jeudi 26 janvier 2023

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Aldo Caredda #34

Lost in the supermarket #34

, Aldo Caredda

Aldo à La Maison de l’Amérique Latine

Il faudrait se souvenir, mais qu’importe, puisque le temps n’existe en rien, en tout cas pas de la manière dont on affecte de croire qu’il le fait, preuve en étant que ce qui pouvait quelques instants auparavant se présenter sous la forme du souvenir se trouve prendre la forme de l’expérience indirectement directe offerte par quelques dizaines de secondes d’images mobiles.
Ainsi suffit-il donc de se projeter dans l’improbable même pour comprendre ce qui se passe, dans cette avancée d’un corps le long d’un ligne droite à travers des ouvertures sans porte qui deviennent à mesure qu’il progresse moins larges. La ligne droite conduit à n’en pas douter à une sorte de porte close ou de mur formant dans le lointain comme une tabernacle primitif ou un guichet indéfini qui délivrerait qui sait un billet d’accès sinon pour une autre vie du moins pour un voyage express de l’autre côté du mur, du côté de l’éternité
Le type d’espace qui est présenté ici est à la fois banal du moins dans des lieux disposant de surfaces importantes, et singulièrement inattendu dans la mesure où il éveille en l’esprit le souvenir d’une expérience lointaine.
On peut hésiter entre l’autel et le guichet quant à la destination finale, mais on ne peut que retrouver dans cette brève avancée d’un corps dans un couloir dont les murs par étapes se rapprochent l’impression que provoque l’avancée, dans un temple égyptien dont les salles sont bien conservées, de l’heureux et malheureux visiteur que nous sommes, heureux parce qu’il peut pénétrer jusqu’au plus profond du temple, ce qui n’était autorisé qu’aux grands prêtres, et malheureux parce qu’aucun dieu, aucune déesse, ne l’attend dans le naos, les statues ayant disparu de ces lieux pour être entreposées dans des espaces tapageurs appelés musées.
Ainsi donc, voici ce qui se produit ici : l’avancée d’un corps vivant vers un improbable naos, son arrêt au guichet qui en est la forme contemporaine devant lequel c’est lui qui dépose son offrande silencieuse geste par lequel il s’autorise lui-même à accréditer l’idée qu’un temps hors du temps existe bien, puis à faire faire un pas en arrière pour prendre l’escalier qui va le conduire, il n’en doute pas, vers la lumière.
Oublieux il l’est déjà de la trace minimale abandonnée au monde au profit de l’expérience directe de l’extase qu’est l’existence même, surtout lorsque, délivrée du poids du signe et de l’empreinte, elle se lance dans une irrésistible ascension !