dimanche 26 juillet 2020

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Latence d’un palimpseste

, Ibn El Farouk

Avec Palimpseste, Ibn El Farouk poursuit sa quête de l’image "absolue" celle qui naîtrait en quelque sorte de l’envers de l’image, telle que nous la concevons, celle qui parlerait la langue de l’ambivalence et de l’ambiguïté mêlées, celle qui frôlant en permanence le moins que rien parviendrait à révéler et à prouver l’existence d’une image dans l’image éternellement non vue, éternellement à venir, éternellement active aussi dans les strates inaccessibles du rêve.

« Voir, est-ce oublier ce que l’on a vu ? »
Edmond Jabès, Le Livre des Questions 1

Il s’agit avec ce travail qui s’octroie comme titre Palimpseste de faire émerger des images dormantes, des images en rapport, à priori, avec « rien », c’est-à-dire sans lien avec le réel, mais néanmoins des images présentes dans le matériau même. Les faire émerger à la manière d’un sculpteur qui dégage une forme déjà latente au/du fond d’un bloc de marbre. Il s’en suit alors que les images témoignent seulement de leur propre création, celle dont elles sont nanties. Il y est plus question de réminiscence photographique de type barthésien, où l’image ne se confond plus avec son référent, où elle n’est plus un index.

Monotype # 2, 75 x 50 cm, 2119

Le tirage argentique (analogique) n’est pas seulement un réceptacle direct d’image ; il peut aussi être une matière photographique brute (après fixation) susceptible de révéler fortement d’autres éléments (traces), que ce processus chimico-optiques porte en lui, une sorte de genèse avant l’image, d’archéologie faisant resurgir une histoire enfouie dans le matériau (corps photographique).

Le mouvement n’est plus extérieur mais intérieur, et ce pour la simple raison que les tirages en question existent depuis presque deux décennies, des tirages qui témoignent d’un vécu, d’un parcours (accrochage, de déplacement, de voyages et aussi de critiques..), bref ce que Umberto ECO nomme « L’Opéra Aperta », L’œuvre ouverte [1], quand l’œuvre est une réserve inépuisable de possibilités de significations, en perpétuel mouvement.

Monotype # 3, 75 x 50 cm, 2119

C’est une remise en question des valeurs établies et des certitudes instaurées comme telles. Il s’agit d’une Latence d’un palimpseste en devenir, constituant autant de possibilités d’inventions, d’une identité qui dépasse le simple geste d’un tirage technique.

Avec un traitement, manuel et aquatique (bains), la forme esthétique s’avère qu’elle n’est prédéfinie, et montre qu’elle est l’aboutissement d’un processus technique dans le temps. Une reconquête et un retour aux sources même de cet objet chimico-optique. Ce mouvement intérieur, cette reconquête par élimination, effacement et vaporisation dure dans le temps-espace plus longtemps que l’opération de révélation/fixation (Epiphanie). Edmond JABES avait dit : « En ouvrant les yeux, nous avons trouvé le monde et, maintenant nous le cherchons ».

Monotype # 5, 75 x 50 cm, 2119

Palimpseste se veut une confrontation d’un monde réel avec un monde caché créant ainsi son propre objet à l’intérieur de lui même, un lointain intérieur.

LAVOISIER avait déjà révélé ceci : « Car rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans la nature, et l’on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération : que la quantité et la qualité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications [2]. »

Monotype # 6, 75 x 50 cm, 2119
Monotype # 8, 40 x 30 cm, 2117
Monotype # 9, 40 x 30 cm, 2117

Notes

[1ECO Umberto, « Opera Apert », L’œuvre ouverte.

[2LAVOISIER Antoine, Traité élémentaire de chimie, chapitre XIII, 1789.

Frontispice : Monotype # 4, 50 x 75 cm, 2018.