dimanche 31 mai 2020

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Wanda Mihuleac ou la démocratie des sens — II/II

Seconde partie

, Wanda Mihuleac

Dans son travail plastique proprement dite, Wanda Mihuleac brasse toutes sortes de matériaux, notamment d’origine naturelle. Confronter plusieurs disciplines artistiques apparaît donc inévitable dans la logique de sa démarche esthétique. De plus cette problématique rejoint certaines préoccupations philosophiques récentes comme le montre avec précision la seconde partie de cet essai sur son œuvre.

En 1991, poursuivant inlassablement sa quête d’une confrontation entre plusieurs modes d’expression artistique, Wanda Mihuleac conçoit la scénographie de Laborinthe avec un texte de Jean-Clarence Lambert, une musique enregistrée de Horia Surianu à partir d’une œuvre pour saxophone, la bande magnétique ayant été finalisée par Jacques Grison. À cette occasion, elle a réalisé des sculptures en laiton et des projections sur les murs de la Salle Byzantine de l’hôtel particulier de la Comtesse de Béhague. W. Mihuleac ne considérait pas cet événement comme un spectacle au sens traditionnel du terme, bien qu’elle ait élaboré une sorte de décor pour ce projet, sous la forme de projections. Il ne s’agissait pas d’images vidéo, mais plutôt ce qu’elle qualifierait d’une « projection à l’ancienne » car, en 1991, arrivée depuis peu de Roumanie, elle ne disposait pas des moyens techniques en question. Elle a donc dû procéder à une projection de diapositives en utilisant un petit appareil qu’elle tenait sur ses genoux ; la dimension des images était de plus de 2 mètres au carré. Les images reproduisaient, sur le côté latéral de la scène, le mot « laborinthe », écrit avec des morceaux de saxophone, en laiton. L’avantage de cet appareil, de fabrication soviétique, c’est qu’il était léger et pouvait donc bouger, ce qui donnait à Wanda la possibilité de déplacer les images afin de produire une impression de mouvement, même si cela n’était pas vraiment assimilable à de la vidéo. La musique intervenait parfois en contrepoint de la lecture du texte, dans une traduction en roumain.

Laborinthe spectacle pluridisciplinaire
texte de Jean-Clarence Lambert, musique de Horia Surianu, scénographie de Wanda Mihuleac, Hôtel de Béhague, Ambassade de Roumanie, Paris 1991

— En 1991 eut aussi lieu un festival de musique française à la Maison de la Radio de Bucarest et l’on m’a demandé à cette occasion si je pourrais imaginer un contrepoint visuel. Toutefois, je ne souhaitais pas introduire quelque élément tape-à-l’œil, qui interviendrait au premier plan, car je tiens à cette démocratie des sens que j’évoquais précédemment. Le rôle attribué aux arts plastiques n’est pas toujours d’occuper la place principale. Et c’est ainsi qu’est né le projet « avantson » auquel participait Daniel Kientzy. Le titre reposait une fois encore sur un jeu de mot. Il s’agissait de proposer un événement qui se situe avant que les gens viennent écouter un concert consacré à la musique contemporaine. Cela se passait dans un très grand hall. J’avais choisi de réunir les housses, caisses et étuis des instruments destinés à être entendus lors du concert qui allait suivre, ces emballages étant comme travaillés en tant que sculptures ; j’ai donc conçu une sorte de promenade parmi ces étuis placés sur la scène. Dans tout cela, il y avait l’idée de l’absence, de l’attente – voire du vide –, puisque le son, c’était ce qui allait se produire ultérieurement, au moment du concert. D’une certaine manière, les instruments étaient présents par l’intermédiaire des étuis, comme en creux. On entendait pourtant déjà leurs sonorités, dans la mesure où les musiciens les accordaient, mêlés aux bruits du public qui arrivait dans la salle. C’était comme un préambule à quelque chose en train de se faire. Dans un vaste étui de contrebasse, j’avais par ailleurs caché un modèle féminin vivant, vu de dos, et qui bougeait. Le titre « Avantson » insinuait également le fait qu’il s’avérait plus que nécessaire d’avancer une fois pour toutes dans la compréhension de la musique et des arts plastiques. Cette installation est restée pendant toute la durée du festival, c’est-à-dire une dizaine de jours (exception faite, bien sûr, du modèle vivant).

Page du livre d’artiste « vox clamantis in deserto, avec le CD, musique de J.Y.Bosseur

Une autre réalisation, basée sur la photo et la vidéo, avait pour titre La voix qui se voit. Waanda Mihuleac l’a concrétisée dans le cadre de ses études à l’Université de Paris I, le sujet de sa thèse portant sur la déconstruction dans les plastiques, un de ses thèmes de prédilection. C’est à cette époque qu’elle a rencontré Jacques Derrida, avec qui elle a publié trois livres. Dans le troisième, Or, figure aussi un CD dans lequel sa voix est accompagnée par une musique en partie électroacoustique de D. Kientzy. Elle lui a présenté cette vidéo, influencée par sa philosophie. Le film a été diffusé, en la présence du philosophe, dans la galerie Est-ouest, à New York.

À l’occasion du vernissage, Derrida a justement donné une conférence au cours de laquelle il s’est exprimé sur les relations entre image et texte, ainsi que sur l’art de la greffe et sur les tableaux et installations de W. Mihuleac associés à cette thématique. Dans le film, on ne voyait que la bouche de Sarah Lallemand, qui mimait une émission de sons. À la fin, dans sa bouche était caché un œil de verre. Une chanteuse d’opéra, Sélima, réagissait aux images en question en improvisant alors une mélopée très violente, ponctuée de cris, sur une unique phrase « la voix, la voix, la voix qui se voit », comme s’il s’agissait d’une post-synchronisation, un peu à la manière d’un écho.

Livre OR avec un CD
(la voix de J.Derrida et la musique électro-acoustique de D.Kientzy

Est consiste en une installation vidéo de grande dimension (2 m. sur 10 m. environ), au sein de laquelle les gens pouvaient se déplacer, et qui a été réalisée à l’occasion d’une exposition au Musée d’art contemporain de Bucarest en 1996. Elle se présentait sous la forme d’un mur avec des miroirs concaves flexibles accrochés à une structure métallique de forme semi-circulaire. Au centre était érigée une colonne en fer comprenant trois postes de télévision à l’ancienne. J’avais créé un rouleau très abstrait à partir des trois couleurs des drapeaux français (bleu, blanc, rouge) et roumain (bleu, jaune, rouge). Le glissement entre les deux drapeaux s’opérait facilement puisque seule une couleur différait. Comme les images se reflétaient dans le miroir de façon assez déconstruite, on voyait le public qui devenait déformé, ainsi que le mot « est », qui se décomposait également. La bande-son avait été élaborée par D. Kientzy à partir, notamment, de la voix de Jacques Derrida qui lisait son texte Est, écrit précisément pour cette installation.

« La voix qui se voit » vidéo avec les vocalises de Selima

À cette occasion, Derrida a déclaré en particulier :

— Tout cela fait une œuvre impressionnante, à la fois par sa diversité, par la diversité de ses supports, de ses éléments, par sa durée, mais aussi par la multiplicité des médiums en quelque sorte ; tout à l’heure je disais, il y a le corps, la greffe, il y a différents arts, la musique. La musique est incorporée, non seulement dans l’œuvre que vous avez vue en bas, La voix qui se voit, mais même dans Or, il y a ma voix, et aussi l’intervention d’un musicien français – le saxophoniste Daniel Kientzy –, et donc la possibilité musicale, l’enregistrement ; en conséquence, la technique de reproduction musicale est incorporée dans le corps même de l’œuvre singulière. Donc tout cela est à la fois très impressionnant par la richesse, la diversité des lieux, des milieux, des médiums, mais aussi par la cohérence, par l’insistance, par l’unité du projet, parce qu’à travers toute cette galerie d’œuvres à la fois si diverses et chaque fois singulières, il y a une pensée qui est continue, insistante, persévérante et conséquente avec elle-même, et c’est sa signature.

« Rouge » spectacle pluridisciplinaire
poème de Maria Mailat, musique de Philippe di Betta, interprétée au saxophone par di Betta, performeuse A.Seel, scénographie et costumes Wanda Mihuleac, Théâtre-Poème, Bruxelles, 2003

En 1999, à l’invitation du Théâtre Poème de Bruxelles pour le festival international « À corps et à cri », dirigé par l’actrice et metteur en scène Monique Dorsel, W. Mihuleac présenta R0UGE à pleine gorge de la poétesse et romancière d’origine roumaine Maria Maïlat, pour laquelle elle a conçu à la fois la scénographie et les costumes. Il s’agissait d’un monologue avec voix (l’auteure lisait elle-même son texte) et saxophone. Philippe Di Betta qui en avait composé et joué la musique, une sorte de tango plutôt violent, témoigne :

— Suivant des thématiques poétiques et musicales suggérées par Maria, la musique (enregistrée par moi, avec essentiellement des percussions, un synthétiseur et des saxophones) s’est créée comme un album de « souvenirs(mots)-images(décor)-ambiance sonore », dans une conception et volonté délibérément « artisanale » (quasi improvisée, imprécise et avec un sentiment d’instantané) pour accentuer la force poétique et engagée du discours-décor. Wanda a voulu un passage du musicien, en direct, pour fusionner encore davantage la présence de la musique dans la création du spectacle.

Intervenait aussi une performeuse qui « promenait » sur la scène les costumes de la plasticienne ; ceux-ci comportaient des allusions à la période communiste, ce qui explique la présence de la faucille et du marteau en velours rouge qu’elle portait comme un porte-jarretelles ou un chapeau ; à proximité était placé un rideau sur lequel était inscrit le sigle Coca Cola ; il y avait donc une opposition entre deux pôles, le rouge du couple faucille/marteau et cette même couleur correspondant à la publicité pour cette célèbre boisson (à cette occasion, W. Mihuleac avait repris des éléments d’une installation qu’elle avait réalisée au Théâtre Marbeuf, et qui jouait aussi sur un phénomène de balance entre les pays de l’est et de l’ouest, comme entre la faucille et le marteau). En 2004, cet événement donna lieu à un livre accompagné d’un CD, aux éditions Transignum.

« Vox clamantis in deserto »
installation texte de Marie-José Mondzain, musique de J.Y.Bosseur, galerie Vitoux Paris, 1998

— À mon avis, une des réalisations les plus abouties a été par ailleurs Vox clamantis in deserto (2001). D’abord en raison du texte écrit par Marie-José Mondzain, qui s’est beaucoup exprimée sur le pouvoir des images. Ensuite, en tant que plasticienne, j’ai eu l’idée d’explorer le phénomène de l’image en miroir ; un des questionnements touchait à la notion de narcissisme ; ou plutôt de narcissité, jeu de mot qui associe narcisse et cécité. Dans la cave voûtée de la galerie Pierre-Marie Vitoux, dans le Marais, on avait placé un grand miroir et suspendu des cloches de 25 cm de haut environ. L’image d’une bouche de femme agrandie qui crie, parle ou se révolte (d’où le titre), avait été dissimulée dans chaque cloche. Cette bouche ne pouvait donc pas être vue directement, mais seulement à travers son reflet dans le miroir, sorte de second degré de l’image. C’était tout un jeu sur les notions d’apparition et de disparition. Dans la mesure où il se déplaçait, le spectateur pouvait se voir dans le miroir parmi les bouches, se retrouvant donc plus ou moins malgré lui comme inclus dans le projet, participant à l’image. La problématique, c’est de chercher à savoir ce que l’on donne à voir aux autres. Mon idée, c’était que l’on ne perçoive pas les voix, et dans ce cas, c’est la musique de Jean-Yves Bosseur qui a créé une forme de résonance, amplifiant cet écho, car elle faisait entendre huit voix en relation avec les huit images de bouche disposées dans les cloches.

« Avant-son »
installation à la Maison de la Radio, Bucarest, Festival de la musique contemporaine française, 1991

Jean-Yves Bosseur avait proposé deux séquences vocales enregistrées. L’une, présentée en diptyque, était basée sur un entrelacs polyphonique de quatre voix féminines réalisé sous la forme d’un rerecording (la chanteuse était Hélène Ruggeri). L’autre était de caractère beaucoup plus vertical et homophonique. Il s’agissait d’une suite d’accords assez complexes, entrecoupés de silences, pour un groupe de 8 voix mixtes (les interprètes étaient les solistes du Collegium vocal de Gand). Dans les deux cas, toute connotation sémantique était comme brouillée ou effacée, les éléments phonétiques étant énoncés en deçà de toute signification. Le son est bien sûr déterminant dans cette installation où l’on voit la voix qui se voit dans le miroir, tout en entendant la voix en vrai (ou en tout cas sous forme d’enregistrement). Ultérieurement, une nouvelle mise en espace de Vox clamantis a été conçue pour le musée d’art contemporain de Budapest.

En 2006, en collaboration avec Bruno Michelet, W. Mihuleac a réalisé un film vidéo, Dans la peau de la peauésie, dans lequel on pouvait entendre les voix de deux poètes, Jean Portante et Magda Cărneci, mixées avec une musique électroacoustique de Jean-Louis Dhermy. Ce film a ultérieurement donné lieu à une performance dansée en plein air dans le cadre de « La nuit blanche », le 6 octobre 2007, de 20h à 6h du matin, par des étudiants de l’École des Beaux-Arts, rue de la Roquette, à Paris. Wanda en avait conçu les costumes.

— En 2006, j’ai aussi réalisé La géographie sonore avec un texte d’Alain Jouffroy, une création musicale de Horia Surianu, qu’il a intitulée La carte sonore. On pouvait voir des projections de morceaux de cartes géographiques sur lesquelles j’ai écrit le texte de Jouffroy. Il le lisait lui-même et son intervention était parfaitement intégrée à la musique.

Horia Surianu déclare à propos de cette collaboration :

— L’intersection entre la démarche poétique d’Alain Jouffroy et la musique qui l’accompagne, et que j’ai improvisée en collaboration avec Daniel Kientzy se trouve au niveau de la rupture et de l’imprévu. Le style « jeté » du poète se traduit par les cassures de bouteilles de verre qui parfois « explosent » avec violence ou sont « caressées » avec douceur dans une improvisation qui cherche des contrastes. Les sons harmoniques de saxophone joués en continu, improvisés par Daniel Kientzy donnent une autre dimension contrastante par rapport aux explosions de verres en créant un élément de continuité entre les ruptures et un trajet « presque prévu » dans un environnement sonore de verres cassés toujours imprévu. Les contrastes des sens du texte et la récitation sonore aussi très contrastante de la voix d’Alain Jouffroy se retrouvent avec la musique dans une structure profonde, parfois antagoniste, crée par les sons de verres et la trame sonore en continu du saxophone. Cette démarche musicale qui fait coexister la discontinuité avec la continuité et qui se mélange avec la poésie sonore récitée par Alain Jouffroy offre un « cocktail » explosif. 

En 2016, Noli me tangere suscite une nouvelle forme d’échanges entre plusieurs moyens d’expression. Dans son texte, Davide Napoli entrecroise quatre langues (français, latin, italien et roumain), tandis que Wanda Mihuleac conçoit un « design chorégraphique » incarné par la présence d’Isabelle Maurel et la contribution musicale de l’altiste Cornelia Petroiu, qui avait réalisé pour la circonstance un montage d’extraits d’œuvres de 15 compositeurs différents qu’elle a repris à son compte de manière tout à fait personnelle.

Noli me tangere est né du croisement de plusieurs projets : celui de Wanda Mihuleac, dédiée aux beaux livres ; celui de Davide Napoli, à l’origine du texte ; et celui d’Isabelle Maurel, chorégraphe toujours en quête de postures mystérieuses. Quand Wanda me demanda de chercher des morceaux pour ce projet, je me suis sentie déroutée. Cependant, par la suite, je me suis habituée à écouter les paroles mêlées au son de l’alto. Cette combinaison est vraiment magique et fait rêver. Comme toujours, quand Wanda me parla de son nouveau projet, je fus sûre qu’il dût lui ressembler : mystère, surprise, féminité... oui, la couleur de la féminité, c’est Wanda.
Cette fois-ci, elle me parla du projet Noli me tangere. Dès que j’entendis les premières paroles, je compris que j’avais bien anticipé : l’inattendu était bien là avec la voix de Davide Napoli, masculine et pénétrante, pleine de mille nuances, la belle tenue majestueuse d’Isabelle Maurel, la chorégraphe, auxquels se rajoutait mon alto glissant sur divers registres, autant de promesses d’accomplissement. Chacun des interprètes aurait à parcourir un trajet en dehors de la réalité, dont le syncrétisme ferait fondre les limites jusqu’à faire apparaître...Wanda. Si on la regardait, on ne verrait pas un régisseur mais l’âme même du jeu artistique. 

En 2016-17, W. Mihuleac entreprend un très ambitieux projet auquel ont contribué, comme son titre l’indique, plus d’une centaine d’artistes et d’écrivains, 101 livres-ardoises.

Parmi les multiples apports, l’écriture musicale a tout naturellement trouvé sa place.

— Pour l’ouvrage 101 livres-ardoises (2016-17) on a travaillé à partir d’un rouleau d’orgue de barbarie qui comportait déjà un certain nombre de perforations, ce qui fait que Jean-Yves Bosseur a écrit sur un support qui était imprégné d’une pièce musicale préexistante. Cela est devenu une sorte de réécriture, de palimpseste, de paraphrase, visuellement très stimulante.
Dans ce cas du livre-ardoise, l’idée était d’avoir une continuité, de jouer sur l’horizontalité de la partition qui se déployait, alors que, dans le cas de Vox clamantis in deserto, c’était l’axe vertical qui prédominait.

Pour le livre-ardoise qu’elle m’a proposé de concevoir, W. Mihuleac, m’avait procuré un rouleau de piano mécanique correspondant à quelques mesures des Songes d’une nuit d’été de Félix Mendelssohn. Par un heureux hasard, j’avais composé peu de temps auparavant deux pièces pour orgue de barbarie, Au marché et En mémoire de Robardig pour lesquelles j’avais confectionné moi-même les rouleaux. Mais dans ce cas, comme dans les marges des perforations liées au fragment d’origine et en tenant étroitement compte de leurs emplacements, j’ai inscrit ma propre partition Songe nocturne…et rare, pour saxophone contrebasse, qui appelle plusieurs sens de lecture. Les notations interviennent comme en deçà de l’espace de l’œuvre de référence, à la fois en ce qui concerne le registre (généralement polarisé dans l’extrême-grave) et les effets, avec le recours à divers bruits (clés, souffle…) exclus du répertoire musical traditionnel. J’ai d’ailleurs tenu à observer une distance maximale avec la pièce de référence, n’en gardant que certains contours très généraux. Dans le titre, l’adjectif « rare » s’applique à l’instrument soliste pour lequel la partition a été conçue, le musicien prévu pour son interprétation étant Daniel Kientzy.

Jean-Yves Bosseur

L’intersection entre la démarche poétique d’Alain Jouffroy et la musique qui l’accompagne improvisée par Horia Surianu en collaboration avec Daniel Kientzy se trouve au niveau de la rupture et de l’imprévu . Le style "jeté" du poète se traduit par les cassures de bouteilles de verre qui parfois "explosent" avec violence ou sont "caressées" avec douceur dans une improvisation qui cherche des contrastes. Les sons harmoniques de saxophone joués en continu, improvisés par Daniel Kientzy donnent une autre dimension contrastante par rapport aux explosions de verres en créant un élément de continuité entre les ruptures et un trajet "presque prévu" dans un environnement sonore de verres cassés toujours imprévu. Les contrastes des sens du texte et la récitation sonore aussi très contrastante de la voix d’Alain Jouffroy se retrouvent avec la musique dans une structure profonde, parfois antagoniste, crée par les sons de verres et la trame sonore en continu du saxophone. Cette démarche musicale qui fait coexister la discontinuité avec la continuité et qui se mélange avec la poésie sonore récitée par Alain Jouffroy offre un "cocktail" explosif.