L’Ultime Etat

Photographies, collages argentiques et texte de Alain Brendel

De la même manière que certains ramènent des photos de leurs voyages, les séries « Entropie » et « La migration des sels d’argent, du visible qui ne cesse de s’effacer » sont un voyage dans l’inconscient et le subconscient, dans la mémoire de la photographie et l’univers des sels d’argent d’où l’on ramènerait des images.

La photographie est plus souvent utilisée pour enregistrer et reproduire que pour son caractère strictement photosensible (noircissement d’un film ou d’un papier photo directement par insolation).

Opérer un bouleversement dans l’organisation des sels d’argent noircis en dégradant des négatifs, des positifs ou par l’intermédiaire de collages/assemblages, permet de commencer ce voyage.

Un voyage où la vie magique des formes, des ombres et des lumières au repos, semble en mouvement et donne à voir dans l’obscurité ce qui ne peut être perçu ou nommé, à la recherche d’une voie vers l’imaginaire, élargissant le champ du possible où l’œuvre est là, seule, preuve physico-chimique d’une tentative sans cesse renouvelée de révéler une part d’invisible.

Cette tentative, peut-être vaine, de contrarier un principe naturel, dans lequel les informations se désagrègent progressivement, mais se faisant en produisent d’autres, est aussi, une manière d’échapper à la redondance des photographies.

Écrire littéralement avec la lumière permet un dépassement du processus photographique habituel, d’élargir le champ de création et de mettre en images, durant le chemin parcouru, l’imprévu ou le pressenti.

Cette métaphore de l’entropie, de la tendance générale de l’univers à se désordonner de façon croissante, est un moyen d’analyser le processus photographique, de montrer comment il y a passage de la photographie à l’image en mettant en perspective deux processus de création d’images :

— images pour collages argentiques, usage transversal,
— images photographiques (usage d’un film, insolation puis tirage).

Ces œuvres témoignent d’un principe temporel, du cycle de la vie d’une œuvre — le temps qui passe, la pérennité d’une œuvre — et entrent dans un processus conduisant à un ultime état.

La photographie nous signifie en silence qu’il faut un œil pour l’entendre.