LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n° 41


Éditorial

Nombreux sont ceux qui ressassent dans une déploration de pleureuses patentées l’envahissement supposé de leur existence par les images. Ils semblent ne pas prendre en compte la destruction des bases mêmes sur lesquelles se fonde notre usage de la langue. Lars von Trier dans Nymph()maniac fait dire à Joe, le personnage principal : « À chaque fois qu’on interdit un mot, on retire une pierre aux fondations démocratiques. La société montre son impuissance face à un problème concret en supprimant des mots de la langue. »

Fidèle à ses engagements, TK-21 LaRevue propose un numéro de décembre resserré mais dense autour de textes longs évoquant tous les questions et les enjeux qui se trament aujourd’hui autour des images, que ce soient celles de la photographie, du cinéma ou de la vidéo.

Ce Numéro 41 s’ouvre sur un texte de Stéphane Le Mercier, consacré à The Uncanny, livre d’artiste réalisé en 1993 par Mike Kelley, dans le cadre de son exposition au Gemeentemuseum Arnhem aux Pays-Bas, un voyage entre Georges Bataille et E.T.A. Hoffmann et qui interroge en particulier ce qu’il en est de notre « œil ».

Si vous n’êtes pas ressortis aveuglés de cette première lecture, Jean-Marc Hémion propose une conférence, Théorème de résistance : fuites poétiques d’une « vitalité désespérée » ? qui est une lecture de l’œuvre cinématographique de Pier Paolo Pasolini et de son crypto-christianisme de paysan omnitemporel, que Pasolini nomme « l’âge du pain » qui éclaire la dureté du présent et l’épouse dans la résistance poétique.

Dans sa conférence Autrement que croire : schize et reconfiguration psychique faite lors du colloque Religion et résistance – Résistance et religion qui s’est tenu les 21 & 22 mars 2014 à la MSH Université de Nantes. Jean-Louis Poitevin analyse le film Melancholia de Lars von Trier à partir de la notion de schize dont il dit qu’elle « est notre demeure. Une demeure intenable, – il est impossible d’y tenir en place –, une demeure ne se trouvant en aucun lieu, nulle part, insituable donc – elle nous accompagne partout – et dans laquelle pourtant nous existons. »

Jean-Louis Poitevin publie ici le premier des trois séminaires de l’année 2008 qu’il a consacré à une relecture violemment critique du livre qui a sans doute le plus fasciné les photographes et les théoriciens de la photographie, en France en tout cas, et qui a fait aussi à sa manière le plus de dégâts, La chambre claire de Roland Barthes.

Jean-Louis Poitevin propose quelques pistes pour une lecture de l’œuvre du groupe inclassable Dix 10 à l’occasion de la parution d’une monographie majeure publiée il y a peu aux Éditions Somogy.

TK-21 LaRevue qui a déjà présenté quelques aspects du travail de Mengzhi Zheng présente sa première réalisation in situ d’une œuvre monumentale qui, par une (dé)construction colorée à l’échelle d’un quartier comme celui de La Défense, propose un geste symbolique. Le dessin de la tour dans laquelle cette œuvre se trouve, fonctionne par succession de plans horizontaux qui sont, par l’œuvre, renversés sur un axe vertical. À découvrir donc dans la revue, et à La Défense.

Laëtitia Bischoff revient dans la revue avec un court texte dont elle a le secret, une sorte de poème accompagnant une œuvre de Berlinde de Bruyckere.

Le groupe d’artistes coréens le plus ancien vivant en France, SONAMOU, fondé à Paris en 1991, longtemps installé à Issy-les-Moulineaux, et avec lequel TK-21 LaRevue entretient des relations privilégiées, expose à la Cité des arts à Paris. C’est une bonne occasion de lui rendre hommage et de renforcer ainsi les liens qui nous unissent avec de nombreux artistes coréens.

Dans son dernier article de la série « Las Italias » qui nous a présenté toute cette année un état de l’art contremporain italien, Susanna Crispino présente le travail de Paolo Parisi qui pose la question de la peinture dans la création contemporaine.

Philippe Verrièle nous livre une analyse du dernier spectacle de Thierry Malandain, Estro, accompagnée de photographies d’Olivier Houeix qui suit le travail du chorégraphe depuis 2000. Il montre comment Thierry Malandain règle un problème d’esthétique chorégraphique redoutable et comment avec une forme quasiment parfaite, figée dans l’expression définitive du tragique, soit la piéta et la croix, il trouve une mobilité qui permet l’expressivité du mouvement.

Joël Roussiez est encore une fois présent dans ce numéro avec un texte Avec obstination dans lequel une femme raconte et invente une vie, sans doute pour tenter de se défaire de ce constat terrible : de plus en plus seule, de plus en plus follement seule, le monde est si laid, tout est de plus en plus laid.

Et pour finir l’année par un trait d’humour un peu noir et annoncer cette année 2015 qui promet d’être intense, tendue, instable et violente sans doute, TK-21 LaRevue vous offre une de ces petites vidéos déjantées dont Virginie Rochetti a le secret.

Bonne année 2015…