jeudi 29 juillet 2021

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Les modernes (2021)

, Pascal Hausherr

La période actuelle est soumise et de peu de tendresse. C’est l’éternel retour de la crise. La raison, d’ordre strictement social et politique, est liée à un isolement qui désappointe. C’est une fatigue, la lassitude d’une âme désolée face à un monde désolant. Mais qui peut dire qu’à un moment donné il n’a jamais pensé avoir fait le tour de la question. Faut-il se taire alors que trépigne indéfectiblement le nerf de la guerre ?

La période actuelle est soumise et de peu de tendresse. C’est l’éternel retour de la crise. La raison, d’ordre strictement social et politique, est liée à un isolement qui désappointe. C’est une fatigue, la lassitude d’une âme désolée face à un monde désolant. Mais qui peut dire qu’à un moment donné il n’a jamais pensé avoir fait le tour de la question. Faut-il se taire alors que trépigne indéfectiblement le nerf de la guerre ?

Je vois à ordonner les mots la tranquillité gagnée. Photographier est ma maison où j’accroche sur ses murs la révolte et la beauté j’espère. J’ai pris parti pour la photographie mais il m’arrive de douter de ce que j’obtiens. C’est peut-être dans l’incertitude et dans l’ambiguïté que se tient mon art. La difficulté, c’est d’admettre que c’est à vous seuls d’en juger. Vous voyez d’ici l’inquiétude que ça cause !

Ceci dit, je veux aujourd’hui n’avoir d’autre préoccupation que d’affronter l’objet, sans trop de détour, et me contenter de photographier les choses du monde telles que je les vois. Pour cela, et fidèle à mon habitude, je me suis imposé un unique format horizontal, un téléobjectif comme optique photographique. Et puis un titre, un livre en cours : Les Modernes ; non plus là une contrainte mais une forme libre.

La photographie est affaire de croyance. Elle fait événement quand s’articulent représentation de l’objet (l’image) et relation au sujet (le spectateur). Qui est pris dans l’histoire ? Sans jouer sur les mots, ça parle de plaisir. C’est pour cette raison que le livre, à mon sens, est bien apte à nourrir un langage photographique, une langue qui sans plus la tirer est déjà une histoire de goût et de toucher, une histoire de l’œil.

Mes photographies véhiculent des extraits de mon corps parce qu’elles ont transité par lui. En l’occurrence, j’aurais souhaité me placer sous l’éclairage des écrits de Bernard Noël. Enfin, permettez-moi d’oser cet aveu : je ne me remets pas de sa mort toute récente. Davantage encore que l’amitié dont il a su à une époque plus tardive de ma vie m’entourer, il fût poète à me donner mes premiers mots.

Quoi qu’il en soit, que soit ici remerciée la revue TK-21 pour son accueil amical et pour nous permettre de fêter communautairement ses dix ans — le plus bel âge, l’enfance de l’art. Tout commence de nouveau.