jeudi 24 mai 2012

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Note sur le graphimage

Sun Wei-Shiuan

, Jean-Louis Poitevin

Artiste taïwanaise installée en France, Sun Wei-Shiuan poursuit une recherche transversale sur les relations texte/image qui, pour elle, prennent leur source dans la culture orientale, mais trouvent dans la culture occidentale un écho d’une grande actualité.

Travaillant donc sur ces « symboles-images de l’écriture », elle nomme « graphimage » cette forme d’expression enrichie de connotations culturelles puisées dans l’art contemporain. Le « graphimage » se constitue d’emprunts à la culture classique et à la pensée philosophique chinoise, mais il intègre également des formes de composition et d’innovation contemporaines occidentales. La structure et la forme de l’écriture sont extrêmement rationnelles mais le contenu de l’écriture est, lui, tout à fait émotionnel.

L’expression affective incluse dans la calligraphie chinoise existe en quelque sorte avant la signification du texte. Résonance émotionnelle et esthétique, elle est engendrée visuellement avant de l’être au niveau du sens. Tout l’enjeu de l’expression se tourne donc vers la question de l’équilibre, équilibre qui, de se jouer entre contenu et forme, texte et image, raison et sensibilité, classique et moderne, abstraction et figuration, fend d’une manière renouvelée ces partages ressassés.

Le « graphimage » ne montre pas, il met en scène l’ambiguïté de toute relation et en particulier celle qui unit le mouvement et le repos. Car ce ne sont pas des déterminations du corps, mais des noms d’affects incontournables qui, à être pensés comme tels, instaurent une tension au cœur même du « sentiment » qui se répercute comme tension entre les mots et les images.

Le « graphimage » contemporain, qu’on le trouve dans les œuvres d’artistes occidentaux ou orientaux, instaure une perspective élargie sur la question de l’écriture.

Pour Sun Wei-Shiuan, « le graphimage » participe de cette conviction que « la calligraphie et la peinture partagent la même origine ». Création non-figurative, héritière de la culture traditionnelle chinoise le « graphimage » se combine parfaitement avec certaines interrogations portées par l’art occidental. Le « graphimage » permet de donner sens aux multiples niveaux et multiples dimensions qui traversent les formes d’expression non-figurative, et toutes visent à donner à voir l’impossible même d’une « image au-delà de l’image ».

Dans le « graphimage », les mots ne sont pas des mots et les images ne sont pas des images, et c’est dans le prolongement d’une réflexion sur « la ressemblance de la dissemblance » pour parler avec le grand peintre chinois, Shi-Tao, que cette pratique se situe.

Trois aspects traversent et forgent le travail de Sun Wei-Sihuan, l’encre, le « graphimage » et la fleur. L’encre peut être pensée comme une métaphore du chaos, le « graphimage » comme la tentative de faire exister une « autre image » plongeant au cœur de l’ambiguïté entre mot et peinture, quant à la fleur, elle déploie ses pétales sur le versant d’un lyrisme contenu dans lequel projections d’images mentales et écriture « émotionnelle » s’entrecroisent. Car les fleurs sont des rêves, et l’art n’a-t-il jamais été autre chose que la tentative de donner à un rêve la puissance même d’une caresse ?