lundi 26 février 2018

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Nationale 7

, Céline Bonnarde

Céline Bonnarde photographie sa Nationale 7, comme un peu de son enfance, de son adolescence, une part de notre inconscient collectif. La route des vacances, Oh ! Happy Days, notre road 66 à nous, Boris Vian, Brigitte Bardot… Nostalgie, tristesse.
Elle en parlait depuis longtemps, une sorte de respiration entre deux reportages, comme une sorte de grand-œuvre. Une série documentaire avec un vieux Blad, pour s’ancrer dans l’histoire, de la photo, de la route et la sienne et toujours aussi la nôtre.

Il est parfois singulier de voir comment une rupture amoureuse nous conduit à faire de belles et fortes rencontres intellectuelles et nous pousse à reprendre la route de notre histoire passée, pour mieux reprendre le chemin de notre vie.

C’est ce qui m’a traversée, il y a quelques années. Pensant retrouver mes marques, des repères, j’ai repris le boîtier 6x6 laissé depuis trop longtemps sur l’étagère et suis partie pour un voyage en solitaire sur cette route vieille de centaines d’années, la Nationale 7.
Aussi mythique que la « 66 » américaine, cette Nationale traverse mon histoire personnelle, mon origine, le pays de mes souvenirs.
Point de départ de mon histoire personnelle.

Ma Nationale, comme je pourrais dire ma maison. Non par sentiment d’appartenance, mais plutôt sentiment d’intimité. Je la connais depuis mon enfance cette route.
La maison de mes grands-parents était au bord de la Nationale 7, à Moulins / Allier, bercée par la ligne de chemin de fer Paris-Clermont-Ferrand. Parfois, les dimanches, nous allions en famille chez eux prendre le café. Quand il faisait beau, c’était sous le tamaris dans la cour. Mais la plupart du temps, dans la salle à manger, petite pièce envahie de bibelots et napperons faits par ma grand-mère, avec au centre une grande table à manger.
Nous restions une heure, et puis en repartant, mes parents aimaient s’arrêter dans le magasin de décoration, au bout du chemin. Il fallait juste traverser la Nationale.
Et puis la fin d’après-midi pouvait se terminer chez ma tante et mon oncle, un peu plus haut.
Voilà mes premiers souvenirs de la Nationale 7, vagues, lointains. Mais bien présents en moi. Une trace indélébile, une empreinte.

Et puis il y a eu Paris, les amis. J’ai quitté Clermont-Ferrand, où j’avais commencé mes études, pour partir à la capitale (comme aurait dit mon grand-père !) pour les poursuivre.
J’ai 20 ans. Nos parents habitant en Auvergne, nous redescendions souvent en voiture, par la Nationale, car moins cher. Et puis nous pouvions prendre notre temps. S’arrêter dans les routiers, prendre un café, grignoter quelque chose.

Lors de ce voyage en solitaire, j’ai ancré mon histoire à son port, la maison de mes grands-parents, j’ai retrouvé les images du passé pour nourrir un futur, mais la vie de cette route a changé, elle n’a plus le même succès, la même splendeur. Quoi qu’il en soit, on refait toujours le chemin à l’envers de notre route personnelle, à un moment donné de notre vie, pour mieux poursuivre son chemin.

Je suis repartie sur cette route plusieurs fois ces dernières années Partie seule depuis Paris pour rentrer chez mes parents, j’ai redécouvert tous ces lieux qui avaient animés mes jeunes années d’adulte. Et j’ai eu envie de raconter mes émotions à travers des photographies empreintes d’une certaine nostalgie.

De ce voyage introspectif sont nées ces images qui parlent du passé et du présent en même temps, comme une acceptation des choses et de leur réalité, comme un nouveau départ : ma Nationale 7.

Mon but n’était pas de faire découvrir cette route, mais de partager une partie de mon chemin, une partie de moi-même.
Du plus intime de cette route, comme la maison de mes grands-parents, au plus commun des souvenirs de chacun, comme les routiers.