après “La Mort de Patrocle” de Jean Louis David

2. Procédure photographique
« Encore les procédures employées n’en sont-elles pas moins, sinon des procédures proprement photographiques, du moins des procédures s’inscrivant dans d’importants traits paradigmatiques (au sens de Khun et non de Saussure) de la photographie de ce siècle. Ce qui exclut tout pictorialisme ou néo-pictorialisme. Le détail, ici, renvoie non tant au contexte d’où il a été enlevé ou à l’acte pictural, qu’à l’acte photographique qui le génère au paradigme photographique de la fragmentation, du prélèvement. De même l’anamorphose, ici, n’a nullement pour ambition de nous inciter à restituer la vue supposée “correcte” : le point de vue de biais doit être rapporté au paradigme photographique de la vue oblique — paradigme comme l’on sait déjà exploré par la peinture ancienne d’Europe du Nord — par opposition au paradigme pictural albertien de frontalité que continue à respecter la plupart des peintures photographiées. Paradigme photographique de multiplicité enfin : Gaëtan Viaris propose souvent non pas une mais plusieurs vues d’un même tableau » (Jean-Claude Moineau, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

3. Saisie photographique
Perception immédiate, saisie différée de toute photo de peinture.
Perception immédiate, saisie immédiate (sur le vif).

“L’angle donne corps”

4. Coupure du photographe
« La précision de la coupure est le fondement de l’œuvre de ce photographe. Cette coupure intervient en deux temps : l’enregistrement visuel pendant que l’œil en expansion dans son ouverture maximale parcourt sans relâche le champ visuel du tableau. Les données reçues sous forme d’instantanés s’ordonnent en images mentales qui déterminent la prise de vue, elles fixent la photo dans l’instant brut sans altération et dans sa totalité ; elles révèlent l’analyse de ce que l’œil peut bien voir, mais non percevoir (et encore moins fixer) » (Christian Klemm, Kunsthaus Zurich).

Planche-contact
« Privilège de l’argentique, il n’y a pas de planche-contact en numérique » (Jean-Claude Lemagny, Area, n° 7, 2004 [7]).
La planche-contact, une rude épreuve !

Planche-contact : (L’angle donne corps) performance chorégraphique par le groupe Paroles (1995).
Planche-contact
Planche-contact, d’après Cristofo Allori, “Le Sacrifice d’Abraham”, musée Thomas-Henry, 2010.

« Le photographe ne s’arrête pourtant pas à ces vues figées, mais leur ajoute une dimension temporelle presque insensible. Les planches-contacts d’après l’Allori et le Schedoni montrent bien une prise identique tout au long d’un film 24 x 36 qui évoque les dimensions d’un écran. C’est toujours la même photo, mais c’en est pourtant toujours une autre. Subrepticement, le cadrage devient montage » (Neville Rowley, Corps révélés, corps dévoilés, op. cit.).

Plastique
« Langage plastique ou le jeu des forces visuelles des images » (Élie Faure, Fonction du cinéma. De la cinéplastique à son destin social (1921-1937), préface de Charles Chaplin, Éditions d’histoire et d’art / Librairie Plon, 1953).

Point de fuite
Jean-Claude Lemagny à Gaëtan Viaris, lettre manuscrite de décembre 1993, en écho à l’exposition « Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque ».

Lettre de Jean-Claude Lemagny
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Point de fuite de clichés d’accrochage

Point de vue
« La sculpture picturale, saisie par la photographie, enveloppait le sujet fixe et modèle — dans une plasticité mobile faite de variations sur le point de vue, la lumière et la distance focale » (Heinrich Wölfflin cité par Alain Tapié).

Un seul point de vue, un seul prélèvement Procris et Céphale Musée des Beaux-Arts de Tours.

Une multiplicité de points de vue.

Sur la sculpture Thésée et le Minotaure triptyque, texte Marine Laplaud [8].

“Thésée et le Minotaure”
Jules Ramey, “Thésée et le Minotaure”, f/11, à une seconde.

Sur la peinture

“La Mort de Hyacinthe”
Le Caravage.

« Je m’intéresse à la photographie car l’appareil photo est le premier appareil qui permet de sauter de point de vue en point de vue » (Vilém Flusser cité par Reinhold Misselbeck, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

Regard
« Le regard en mouvement » (Neville Rowley) [9].

« Le regard de connaisseur posé par Gaëtan Viaris de Lesegno sur l’oeuvre qu’il interprète est emprunt tout autant d’appréciation esthétique que d’engagement à respecter l’origine de la peinture, ce matériau noble dans lequel il plonge. » (Anne-Marie Morice, Judith et Holopherne, 2017, Transverse.)

Reproductibilité
« La photographie a beau tendre à subtiliser l’œuvre originale pour s’y substituer, la photographie a beau tendre à devancer l’œuvre photographiée, elle n’est pas pour autant simple substitut ; il n’y a peut-être pas de plus grande différence qu’entre une œuvre et sa reproduction. La thèse de Walter Benjamin, fréquemment mise à contribution mais rarement correctement rapportée, est que, en même temps que la photographie accroît indubitablement l’accès aux œuvres d’art, les seules propriétés esthétiques qui nous sont accessibles aujourd’hui dans les œuvres d’art, à “l’ère de leur reproductibilité technique”, y compris dans les œuvres du passé, sont celles qui nous sont transmises par la photographie, qu’elles soient déjà les attributs des œuvres reproduites, qu’elles résultent d’une transformation — à commencer par celle qui rend accessible ce qui ne l’était pas — ou qu’elles constituent des valeurs ajoutées par la photographie » (Jean-Claude Moineau, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

Reproduction/Interprétation
« La photographie d’œuvres picturales est d’ordinaire restreinte à la fonction de reproduction. Ses vertus cultivées sont la fidélité au modèle, l’objectivité du rendu, la neutralité de ce qui n’est alors qu’un medium, au sens exact du terme. Cet effacement de la photographie n’est toutefois obtenu que par le contrôle précis des éclairages, de la distance de l’appareil au tableau, de sa situation centrée par rapport à l’étendue peinte, d’une frontalité parfaite qui assure le parallélisme rigoureux de la surface sensible de la pellicule et du plan de l’œuvre photographiée. Ainsi la transparence de la photographie redouble la transparence de la peinture postulée par Alberti dans sa célèbre métaphore sur la fenêtre et quand la peinture est sans facture et la photographie en couleurs on peut rêver à l’utopie d’une image photographique qui rédupliquerait l’œuvre peinte » (Jean Arrouye, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

« À ce fantasme de la restitution neutre et entière Gaëtan Viaris oppose une pratique de l’appropriation subjective et partiale. Il choisit de photographier les tableaux en noir et blanc, creusant ainsi une distance incomblable entre les œuvres peintes et les images qu’il en tire ; il accuse les noirs, occultant les détails, délimite les toiles des” fragments” qu’il érige , par vertu de cadrage en œuvres autonomes et enfin, en adoptant des points de vue de biais, il modifie l’apparence des objets picturaux, transforme l’expression des acteurs figurés et en conséquence déplace le sens des histoires représentées. “La finalité de cette photographie, déclare-t-il, n’est pas de produire un simple constat, mais par une procédure d’intentionalité, placée sous la seule autorité visuelle et esthétique du photographe, de susciter une interrogation sur l’œuvre elle-même » (Jean Arrouye, Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

Ressenti
« Je ne photographie pas ce que je vois, mais ce que je ressens » (André Kertész).

Procris et Céphale
Reproduction originale et création photographique.

C’est le ressenti sensible de Gaëtan Viaris devant l’œuvre originale qui lui a permis de nous proposer cette création, où, il s’agit bien de faire remonter à la surface les seuls éléments plastiques et visuels contenus dans l’œuvre originale au détriment de l’Istoria (ici le narratif du mythe de Procris et Céphale). Comme le dit Jean-Luc Godard, « cette forme, elle m’a tapé dans l’œil ».

Révélateur
« Dans la série Apollon et ses muses, Gaëtan Viaris revisite les neuf tableaux de Giovanni Baglione exposés au musée des Beaux-Arts d’Arras. Il choisit ici de jouer avec l’effet de symétrie et d’inversion pour créer neuf propositions visuelles. Gaëtan Viaris utilise la photographie comme un “révélateur” : les opérations plastiques qu’il met en œuvre, spécifiquement photographiques (distorsion optique, décentrement du point de vue, parasitage volontaire par la lumière) révèlent, en même temps qu’elles font écran, l’anatomie du tableau. Les photographies réalisées posent enfin la question suivante : que montre réellement le tableau, n’y aurait-il pas dans la peinture quelque chose qui nous est donné et qui nous échappe ?
Gaëtan Viaris rejoint ainsi l’interrogation posée par Jean-Louis Schefer dans son ouvrage
La Lumière et la Proie sur la limite du tableau : “C’est certain, (les tableaux) sont des miroirs, mais ce ne sont pas nos figures qui reflètent ces miroirs : c’est ce qui nous manque qu’ils reflètent. C’est à dire le sublime. C’est pourquoi l’obscène qui ne nous manque pas, est toujours incomplet dans la peinture” » (Evelyne Coutas, artiste plasticienne, sur le thème de la série des neuf tableaux Apollon et ses muses de Giovanni Baglione du musée d’Arras [10]).

Ronde-bosse
« Le triptyque de Thésée et le Minotaure que Gaëtan Viaris a photographié en lumière naturelles exploite sublimement dans le triptyque présenté (issu d’une série de 18 prises de vue) les possibilités expressives de la sculpture en ronde-bosse pour offrir l’image d’une lutte, prétexte à la mise en avant d’un enchevêtrement de corps en proie à une fougue inouïe… » (Marine Laplaud [11]).

Rythme
Enchaînement rythmique / flux du geste, flux du mouvement, flux du regard, sur un tempo lent d’après Carlo Ludovico Ragghianti, Les Chemins de l’art, op. cit.
Gaëtan Viaris, « Figures dansantes », TK-21, mai 2013.

Sculpture
« Du volume au plan / du plan au volume », dialogue Michel Mélot-Gaëtan Viaris organisé à l’INHA par le CES 20 (Paris, INHA, 3 mai 2014).

Journée d’étude « Du volume au plan / du plan au volume » : les représentations de la sculpture en question organisée par le CES 20 à l’INHA. Dialogue entre Gaëtan Viaris et Michel Mélot, 3 mai 2014. Photo : Catherine Poncin.

Séquences
« Chaque plan devient un instantané visuel » Jean-Claude Moineau, L’enlèvement d’Hélène, 2017, Transverse.
— Séquence narrative, pour ne pas dire cinématographique, le regard se met en mouvement.
— Séquence plastique (et non narrative).

D’après “La Mort de Patrocle” de Jean Louis David
Photographie : Catherine Poncin, 2010.

Sujet
« La nouveauté en peinture ne consiste pas dans un sujet jamais vu, mais dans une nouvelle et bonne disposition, ainsi le sujet de vieux et commun qu’il était devient singulier et nouveau » (Nicolas Poussin, La Peinture comme délectation, Hermann, coll. « Savoirs », 1994).

Tableau vivant
Valentine Robert, « Le Coucher de Sapho », TK-21, 2021.

Tirage (pratique du tirage et conservation)

Tirages argentiques
« Ce tirage, certes, c’est très beau, mais c’est bien léger, ça n’a pas la consistance d’une peinture.
— Mais ce tirage photographique, c’est de l’argent pur, des cristaux d’halogénure d’argent, pour être précis »
(échange entre Jean-Claude Lemagny et Denis Brihat à l’occasion d’un concours de photographie, à Marseille, 1980.)

“Le Coucher de Sapho” en tirage, 1990.

Viaris de Lesegno (Gaëtan)
« Gaëtan Viaris de Lesegno débute sa carrière en tant que tireur professionnel. Depuis 1984, il mène une recherche conceptuelle et plastique sur l’interprétation photographique en noir et blanc d’œuvres d’art. De 1986 à 1989, il poursuit un travail de maîtrise à Paris-VIII sur les rapports entre la photographie et les arts.
Il s’intéresse d’abord à la sculpture, tentant de répondre à l’ouvrage de l’historien d’art Heinrich Wölfflin,
Comment photographier les sculptures ? Il étend ensuite son champ d’étude à la peinture, manifestant un goût particulier pour les œuvres du XVIIe siècle baroque.
En photographiant en noir et blanc, il crée d’emblée une distance entre les œuvres peintes et les images qu’il en tire. Il renforce les noirs (occultant au passage certains détails), multiplie les points de vue, prélève des détails.
Son regard, légèrement oblique, conduit à des distorsions optiques, voire à des anamorphoses, qui exacerbent la matérialité des œuvres »
(extrait de la notice du musée Réattu).

Visible
« La chair perdue du visible » (Jacques Rancière, « Arts et chevauchements »), dans Area, n° 7, « Peinture et cinéma », 2004.

Vision
« Pas de vision sans penser, mais toutefois il ne suffit pas de penser pour voir », (Maurice Merleau-Ponty).

Visuel (obsédé visuel)
« Le regard, ses désirs, en quoi est-ce une profession d’être un obsédé visuel ? Comment définir le regard singulier du peintre, du cinéaste, du photographe ? » (Bernard Dufour, Area, n° 7, « Peinture et cinéma », 2004).

Voyance
« Son esprit sort par les yeux pour aller se promener dans les choses dans lesquelles il ne cesse d’ajuster sa voyance » (Nicolas Malebranche cité par Alain Tapié dans Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque, op. cit.).

Yeux
« Ça alors, cette forme, elle m’a crevé les yeux ! » (Jean-Luc Godard).
« Pour moi, les Indes, ce fut comme cette bâche imaginée par Eisenstein. Comme la solution d’un problème. Vous cherchez des jours et des jours sans trouver. Et, tout à coup, la solution est là. Elle vous crève les yeux. India, c’est un peu comme un mot que j’avais sur le bout de la langue depuis plusieurs années. Ce mot s’est appelé Païsa, Europe 51 ou La Peur. Aujourd’hui, il s’appelle India » (Jean-Luc Godard, Arts, 1er avril 1959).

Vernissage au musée Réattu

Notes

[1Lettre manuscrite de Jean-Claude Lemagny à Gaëtan Viaris, datée de décembre 1993 et écrite en écho à l’exposition « Anamorphose d’un regard sur la peinture baroque », musée des Beaux-Arts de Caen / musée Wallraf-Richartz de Cologne, 1993.

[2L’art comme sujet, la photographie comme écriture, musée Réattu, Andy Neyrotti (p. 5)

[3Voir « Mythe », Transverse, 2018.

[4André Chastel, « L’Art du geste à la Renaissance », Revue de l’art, n° 75, 1987, p. 9-16.

[5Publié dans Kunsthausforum, à la suite d’une commande du Kunsthaus sur des peintures du musée.

[6André Malraux, Les Voix du silence, Gallimard, coll. « Galerie de la Pléiade », 1951, p. 19-22

[7Peinture, p. 94, éloge de la forme.

[8Brochure Figures dansantes des expositions « L’Attrait de la peinture » au musée des Beaux-Arts de Limoges et « Figures dansantes » à la galerie L’Œil écoute, Limoges, 2015.

[9Brochure Corps révélés, corps dévoilés de l’exposition Gaëtan Viaris, musée Thomas Henry, 2011.

[10Un projet d’exposition en 2003 annulé par la suite (proposition peu convaincante, selon la conservation du musée de l’époque) qui a cependant versé un dédommagement de commande à l’auteur.

[11Brochure de l’exposition « Métamorphose du corps », HCE Galerie, Limoges, 2015, p. 22

En noir et blanc,
exposition collective, musée Réattu Arles
Le travail de Gaëtan Viaris est à voir dans la salle 24 du musée
du 8 décembre 2023 au 31 mars 2024

Gaëtan Viaris au musée Réattu
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Glossaire des auteurs cités

Contemporain
Bruno Nassim Aboudrar
Jean Arrouye
Evekyne Coutas
Alain Desvergnes
Daniel Dobbels
Bernard Dufour
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Jean-Luc Godard
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Pierre Rosenberg
Neville Rowley
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20ᵉ siècle
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Sigmund Freud
André Malraux
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Anciens
Nicolas Poussin
Nicolas de Mallebranche

“Thésée combattant le Minotaure”
Groupe sculpté de Jules Ramey (1796-1852).