vendredi 30 septembre 2022

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Mourir à la télévision

Patrick Dekeyser

, Patrick Dekeyser

En beauté, l’espérance !

L’espérance, vertu théologale, est largement oubliée par les non-croyants. Et pourtant, elle irrigue jusqu’au souffle de chaque homme. C’est qu’elle est le signe de l’addiction d’une conscience, cette marque de l’impossibilité de se passer de quelque chose d’insaisissable et pourtant d’extrêmement prégnant. Ici, la chance, la réussite. Là-bas, le grand là-bas, évidemment l’éternité. Celle du ciel d’aujourd’hui, celui que transpercent les écrans.
Ce qui est, ici, mis en oeuvre permet d’appréhender le saut "quantique" en quoi consiste l’espérance. Il se produit au cours d’une expérience verbale quasiment "pure". L’apparente banalité de l’autosatisfaction individuelle affichée se mue en un château de sable de grande hauteur "consacrant" dans son invention même la construction imaginale qui est au coeur de chaque prise de parole humaine.
Parler, ce n’est pas dire, ni faire, c’est lancer vers le miroir du lointain une intention incomplète voire entachée d’impossible, dont on attend, sans parvenir à se le dire, qu’elle revienne complétée. Comment et par qui ou par quoi importe peu.
Ce qui compte, c’est qu’elle revienne percuter le moment de l’énonciation et confère à celui-ci la dimension d’extase qui est le coeur battant de tout "dire". Car l’extase est la source et le résultat de chaque envol que l’usage des mots nous propose, nous impose.
Qu’elle prenne la forme d’une image ou d’un songe, d’un poème ou d’un cri, d’un silence ou d’un aveu multiplié par l’infini de l’alphabet télévisuel, la vie explose lorsque l’intention fait retour, boomerang instable concaténant ainsi l’instant avec celui qui l’a, quoique déjà oublié, de si près, si brillamment précédé.
Alors, sur l’écran des pensées, on voit prendre "corps" le mouvement qui conduit du balbutiement auto-satisfait à la perte complète de la mémoire. Ce mouvement est celui même d’une vie. Et cette vie n’est rien de plus, mais rien de moins, que le mouvement illimité de cette extase en perpétuel accomplissement que l’on nomme espérance.