mercredi 1er mars 2023

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Qu’est-ce que le Système du pléonectique ?

Mehdi Belhaj Kacem

, Guillaume Basquin

« La vraie philosophie consiste en un déboulonnage de la mécanique universellement reçue de la Raison […] Chaque fois qu’on sort d’une philosophie digne de ce nom, c’est bien la perception, au sens quasiment physique, du monde, qui change, voire sa sensibilité même ». Mehdi Belhaj Kacem

Dès son introduction, qu’il nomme, pas par hasard, « Philosophie hors les murs », Mehdi Belhaj Kacem (MBK ensuite) se place dans une généalogie prestigieuse de philosophes et penseurs-critiques non universitaires : Spinoza, Hölderlin, Kierkegaard, Nietzsche, Walter Benjamin, Günther Anders, Georges Bataille, Schürmann, Maurice Blanchot, et enfin, last but not least (il considère qu’il est le penseur politique le plus important de la seconde moitié du XXe siècle — et nous approuvons), Guy Debord. Car telle est la généalogie d’une morale belhajkacémienne : être un penseur extra-scolastique, c’est-à-dire faire partie d’un cercle qui se dénombre sur les doigts de deux mains depuis Kant. Nécessaire « réaction » à la « stérilisation sans précédent à quoi a abouti la monopolisation du concept par l’Université ».

Ce qui impressionne, avec la théorie de Belhaj Kacem qui donne son titre au livre, c’est qu’elle s’applique quasiment à tous les domaines de la vie sociale de l’homme, du péché originel à l’art, en passant par la chasse, le jeu et l’agriculture. Dès le péché originel, c’est le fruit défendu de l’Arbre de la Connaissance, c’est-à-dire la volonté de savoir (coucou Michel Foucault), qui tente l’homme (et la femme). Pour caractériser cet « avoir plus » continuel, MBK utilise très souvent un mot rare, « exponentiation », qui concerne la totalité des activités humaines depuis 30 ou 40 000 ans, y compris la sexualité humaine trop humaine : une volonté d’appropriation et de transgression toujours exponentielle. Jacques Henric, lui voyait les choses comme ça : « Qu’est-ce qui fait ouvrir les livres ? » Un certain savoir (ça-voir) sur le sexe, bien sûr !… Prenons l’entrée « Katharsis » de son livre ; on y lit : « Tout dépassement (supra) est la katharsis de quelque chose, son évacuation, sa « purgation » a-t-on traduit pendant bien longtemps. » Ainsi, et par exemple, quand Sade se dépasse dans la démesure sexuelle dans ses romans (n’oublions jamais qu’il est enfermé, sans partenaire sexuel, pendant de très nombreuses années), c’est pour évacuer un trop d’énergie dite sexuelle, très certainement. Nous lecteurs, témoins de tant d’atrocités, sommes purgés de ce Mal absolu, et a priori ne le commettrons pas dans le réel, « améliorés » comme êtres humains par le phénomène artistique bien connu de la katharsis, ou purgation des passions. Pour le dire vite et résumer : le spectacle du Mal nous en dispense. Pour notre philosophe, toute l’Histoire de l’art est pléonectique, en ce sens que nous avons toujours besoin de plus de violence dans la représentation (exemplairement au cinéma), et de plus en plus sophistiquée, pour y croire encore. Puisque toute l’Histoire humaine est intrinsèquement liée à l’« avoir plus », il était inévitable que l’art ne dérogeât pas à cette contrainte interne et comme ontologique à l’humaine condition : le système du pléonectique ? Humain, trop humain !…

Pour MBK, « la philosophie réelle démontre toujours quelque chose, ou n’est rien ». (D’où que la plupart de ses concurrents actuels tombent dans le néant.) Mais il y a plus : on sait que Gilles Deleuze définissait la philosophie comme « création de concepts » ; raison pour laquelle il renvoyait à leurs « chères études » tous les autoproclamés « Nouveaux Philosophes » des années 80-90. MBK précise cette définition nécessaire mais non suffisante : « Un concept, c’est un outil mental de compréhension du monde qui n’existait pas avant lui, et donc en somme une clarification de ce monde même, qui n’aurait pas lieu sans lui. » Précisons, au-dessus de l’épaule de Mehdi : être philosophe, c’est avoir un savoir conceptuel propre, « à soi », comme l’était la nécessité d’avoir « une chambre à soi » pour l’écrivain-femme au temps de Virginia Woolf. Voici donc un livre, Système du pléonectique, qui regorge de concepts ; suivons donc leur fil :

Le pléonectique

Nous l’avons déjà vu, ce néologisme inventé par l’auteur signifie « avoir plus » ; et ce concept permet, selon lui, de remonter à la racine de tous nos maux et problèmes : « Que le capitalisme et l’écocide sans cesse accéléré ressortissent d’un seul et unique processus, justement celui que j’appelle “pléonectique”. » Ce concept « d’avoir plus » explique presque tout ce qui constitue les conditions de la philosophie : « Sexualité et art, science et mœurs, politique et religion, éthique et psychologie, etc. » Plus le temps avançait, plus l’homme a voulu de sexe hors reproduction, et plus il a voulu de science pour « expliquer » la quasi-totalité du monde. Cette expansion est sans fin, et est concomitante au capitalisme même, que cela plaise ou non. (Notons ici que le soviétisme avec son économie planifiée ne fut pas en reste dans la course à la production, et ne constitua donc pas un modèle crédible pour une sortie du pléonectique.)

Le Mal radical

Le grand thème de MBK, son « beau souci », son sujet d’étude principal, désormais, c’est le Mal, avec un M majuscule, c’est-à-dire la souffrance induite par le seul comportement de certains hommes vis-à-vis de leurs frères : une souffrance hors Nature, en quelque sorte, et non justifiée par ses lois immuables. Expliquons-nous : une lionne qui tue une antilope pour se nourrir ne commet pas de mal ; c’est sa nature et l’ordre de la Nature qui commande son acte ; un homme qui tue son prochain, si ! D’où les Commandements de la première religion monothéiste, et en particulier celui-ci : « Tu ne commettras pas de meurtre. » En quelque sorte, être humain ne va pas de soi ; et il faut que l’homme soit éduqué à ces commandements, car « l’horreur n’est pas au fond des choses, mais de l’homme ». Pour MBK, la radicalité c’est l’action de revenir au radical, c’est-à-dire à l’origine – par exemple à celle du Mal – radical ou pas.

Penser, c’est penser dangereusement ; dès lors cette activité-là elle aussi devient pléonectique : là où ça pense ; là croît aussi le danger ! L’art moderne en soi est une déclinaison du Mal sous toutes ses formes, de plus en plus étendue : « Une véritable esthétique du Mal. » Pourquoi ? Nous laissons au lecteur le loisir de découvrir les clés de ce mystère tout entier pléonectique (c’est-à-dire que plus le temps avance, et plus les visions horrifiques, montrées ou suggérées, sont terribles et violentes, en particulier depuis les débuts de la modernité, qu’on peut faire remonter à Sade et Goya). Quelqu’un comme Walter Benjamin, exemplairement, avec son concept d’aura à l’heure de la reproduction mécanisée des œuvres d’art, a changé le cours de la philosophie de l’Esthétique ; MBK en fait de même, et ça se saura de plus en plus dans l’avenir.

La perception

« La vraie philosophie consiste en un déboulonnage de la mécanique universellement reçue de la Raison […] Chaque fois qu’on sort d’une philosophie digne de ce nom, c’est bien la perception, au sens quasiment physique, du monde, qui change, voire sa sensibilité même ». Il n’en va ainsi pas différemment de la philosophie que de l’art : une nouvelle philosophie, dérouillée, sera une philosophie-action, comme il y eut l’action-painting ! Voir c’est percevoir (Bergson et Deleuze) ; et la « Raison commande aux perceptions communes », qu’il s’agit de bousculer pour les déboulonner.

Abécédaire

On connaît la fortune critique de l’Abécédaire de Gilles Deleuze ; mais on ne sait pas encore que ce livre titré Système du pléonectique (en passant, je souligne que le fait que je n’aie pas entendu parler de ce livre à sa sortie, pour cause de panique pandémique, est en soi un scandale) en est aussi un : « Ce livre, qui réserve au concept de jeu une place inusitée en philosophie, est au fond lui-même conçu comme une sorte de jeu “interactif” » : on peut aussi bien le lire dans l’ordre que rentrer par n’importe quelle porte. On note que tout un système de renvoi à des chapitres infra ou supra permet de parcourir ce volume comme un rhizome : n’importe quel point de n’importe quel chapitre peut être connecté à n’importe quel autre, sans presque de perte. Mais prouvons notre dire par un prélèvement (une preuve !) dans le chapitre « Art » : la « Katharsis (infra.) doit donc se traduire par le mot quasi mathématique d’“épuration”, non de “purgation” : non seulement l’imitation (infra., Mimèsis) des horreurs et l’exhibition représentative etc. » Une telle forme appellerait presque une édition électronique du livre, si nous n’étions pas allergique et totalement opposé à une telle chose… En tout cas, ces renvois incessants d’un chapitre l’autre constituent la principale originalité de cet opus magnum du philosophe qui joue le jeu du monde.

Art

Voici bien un système pléonectique par excellence : l’art ; plus le temps avance, et plus sa violence représentée (ou présentée, dans le cas par exemple de l’Actionnisme viennois) doit (et peut) augmenter, dans un vaste phénomène généralisé d’exponentiation. MBK de s’interroger : « Peut-être que l’affect de la Liberté […] par excellence est-il celui-là même d’une possible jouissance du Mal. » Pensée scandaleuse s’il en est… Comment ? Vous n’avez pas encore lu La Littérature et le Mal de Georges Bataille ? Non plus que La Peinture et le Mal de Jacques Henric ? Nous ne pouvons rien pour vous, lecteur… Il vous faut tout reprendre à zéro depuis le début : « Le tragique, c’est la situation qui est représentée par la tragédie », pas la scène de théâtre elle-même ou le livre écrit ou encore le plateau de tournage d’un film… Pasolini n’a commis aucun mal en tournant Salò !… Un livre ou un plateau de tournage sont un néant de l’étant, et seul le regard que l’on porte sur ces représentations crée du tragique : « Tel est, rigoureusement, l’art : nous regardons un néant (bloc de papier avec des taches d’encre, un barbouillis de traits et de couleurs, une projection de lumière quelconque : un agencement de matière inerte), qui, en réalité, parvient à nous regarder, nous ; pour le dire de manière désuète, à nous sonder au plus profond de notre âme qui n’est autre que le corps incorporel de l’affect, de l’intensivité pure » : définition oh combien profonde ! Qui, jamais, a dit mieux ?

MBK cite Blanchot, en le soulignant : « L’image est bonheur, mais près d’elle le néant séjourne. Et la toute-puissance de l’image ne peut s’exprimer qu’en lui faisant appel. […] L’image capable de nier le néant est aussi le regard du néant sur nous. » On se souvient que le cinéaste Jean-Luc Godard a maintes fois cité ce passage dans ses essais-vidéo. L’artiste, partant le philosophe véritable (artiste, lui aussi), devra se présenter (ou représenter dans le cas du cinéaste (voir Godard en idiot dans par exemple King Lear)) en idiot dostoïevskien pour dire la Vérité du monde : « Le philosophe est cet idiot dostoïevskien, cet enfant attardé [qui joue dans l’Aiôn, disait déjà Héraclite], qui fait un petit pas de côté, adopte une infinitésimale distance par rapport à la chose [ce dépassement constant de la violence représentée dans les arts], et s’écrie soudain : “Hé, les amis : ça ne va pas du tout de soi ! Vous ingurgitez, par tous les moyens, de représentations d’horreurs, d’atrocité, des ‘choses dont la vue nous est pénible dans la réalité’, comme dit l’autre, et ce quasi tous les jours, sans jamais vous aviser une seule seconde de l’étrangeté de cette seconde nature”. » Ce qui permet à MBK de se questionner et de nous interroger à la fois : « Qu’est-ce que cette habitude, devenue invétérée, révèle de ce que nous sommes ? » On ne se relèvera pas de sitôt de cette mise en abîme de notre nature profonde, de ce « théâtre de la cruauté » qui semble avancer toujours moins masqué mais toujours plus sophistiqué.

Mais il y a plus : « De l’Acropole aux mégapoles contemporaines, […] de la cithare gratouillée par l’aède aux centaines d’ordinateurs et de baffles géantes mises en œuvre par le génialissime Stockhausen, on peut dire que l’amplification mimétique que permettent les avancées technologiques chaque jour davantage, a été […] une exponentiation des possibilités intensives et émotionnelles dont dispose la katharsis esthétique sous ses formes les plus diverses. » Par rapport à nos Aïeux, « nous ne cessons d’enrichir nos moyens d’amplifier l’intensivité de ces sensations d’effroi, de dégoût, de terreur paradoxalement jouissives (infra., jouissance) » : système pléonectique s’il en est !

Dépassement

Dans le renouvellement par MBK de l’investigation philosophique sur les origines du Mal, voici un concept de première importance, le dépassement (au cœur de l’« avoir plus », n’est-ce pas ?) : « Non pas proposer un énième dépassement (comme les avant-gardes historiques le firent, et qui ne peut mener qu’à la mort in fine [voir le cas des Futuristes italiens, en particulier]), mais déplacer la pensée du déplacement » – de sorte que tout soit changé : « L’événement qui singularise l’animal humain du reste du règne animal vivant et terrestre est l’événement d’appropriation techno-mimétique […] qui se sédimente historiquement en ce que nous connotons sous le terme de “science”. Ce régime appropriateur, recouvrant aussi bien ce que les philosophes désignent candidement comme Bien, se solde presque immédiatement par un régime d’expropriation généralisée, qui est ce que recoupe tout ce que nous désignons sous le terme de “politique”, mais aussi bien du Mal. » À une époque pas si lointaine, on disait que tout était politique ; il faudra désormais se résoudre à dire que tout est pléonectique, c’est-à-dire dépassement : dépassement exponentiel de la quantité d’énergie dépensée, dépassement de la dépense sexuelle non reproductrice, etc. MBK y insiste ici, et c’est sa grandeur, « l’art moderne, seul, a pensé le Mal avec une radicalité qui a longtemps laissé les philosophes sur le carreau, à l’exception des lucidités supérieures comme Bataille, Blanchot, Adorno, Schürmann et quelques autres. » En réalité, et « nous » ne voulions pas le voir, « l’art est devenu ce qu’il a toujours été essentiellement : une exposition intraitable, systématique et, dit-on parfois, complaisante, du Mal pur ».

Ce qui effraie, c’est qu’on comprend alors que le système belhajkacémien suffit à expliquer pourquoi on a assisté au cours des siècles à toujours plus de puissance de destruction, de prédation et de torture, et, partant, de Mal ; toujours plus de tekhnè ne pouvant qu’y conduire – une bombe, fût-elle atomique, doit un jour servir. Pour cette raison même, MBK a depuis ce livre pu prédire (pré-dire) que le XXIe siècle, en matière d’horreur totalitaire et de Mal, serait pire que le XXe, pourtant déjà assez performant en la matière. On l’a vu avec le fascisme sanitaire mondial… Explication : « Personne, nulle part, ne médite comme c’est dans le fruit de notre fonctionnement ontologique le plus intime et le plus foncier, savoir pléonectique, que gît le ver contagionnant du problème : la propension elle-même au dépassement, qui n’est autre, donc, que l’aufhebung hégélien. » En dernière analyse, le pléonectique c’est le dépassement perpétuel ; et le nouveau siècle risque bien d’être encore plus apocalyptique que celui des deux totalitarismes… Aïe !

Katharsis

C’est un lieu commun de la pensée philosophique sur l’art ; mais MBK formule les choses définitivement, et mieux que tout le monde : au travers de la katharsis artistique, « les affects pénibles habituellement » deviennent des « affects absolument jouissifs et libérateurs, et en même temps ils sont conservés, puisque c’est quand même de la Terreur et de la Pitié qu’on éprouve dans l’imitation tragique, face au destin d’Œdipe, Électre ou Antigone » – « sublimation réussie d’affects entièrement négatifs, à la fois supprimés dans leur négativité, et conservés dans leur intensité par la mimèsis artistique en général ». De sorte que « seul l’art est la promesse effective d’une katharsis collective, communautaire, du Mal » ; tandis que la Science est « la malédiction dont l’être humain ne pourra jamais se débarrasser » : fruit défendu de l’Arbre de la Connaissance, de la bombe atomique à l’Agent orange.

Désir

Concept deleuzien s’il en est, MBK en renouvelle l’approche en ce sens qu’il le fait aussi rentrer dans son système d’explication de l’humanité : « Le Désir est la propension de l’étant à l’appropriation » ; et à cause du système du pléonectique, l’Histoire de l’homme est aussi l’histoire d’un plus de jouissance sexuelle et de transgression à travers les âges. « L’homme est l’animal physiquement vidé, exténué, mutilé par la supplémentation techno-mimétique » : parfait portrait psycho-géographique du marquis de Sade en ses prisons !

Jeu

Dans ce chapitre, MBK développe une idée tout à fait originale, et qu’il est à peu près le seul à porter, c’est-à-dire conceptualiser : il s’agirait de remplacer l’égalité, concept anti-pléonectique et donc anti-naturel, qui n’a d’ailleurs abouti qu’à des désastres (stalinisme, Goulag, Khmers Rouges, Terreur révolutionnaire et son corollaire logique : « La Révolution n’a pas besoin de poètes », etc.), par le principe d’équité, que le jeu seul permet d’atteindre (pensons ici au fairplay des grands tennismen) : « L’émulation ludique, c’est le pléonectique devenu, politiquement, non plus “égalité”, mais équité. » Outre que le jeu est la forme du lien social par excellence, il permet de rejouer, sur une table, la chance dont le destin a privés les pauvres et les exploités. Dans le jeu, « chaque citoyen […] joue, au même titre que n’importe qui, et avec les mêmes chances de base » : « Tous égaux ! », du Roi au manœuvre. Moins le prolétaire aura de temps de travail (ou de corvée), et plus il aura de temps de jeu. Dans la société équitable du jeu, « les meilleurs sont récompensés selon leurs mérites », mais « même le plus mauvais, le plus bête et méchant, a le droit de gagner de temps en temps » ; c’est-à-dire « d’exister, dans sa pleine singularité ».

L’humanité n’est pleinement elle-même que lorsqu’elle joue : « Seul le jeu est pleinement la katharein du pléonectique : tous les autres arts sont des katharsis différés, médiés. » De plus, dans le jeu, l’anéantissement de l’autre est joué, feint ; de sorte que « le jeu n’est pas l’irréalisation de la mort », comme le Goulag ou le camp khmer, « mais sa suspension : jouer avec la mort, c’est la différer dans sa Représentation ».

Le rappel de la création du Kriegspiel par Guy Debord, que MBK qualifie de « l’un de ses chefs-d’œuvre », nous donne l’occasion d’illustrer notre texte d’une photographie du penseur en train d’y jouer :

Guy Debord devant son « jeu de la guerre » à Champot en août 1987

Histoire

Il ressort de la lecture de ce « pavé » philosophique un profond pessimisme, dont MBK ne se cache pas tant il se met de lui-même dans une filiation avec les penseurs du pessimisme historique que sont Walter Benjamin et Adorno. « Plus l’Histoire avance, plus les bouleversements qui métamorphosent chaque génération qui se succèdent sont considérables, voire “apocalyptiques”. Telle est la logique semble-t-il implacable du pléonectique. » La Nature n’est que répétition et retour du même, alors que l’étant humain « s’approprie la répétition », dans un constant dépassement de soi. Que faire face à ce constat, si ce n’est être lucide sur l’inéluctabilité de l’advenue du Mal ?

Continuer ainsi à dérouler et analyser les corrélations entre les chapitres de ce livre et le système conceptuel intégral du pléonectique reviendrait à prouver qu’il fait jour quand le soleil luit ; aussi laissons-nous maintenant à la dilection du lecteur le plaisir de découvrir par lui-même les concepts suivants du volume, qui est le chef-d’œuvre de Mehdi Belhaj Kacem, son Éthique, son Mille plateaux, version « Marxisme et schizophrénie », sans toutefois oublier de nommer les titres les plus jouissifs pour la pensée de ses divers chapitres (ou plateaux) : « Mimèsis », « Nihilisme », « Sexuation », « Transgression, « Vérité ».

Baruch Spinoza

Frontispice : Mehdi Belhaj Kacem

Système du pléonectique Mehdi Belhaj Kacem Diaphanes, coll. « anarchies », 1000 p., 45 €