dimanche 28 octobre 2018

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Jaune Cauda

« LA TE LI ER »

, Guillaume Basquin et Jacques Cauda

Il y avait le jaune cadmium, Jaune le soleil (film de Marguerite Duras, qui excella plus dans le cinématographe que dans l’art littéraire, cela ne se sait pas encore assez) ; il faudra maintenant compter avec le jaune-Cauda.

« Chez l’animal, le jaune s’oppose merveilleusement au noir : la guêpe, le zèbre, le tigre et le dronefly. C’est la couleur du gai savoir » (visuel). Comment l’obtient-on ? Eh bien, par cut-up tout à fait burroughsien (toute couleur chez le peintre inventeur du mouvement surfiguratif (j’y reviendrai) étant un palimpseste) : « Le Tournesol correspond / On extrait ce colorant des graines au deuxième grand bleu végétal. » Comment ? Le jaune, c’est (aussi) le bleu ? On n’y comprend plus rien… C’est-à-dire que le bleu est complémentaire du jaune. En plus d’être l’une des trois couleurs fondamentales avec le rouge. Rouge ? Oui, comme dans : « Le kermès un insecte qui donne un rouge écarlate réside sur les chênes kermès / broyées et la poudre obtenue est soluble dans l’eau / On obtient un rouge équivalent au rouge vermillon / mélangeant avec du vinaigre et du citron » (on revient toujours au jaune-Cauda). Cette syntaxe n’est pas très orthodoxe, me direz-vous !? Oui, mais après Brion Gysin, tout est possible, non ? Comment ? Vous ne saviez pas ? Le collage ne vous dit rien ? Même les papiers-collés de Picasso, vous n’en avez jamais entendu parler ? Vous avez cru sur parole ce mauvais écrivain français, Michel Houellebecq, qui déclara n’aimer pas sa peinture ? Mon Dieu ! Tout est à reprendre à zéro. La bibliothèque est toute en désordre. Le Musée aussi. Reprenons : « Ce sont les femelles qui sont à l’origine du rouge carmin. » Ça se précise : le beau souci de Jacques Cauda est d’écrire comme on peint (ou de peindre comme on mécrit) : « J’écris de la peinture et je dessine de l’écriture », écrit-il dans sa vraie-fausse interview collée au milieu de son livre de vrai peintre (livre obscur !). Mais encore ? « La cochenille du Nopal est un insecte qui se développe sont à l’origine du rouge camin [encore un faux raccord !…] sur les figuiers de barbarie La pourpre est issue d’un liquide jaune fermenté provenant dont l’invention est attribuée aux Hébreux d’une glande extraite d’un mollusque le Murex L’encre de Séche » (c’est moi qui souligne). Cut.

Vous l’aurez compris : LA TE LI ER est un livre de peintre embourbé jusqu’au cou dans la (sale) matière : « noir de cep de vigne carbonisé », « boyaux de toutes les couleurs », « entrailles de toutes les formes », pastel à l’huile (hum… pas très contemporain (content pour rien ?), tout ça !), « fer manganèse cuivre sulfures de mercure zinc de cadmium ou de plomb noir galène carbonates de calcium », etc. Pas très vegan, le Cauda ! Qu’en dit la COP21 ? Ces produits — très polluants — ne sont-ils pas déjà tous interdits ? Nous voulons de l’art en plastique ou polymères recyclables, façon Xavier Veilhan ou Jeff Koons !

Jacques Cauda a lu Jacques Henric et Philippe Sollers (qui, eux-mêmes, ne le semblent pas vouloir lire — mais ceci est une autre histoire, celle de la stérilité de notre temps sans pères — celui où nous tournons dans la nuit et sommes pris dans la glace de la stérilité considérée comme un des beaux-arts) : « Les femmes sont les rouages du voir. » Le « ça-voir » est à l’origine de tout sa-voir/savoir. Il faut accepter de regarder/voir, même l’horrible, pour accéder au gai savoir visuel/text(sex)uel : « Je la [Geneviève — un modèle du peintre] réveille en fanfare. Avec une fourchette plantée artistiquement dans l’œil opposé au pied coupé [précédemment, pour une étude anatomique]. Ça fait une jolie diagonale, une ligne de fuite à suivre. » Ce passage justifierait-il à lui tout seul l’existence de la nouvelle collection que dirige Philippe Thireau chez Z4 éditions, « La diagonale de l’écrivain » ? La perspective comme péché originel de la peinture occidentale ? Allez savoir…

« Avale et tu verras ! » : telle semble être la seule métaphysique toute matérialiste, non pas du philosophe (coucou, Michel Onfray, dont le seul bon livre s’appelle Le ventre des philosophes — et qui depuis fort longtemps s’est perdu dans des livres de ressentiment contre de bien plus grands artistes que lui), mais du peintrécrivain Cauda : « J’enfourne le globe oculaire qui croque mou sous ma dent. Manducation. » Le goût est le nec plus ultra de l’intelligence, disait l’auguste comte dit « de Lautréamont »… Vous reprendrez bien une part avec l’autre œil restant ? Il faut affiner ses/nos sensations…

Un dernier mot sur le mouvement surfiguratif fondé par Cauda pour lutter (à mort) contre la fin toujours annoncée de la peinture : « Telle est l’ambition du peintre surfiguratif : redonner un regard au monde aveuglé où rien n’existe plus désormais en dehors de son image aveuglante, en un mot : surfigurer ! […] Le monde est devenu une image et le peindre, c’est réécrire cette image. » Jacques Cauda, adepte paradoxal des théories de Guy Debord ? Voire… Mais, voyez :

« LA TE LI ER » de Jacques CAUDA, Z4 éditions, 100 p., 9,50 €

Daniel Ziv
Le Monthury
39300 Les Nans
France

https://z4editions.fr/