vendredi 1er décembre 2023

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Stéfanie Renoma

Les genres et leur clair-obscur

, Jean-Paul Gavard-Perret

Stéfanie Renoma vient de proposer avec « Identity » une expérience photographique et audiovisuelle saisissante. Elle présente et scénarise sa propre interprétation de la notion d’identité là où l’androgynie semble prédominer car le corps semble dépourvu de genre. Mais de fait c’est bien la sexualité qui demeure énigmatique là où une tension érotique intrigue et où le désir reste palpable.

Rien n’est toutefois promis aux voyeurs et voyeuses. Ces denier(e)s sont néanmoins livré(e)s au risque de la défaillance panique si bien que l’usage de l’ombre permet à la photographe-vidéaste et par son clair-obscur d’atténuer le risque que font courir de telles méduses scénarisées par la fée Mélusine.

Dans cette confrontation plus spectrale que spectaculaire, le noir et blanc joue de diverses tonalités. Le corps sort de ses abris, l’identité se déploie tout en restant énigme. La profondeur de l’âme se saisit sur un visage ou même un dos entre ombre et lumière — histoire de faire un temps de chaque modèle, celle qui nous roule dans les songes par les cendrées de la créatrice.

L’artiste assume et revendique la féminité tout en remettant en question la masculinité. Elle crée ainsi une expérience artistique fascinante. Stéfanie Renoma joue avec les clichés, défie les normes de genre et crée une luxueuse mise en scène glamour.

Cette sophistication et cette séduction "gênent" certains amateurs d’art ou critiques qui ne voient là qu’un exercice de légèreté. Si l’artiste la revendique cela ne reste néanmoins pour elle qu’une carapace ou plutôt la plus élégante des politesses et des grâces.

Elle invite à voir dans un exercice de la beauté une sexualité qui se veut à l’opposé de toute blessure ou cruauté. Tout reste de l’ordre de propositions énigmatiques. S’y refuse toute idée de chute, la rédemption des "wilde sides" la remplace.

La créatrice ne fait pas fait marcher les êtres comme des robots dans une vie insatisfaisante, elle ose une sorte de "téléologique" du corps là où la beauté n’est plus masque mais nature puissante, agile, langoureuse, cérémonielle, que rien ne semble pouvoir défaire et qui s’inscrit par cette puissante fantasmagorie contre la pâlotte lubricité.

De plus, Stéfanie Renoma sait écouter ses modèles féminins et masculins dans la fraternité de ses prises inductrices d’espérances et d’une mélancolie qui hante l’une comme ses autres. Ils restent sensibles à cette attention dans des images d’une tendresse étrange mais où la douceur est sans pathos ou condescendance. Un certain silence parle. Il est fruit de rêve, de cauchemars ou de longues insomnies ou de ce qui est pudiquement tu.

Stéfanie Renoma, « Identity » au Quartier Général, Paris XI, en octobre 2023
https://www.instagram.com/reel/Cyl8TJ0tLl8/