LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n°60-61


Éditorial

Lointains

Nous sommes devenus les otages de ceux qui mènent, en notre nom et parce que le plus souvent nous les avons « élus », des politiques de destruction systématique, de tout : de droits, de territoires, d’informations, de mémoire, d’êtres, de peuples.

La terre n’est plus qu’un astre mort flottant dans un cosmos absolument inhospitalier. Il semble que cette joyeuse nouvelle soit en train de produire sur nous des effets puissants de déstructuration mentale. Ceux qui nous gouvernent s’en sont auto-proclamés les hérauts. Ils ne sont que les diligents mercenaires d’un fantasme qui fait coïncider en eux comme en nous l’indifférence des astres avec leur propre indifférence, celle avec laquelle ils détruisent ce qu’ils prétendent gouverner, en notre nom.

Antonio Porchia notait dans Voix réunies : « Le lointain, le très lointain, le plus lointain, je ne l’ai trouvé que dans mon sang. »

Pour son numéro d’été, TK-21 LaRevue poursuit son inlassable travail de défrichage des approches les plus actuelles des images.

Jean-Louis Poitevin poursuit à travers l’analyse de trois œuvres d’artistes coréens, deux de Paik Nam June et une de Han Ho, sa réflexion sur l’allégorie. C’est bien dans les lointains qu’il s’agit de se rendre avec cette exposition intitulée Cosmos qui se tient au musée de Daejeon (Corée), et c’est à partir de ce déracinement mental des hommes qu’il tente de comprendre comment l’allégorie s’est imposée comme le vecteur efficace de variations artistiquement, affectivement ou plublicitairement cosmiques du « sens ».

Le travail d’analyse du statut et de la fonction des images aujourd’hui passe par les entretiens réalisés par Jean-Louis Poitevin et Hervé Bernard avec des personnalités provenant d’horizons les plus variés.

TK-21 LaRevue
publie dans ce numéro d’été la première partie d’un entretien réalisé avec Dominique de Font-Réaulx, Conservateur général, Directrice du musée Eugène Delacroix. La naissance de la photographie est ici revisitée et présentée dans sa véritable complexité.


TK-21 LaRevue
publie aussi la première partie d’un entretien avec Frédéric Guichard, Directeur scientifique de DXO, une entreprise française spécialisée entre autres dans le developpement des algorithmes permettant le traitement des images réalisées avec téléphone portable. Cet entretien permet surtout de revisiter nos conceptions traditionnelles de l’image photographique et entre en résonance avec celui de Dominique de Font-Réaulx publié dans ce même numéro.

Nous retrouvons Herbert Holl et Kza Han qui nous proposent une lecture et une analyse critique de la figure mythologique du centaure Chiron à partir d’une traduction d’un poème de Hölderlin. Les enjeux de ce texte sont multiples, mais c’est avant tout Alexander Kluge qui est ici convoqué. C’est aussi la question du lointain, de l’immensité cosmique qui gronde dans ce texte. C’est enfin la question brûlante qui est ici présentée sans concession à travers deux vers de Yeats que Kluge a rapprochés et qui marquent le sceau de la division, l’être et la pensée : « Car rien ne peut être un et tout / Une déchirure l’a scindé. »

Très coréen, ce double numéro d’été poursuit la publication des réflexions puissantes de Jaewook Lee sur les relations entre art, rythme et musique, à partir des connaissances actuelles sur le fonctionnement du cerveau. Ce texte est aussi le laboratoire intellectuel qui lui permet de développer son travail plastique qu’il présente du 5 au 28 août au Space O’Newall Seongbuk-gu de Séoul.

Coréenne, Jung A Kim a exposé à la Photo Gallery de Baediri à Incheon, dirigée par Lee Sang Bong. Dans cet ensemble d’images, présentées par un texte du Professeur Walter Bergmoser, on voit comment se construit une relation forte entre corps et infini.

Jean-Louis Poitevin propose une lecture des œuvres récentes, des tableaux dont la surface est en aluminium travaillé de diverses manières, du peintre coréen Ryu Hyu-yeol. Ses œuvres flirtent avec la troisième dimension et mettent en scène l’expansion de l’univers des choses et des symboles culturels vers l’infini regard des hommes.
춤추는 토템

Daniela Goeller présente le travail photographique de Bruno Moinard qu’il a réalisé durant plus de dix ans sur son lieu de travail. Il a regardé et photographié des danseurs, avec une intuition phénoménale quand à la relation de ces trois éléments : l’espace, la lumière et le mouvement, qui se traduisent dans les images de la série Murky Dancing. Derrière l’objectif de son appareil photo, une seule question : comment rendre le mouvement sensible ?

Dans un entretien réalisé par Hélène Leray, à propos de ses expositions personnelles à la Wild Project Gallery (janvier-février 2016) et à la galerie Iragui à Moscou (février-mars 2016), Jeanne Susplugas revient sur son parcours et le lien de ses œuvres, la plus récente étant une nature morte en céramique, avec les mots, les phrases qu’elle collectionne, les histoires qu’elle raconte dans ses expositions. Elle regarde surtout notre quotidien qu’elle nous fait voir autrement comme dans les dessins de la série inspirée des « containers » américains, flacons donnés dans les pharmacies avec le nombre exact de comprimés requis pour un traitement.

Dans une série d’images Xavier Pinon nous fait découvrir un lieu « mort ». « Il est arrivé en 1983. Il y a eu jusqu’à 17 ouvriers. Il est parti en fermant la porte une dernière fois. Comme si demain il allait travailler. » Ces images constituent un témoignage poignant sur la fin d’un monde, un atelier qui se trouvait au-dessous du sien.

Sascha Nordmeyer présentera ses œuvres à la rentrée à la galerie Gratadou-Intuiti. Pascale Geoffrois présente ce travail singulier en se demandant si ces séries sont des dessins, ou par leurs figurations géométriques autre chose, un système de formes et de formules, abstraites, futuristes, l’émergence d’une étoffe unique, résultat en relief de perceptions à ce jour inconnues ?


TK-21 LaRevue
présente le groupe heiwata, une sorte d’objet pas encore identifié, mais bien réel dans la constellation des pratiques artistiques et curatoriales contemporaines. Alma Saladin, tout juste revenue de New York évoque Événement 0, Tropismes qui est la rencontre des multiples influences des membres de heiwata. Autour d’œuvres et de performances, cette exposition rassemble une communauté d’artistes constituée au fil des liens tissés ainsi que des collaborations passées et en cours.

Dans un court texte mêlant poésie et analyse, Laëtitia Bischoff fait se rencontrer Nicolas Bouvier, le peuple Kogi (Sierra Nevada, Colombie), Mario Merz et une des Peaux-de-Photos réalisées par Valérie Legembre. La maison est au centre de ce texte, la maison comme double de la grande sphère protectrice du monde. Mais cette grande boule censée nous protéger existe-t-elle encore ?

« Port-de-Bouc en son paysage est une ville sentinelle. Au front des matières, elle a dû choisir plusieurs fois déjà, ce qui pouvait rester et ce qui devait partir. Ce qui devait s’aménager et ce qui devait déménager. Cette ville bâtie aux avant-postes de l’ère industrielle, écoutons-la. » C’est ainsi que Claire Dutrait approche cette ville qui pour fêter ses 150 ans d’existence a proposé à des photographes de venir en résidence et de se confronter à son histoire, à son présent, à son devenir. Ce sont les images de Martial Verdier qui ont été choisies ici pour la restitution de l’exposition Et Port-de-Bouc s’est éCriée, organisée par le Centre d’arts plastiques Fernand Léger, à la Criée de Port-de-Bouc, en partenariat avec « l’Été Arlésien » des Rencontres de la Photographie d’Arles 2016.

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De nombreux problèmes sont signalés par des utilisateurs de Safari. Le mal semblant être profondément ancré chez Apple, nous vous conseillons de lire TK-21 sur Firefox ou Opéra par exemple.