mardi 29 janvier 2019

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Taysir Batniji – Être enfermé dehors

Entretien de Diane Watteau, avec la participation de Larissa Riahi

, Diane Watteau , Larissa Riahi , Sophie Jaulmes et Taysir Batniji

Sur des savons, Taysir Batniji grave les lettres de l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’œuvre s’intitule, L’homme ne vit pas seulement de pain #2 (2012-2013).

« Le caractère éphémère de cette œuvre m’intéresse dans la mesure où d’une part il contraste avec l’inflexibilité de la loi en général et, d’autre part, où il place le spectateur face à ses propres responsabilités vis-à-vis d’une signification donnée. »

L’homme ne vit pas seulement de pain #2, 2012-2013
Article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme gravé à la main dans des savons de Marseille, 81 x 253,5 x 4 cm, Vue de l’exposition Ici, ailleurs, Friche la Belle de Mai, Marseille, 2013. Photo : Clementine Crochet

Diane Watteau : L’enfermement est intimement lié aux dispositifs liés à la famille, l’école, l’armée, l’usine, l’hôpital, la prison… Il existe d’autres enfermements aussi sans murs visibles. Quelle est ta définition de l’enfermement ?

Taysir Batniji : Quand l’enfermement n’est pas choisi par celui qui chercherait le repos, la méditation, la solitude intérieure, le repli professionnel, je dirais qu’il découle ou dépend généralement d’une prise de contrôle, d’une restriction physique et / ou mentale imposée par un pouvoir donné. Il prend différentes formes : univers carcéral, siège ou occupation militaire, privation ou réduction de mobilité… Son but : asservir un sujet ou un groupe.

Je n’avais pas un an quand Israël a occupé ce qui restait de la Palestine historique (celle d’avant 1948), Gaza notamment, où j’ai grandi. J’ai vécu cette période sans pouvoir mettre des mots sur la situation. Pour moi, l’enfermement était une sorte de maladie incurable, une hérédité dont on ne pouvait se défaire. Autour de nous, les adultes semblaient même l’avoir intégré comme un phénomène naturel. Dans un tel contexte d’absence de libertés, la difficulté à définir son destin s’installe insidieusement. Les restrictions conditionnent notre rapport à l’espace et au temps, affaiblissent notre marge de manœuvre. Pour le supporter, lui résister, chacun crée consciemment ou inconsciemment des mécanismes.

Pendant les six années de la Première Intifada, de 1987 à 1993, nous avons dû subir un couvre-feu imposé par l’armée israélienne, chaque jour, du coucher au lever du soleil, parfois pendant plusieurs journées consécutives, sans savoir quand cela terminerait. J’ai beaucoup peint à l’époque, j’ai dessiné des tas de portraits. J’ai même poli à la main des galets pour en faire des pendentifs (un geste digne d’un prisonnier). On lisait aussi, on partageait des repas avec nos voisins de cour, on jouait aux cartes, on parlait politique… Toutes générations confondues. Et c’est là l’effet pervers de cet enfermement : cette vie cloîtrée chez nous prenait un « air de vacances ». À tel point que nos heures de liberté au dehors nous déstabilisaient.

Sans titre, 1997
Empreintes de clefs rouillées sur toiles roulées, 20 éléments de 30 cm x 7-9 cm de diamètre

Jusqu’à aujourd’hui, cette période a laissé des traces indélébiles sur ma manière de vivre, de voyager, notamment. Je ne suis jamais tranquille, je pars plusieurs heures en avance pour attraper un train ou pire, un avion, comme s’il pouvait y avoir un empêchement.

À la fin des années 1990, étudiant à l’École des Beaux Arts de Bourges, j’ai commencé à donner forme (plastiquement) à mon expérience de l’enfermement. En 1997, symbolisant la mémoire et le temps, la dépossession des terres, l’exode palestinien de 1948 et le droit au retour, l’espoir, j’ai transposé les empreintes de clefs de maison rouillées, par oxydation, sur des toiles de peintres roulées : Sans titre. Cette œuvre marque ma rupture avec la pratique picturale académique et mon désir de m’inscrire dans une démarche plus conceptuelle.

Puis, à mesure que j’en prenais conscience (tout retour ou voyage à Gaza devenant de plus en plus compliqué), j’ai commencé à matérialiser ma propre situation d’exil à travers une série d’œuvres : Sans titre (2007-2014), réplique de mon trousseau de clefs palestinien en résine puis en verre ; Suspended Time (2006), sablier rempli de sable présenté à l’horizontale ; la performance Impossible Journey (2002-2009), dans laquelle je déplace avec une pelle, jusqu’à épuisement, un tas de sable d’un mètre cube environ de part et d’autre d’une ligne virtuelle, un déplacement inutile signalant en creux une mémoire enrayée et un corps mis à l’épreuve de la répétition et du non-sens ; la performance installation Hannoun (1972-2019), « coquelicot » en arabe, que j’ai réalisée pour la première fois à Venise en 2009 et pour laquelle je recouvre le sol d’une salle de copeaux de crayons à papier rouge que je passe plusieurs journées à tailler manuellement en forme de corolles. Ce champ suggéré de coquelicots fait écho à son symbole dans la culture palestinienne, comme française : la mémoire des corps sacrifiés au combat. Le sol recouvert de « fleurs » fait écho, au mur, à la photo de l’atelier que j’ai dû abandonner à Gaza. Deux espaces-temps impossibles : l’un éphémère (l’œuvre elle-même), l’autre inaccessible (mon atelier à Gaza). J’ai tenu à dater cette œuvre en 1972, en souvenir de ma première année d’école. Pour échapper aux devoirs qui consistaient à recopier nos manuels scolaires et apprendre nos leçons par cœur, je passais mon temps à tailler mon crayon, sous prétexte qu’il devait être très aiguisé…

Sans titre, 1997
Empreintes de clefs rouillées sur toiles roulées, 20 éléments de 30 cm x 7-9 cm de diamètre

DW : Tu n’es pas retourné à Gaza depuis 2006 ?

TB : Je n’ai pas pu rentrer à Gaza de 2006 à 2011, où j’ai profité d’une période calme pour aller voir ma famille. En 2012, j’y suis allé avec ma femme et nos deux fils. C’est la dernière fois. Les Israéliens et les Égyptiens ferment la frontière depuis. Les périodes d’ouverture sont courtes et demeurent très aléatoires. Et, s’il est possible d’entrer, nous n’avons aucune certitude de pouvoir sortir ensuite. Certains restent ainsi coincés à Gaza pendant des mois. La liste des personnes qui désirent sortir est si longue que l’on peut attendre des lustres avant que notre cas se présente. Les Israéliens accordent éventuellement un permis pour une période donnée si quelqu’un de la famille est gravement malade, sur présentation d’un certificat. Dans ce cas, on doit signer un papier et s’engager à ne pas revenir pendant un an ! Il y a un mois, je me disais que je ferais bien le voyage. Des amis artistes sur place étaient prêts à m’aider. Mais un soir, l’un de mes frères m’a découragé. Je ne suis pas seul, j’ai une famille en France (sans compter mon travail) ; je ne peux prendre le risque de rester bloqué plusieurs mois à Gaza.

Larissa Riahi : Donc tu es enfermé en France ?

TB : Oui, je suis un Palestinien enfermé en dehors de sa terre (en France). C’est une situation difficile, pénible, car je ne peux rien prévoir ni programmer. Ma famille me manque, ma géographie natale aussi, j’aimerais pouvoir mener des projets là-bas, comme tant d’artistes vivant entre deux pays. Je participe à des expositions en Palestine mais, bien sûr, avec des formats légers, des photographies, des vidéos, des supports que je peux envoyer par Internet. Je participe aussi, parfois, en tant que jury, à des Prix ou des concours organisés à Gaza ou en Cisjordanie. Il m’arrive enfin d’animer des workshops à distance, toujours grâce à Internet.

Sans titre, 2014
Trousseau de clés en verre, échelle 1/1

DW : Il existe une censure là-bas ?

TB : Non, pas particulièrement. Les contraintes sont les mêmes que dans beaucoup de pays du monde arabe, on ne peut pas montrer de nus par exemple. Mais on peut exposer des œuvres politiques. Les Israéliens n’ont pas de contrôle direct sur la production des artistes : ils se contentent, ce qui est déjà beaucoup, de les priver de mouvement.

Les temps étaient différents pendant l’occupation (1967-1991) : si un soldat israélien vous prenait dans la rue en possession d’un dessin représentant ne serait-ce qu’un drapeau palestinien, il pouvait vous arrêter. Pendant la Première Intifada, j’ai toujours planqué mes peintures derrière les armoires ou en lieu sûr pour éviter que les Israéliens ne tombent dessus lors de l’une de leurs régulières descentes nocturnes.

DW : Comment réagis-tu à ces pensées d’Edward Said quand il écrit que « l’idée d’identité plurielle implique un perpétuel exil de soi à soi », l’exil considéré comme « la condition même de toute identité et de toute pensée [1] ». Ou quand Etel Adnan affirme : « j’ai un secret : ma mobilité […] C’est pourquoi je suis si étrangère à moi-même [2] ». Vis-tu ces impressions-là ?

TB : Je cherche à comprendre cela, « être étranger à soi-même ». L’identité, c’est un amalgame, une concentration de plusieurs attributs, ce n’est pas quelque chose de pur. Tous les lieux que j’ai fréquentés, les pays que j’ai visités, les langues que j’ai apprises depuis mon départ de Gaza, font partie de mon identité. L’identité est une accumulation. Aujourd’hui je me surprends à penser en français ; je prends des notes en français. Je suis également imprégné de mes souvenirs d’Italie, ma première expérience européenne.

Je suis bien sûr très attaché à ma langue, car elle me permet, je pense, d’apprécier les autres langues. Je me sens proche du poète Mahmoud Darwich : l’identité n’est pas close, elle est faite d’une multiplicité de nuances et d’éléments qui la traversent et la constituent. Elle est définitivement ouverte.

À force de n’être ni ici ni là-bas, j’ai souvent l’impression d’un flottement. Parfois je ne me sens nulle part. Je comprends cette idée d’être « périphérique », je ne me sens pas au centre. Je me sens étranger. Là où je me sens « chez moi », c’est au moment où je crée, quand je suis absorbé par ce que je fais, quand je mets au monde une idée. Là, je me sens exister. C’est mon repère par rapport à la réalité et à mon existence. Je dépasse ainsi la question : je suis dans « autre » espace-temps.

Suspended Time, 2006
Sable, verre, 27 cm x 10 cm de diamètre

LR : Le moment de la création, ce serait sortir de soi, et paradoxalement, c’est quand tu n’es pas dans toi, que tu existes.

TB : Dans ce contexte particulier où je donne forme et vie à quelque chose, j’oublie ma condition réelle, les contraintes spatio-temporelles, identitaires. Je vis dans une autre dimension. Les périodes de creux, de latence, me plongent dans la dépression : perte de ce « chez moi ». Un sentiment sans doute assez commun à de nombreux artistes, exilés ou non. Said l’évoque dans Des intellectuels et du pouvoir. Le plus difficile pour un exilé, c’est cette déchirure entre passé et présent, ici et là-bas, le lieu de naissance et le lieu d’accueil. Cette impossibilité à être complètement ici ou complètement là-bas, c’est cela le flottement que je décrivais. Comme si on ne touchait pas terre.

DW : Théoriquement c’est intéressant, Virginia Woolf parle très bien ce cette traversée. Mais on refuse aussi d’être partagé.

TB : Parfois j’envie les gens qui n’ont jamais voyagé. Je me surprends même à penser que si j’étais resté à Gaza je serais tranquille, j’aurais un petit boulot, une maison, etc. Mais je suis parti parce que je ne voulais pas cela. Dans mon projet Home Away From Home (2017), j’interviewe mon cousin qui vit en Floride. Je lui demande « Si tu avais tout à refaire, tu ferais quoi. ? ». Il répond, « Je ne serai jamais parti. Je serai resté à Gaza ou peut-être à Abou Dabi car c’était la belle vie. » Il arrive en Floride, y travaille dans une supérette et se retrouve enfermé dans un ghetto afro-américain. Le stress est énorme. Il regrette par idéalisation. En lui posant cette question, je me suis posée la même question, évidemment. Ce sont des décisions rudes. Quand j’ai voulu partir, j’étais censé rester trois mois aux Beaux-Arts de Bourges, et en fait j’ai poursuivi ma route d’exilé. La réalité change et votre regard avec.

Hannoun, 1972-2009
(Performance/Installation) photographie couleur, jet d’encre sur papier affiche, 150 x 100 cm, copeaux de crayons, dimensions variables, œuvre conçue pour l’exposition Palestine c/o Venice, à la 53e Biennale de Venise, 2009

DW : Aller en Palestine, c’est toujours se ressourcer ?

TB : J’ai fait trois tentatives de retour définitif au pays, mais à chaque fois mon projet a avorté. La première fois c’était après mon diplôme aux Beaux-Arts de Bourges, en 1997. Mais, sans travail pour gagner ma vie, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas avancer dans mon travail d’artiste en Palestine. Je suis donc revenu à Bourges de manière temporaire. Une fois à Bourges, j’ai réalisé que le chemin serait difficile. L’évolution de mon travail devait se risquer à l’exil même si les tentatives de rentrer devaient se reproduire. En 2006, quand quand Israël a ordonné la fermeture définitive des frontières avec Gaza, d’Amman où j’étais, je suis reparti à Paris. Peu de temps après, ma femme m’a annoncé qu’elle était enceinte. Ce fut comme un soulagement, ma décision s’est prise toute seule. Mais j’aimerais faire connaître mon pays à mes enfants.

LR : Que penser dans l’enfermement comme palestinien dans cette idée d’un artiste victime ou bourreau ? En tant qu’artiste Palestinien, comment ton travail est perçu ici en occident ?

TB : Cette question est source d’ambiguité et de confusion, surtout en Europe. Nombreux sont ceux qui, emprunts d’images véhiculées par les médias, de clichés, ne voient mon travail qu’à travers le prisme de la Palestine. Du coup, le jugement qu’ils portent à mon égard se trouve affecté par leur rapport à la question du « conflit israélo-palestinien », qu’ils soient « pro » ou « anti ». De mon côté, j’essaie toujours de penser mes œuvres de la manière la plus ouverte possible, à partir de mon vécu et de mon expérience, soit, mais à travers un vecteur plastique ancré dans une réflexion artistique. En représentant l’exil, les non-lieux, les lieux de transition (Départ, 2003, Transit, 2004, Chambres, 2005, L’homme ne vit pas seulement de pain, 2002-2013, etc.), j’essaie d’inscrire l’universel dans ce parcours intime. Je ne souhaite pas que l’on réduise mon travail à une cause. Les papiers-peints que j’ai réalisés n’ont pas de territoire, ils portent des questions globales. Le travail que je mène actuellement sur mes cousins est lié à l’exil mais il est bien plus vaste, interrogeant le rapport aux sources dans une autre culture, les transformations individuelles, la manière dont on s’adapte à un nouveau territoire... Mes propositions ne sont jamais univoques.

Hannoun, 1972-2009
(Performance/Installation) photographie couleur, jet d’encre sur papier affiche, 150 x 100 cm, copeaux de crayons, dimensions variables, œuvre conçue pour l’exposition Palestine c/o Venice, à la 53e Biennale de Venise, 2009

DW : Quand je regarde ton travail, tu montres des choix très littéraux dans l’exposition du réel. Mais tu engages dans cette littéralité une complexité et une poésie déroutantes.

TB : C’est un équilibre à tenir. J’essaie de m’éloigner du discours ou de l’illustration, de manipuler des concepts politiques traditionnels délicats à travers des filtres. Les Becher pour parler de l’occupation territoriale par exemple dans ma série Watchtowers, 2008. Ma façon de prendre de la distance, de déplacer l’information en opérant un décalage, me permet d’offrir un angle de vue et une prise de position sur le réel qui contrastent avec l’image médiatique et les clichés à la portée de tout un chacun. La dimension poétique m’importe beaucoup : dans ma souffrance, je vois la beauté aussi, l’évocation du sensible et de l’impermanence.

Notes

[1Guillaume Bridet, « Les trois Said », in Collectif Write Back, Postcolonial studies : modes d’emploi, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2013, p. 127 et p. 128. In Evelyne Toussaint, Études biographiques, la biographie au carrefour des humanités, chapître 14, « Etel Adnan, Où sommes-nous ? », Paris, Honoré Champion, 2017, p. 210.

[2Etel Adnan, Au cœur du cœur d’un autre pays, (2005) trad E. Giraud, Beyrouth, Tamyras, 2010, « Données vitales, suite et fin », p. 35.

Voir en ligne : Taysir Batniji

Texte mis en forme par Sophie Jaulmes.

Exposition du 1er février au 24 mars 2019 : Home Away from Home à la Galerie Sfeir Semler Admiralitätstrasse 71, D-20459 Hamburg Phone : + 49 40 37 51 99 40, email : galerie@sfeir-semler.com – www.sfeir-semler. com.
Ouverte du lundi au vendredi 11 h. à 18 h., le samedi de 11h. à 16 h. Vernissage le jeudi 31 janvier, de 19 h à 21 h.
www.taysirbatniji.com

Le projet Home Away from Home a été réalisé en 2017 dans le cadre du programme Immersion de la Fondation d’entreprise Hermès avec l’Aperture Foundation.
À travers plusieurs séries de photographies, des vidéos et des dessins, j’ai tenté de retracer le parcours de quelques-uns de mes cousins palestiniens immigrés aux États-Unis à compter des années 1960, de saisir la discontinuité temporelle et spatiale, les points de rupture mais aussi de fusion entre une identité acquise, dont on se dépossède tout en s’y attachant, et une identité recomposée...
Le projet Home Away From Home a été exposé pour la première fois à la Fondation Aperture à New York au printemps 2018, et à la 49e édition des Rencontres de la photographie d’Arles, dans le cadre d’une rétrospective de mon travail : Gaza to America, Home Away From Home.

Un livre, Home Away from Home, a été édité par Aperture Foundation : https://aperture.org/shop/taysir-batniji-home-away-from-home/

Illustration couverture : L’homme ne vit pas seulement de pain #2, 2012-2013 – Article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme gravé à la main dans des savons de Marseille, 81 x 253,5 x 4 cm, Vue de l’exposition Ici, ailleurs, Friche la Belle de Mai, Marseille, 2013. Photo : Clementine Crochet