mercredi 25 juin 2014

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Jean-Francis Fernandès n’est pas un inconnu et pourtant, il semble que l’histoire, une histoire sociale, une histoire de classe, une histoire de regards, s’écartant comme on fuit quelque chose qui nous dérange, s’acharne et le maintienne hors des zones de visibilité dans lesquelles elle tend à ceux qu’elle a élus le miroir de la reconnaissance.

Jean-Francis Fernandès est un photographe, un grand photographe, dont les images fouillent la trame d’ombre qui nous hante, comme individus, comme société, comme habitants des villes. Il a aussi, dans sa prime jeunesse, réalisé des films aussi radicaux que remarqués à l’époque, des films courts mais brûlants comme sont brûlantes les blessures que la vie vous inflige et qui ne referment jamais.

TK-21 LaRevue a décidé de rendre à cette œuvre multiple et foisonnante une visibilité dont elle est en quelque sorte privée par l’un de ces diktats secrets mais d’une efficacité redoutable qui font que si vous n’appartenez pas à tel ou tel cercle, vous n’appartenez donc à rien et vous méritez, comme on mérite, dit-on, une punition, de ne pas être entendu de Dieu, de ne pas trouver de place dans les étagères de la reconnaissance.

En effet, il existe non seulement un homme mais une œuvre, une œuvre immense, une œuvre complexe, riche. C’est aux images qu’il a réalisées que nous entendons, au cours de ces prochains mois, sans exclusive, donner la place qu’elles méritent.
Nous avons initié ce voyage par une brève présentations de quelques-unes de ses photos dans le numéro 32 de TK-21 LaRevue, mais cette fois c’est de manière conséquente et continue que nous allons donner à voir ses images.

Nous commençons ce voyage dans le monde dur et sombre mais rayonnant d’humanité de Jean-Francis Fernandès par son premier film tourné lorsqu’il avait seize ans en 1969 et qui lui valu aussitôt une reconnaissance réelle de ses pairs comme du public. Rappelons pour mémoire que ce film, Et après, a reçu des récompenses nombreuses comme le Premier prix au Festival du film du Val de Marne, aussitôt après sa sortie et à été diffusé aux journées de cinéma - Autour de « La ville et l’enfant » au Centre Georges Pompidou en Février 1978.

L’argument est simple : dans le décor impressionnant d’un château en ruine, erre un garçon solitaire qui a fugué d’un orphelinat. Le monologue, souvent tragique, s’harmonise avec les images. Ce premier film a été entièrement réalisé par les adolescents.

À travers ces images et les paroles que le jeune homme crache comme on le ferait d’un caillot de sang, c’est toute la logique de l’abandon qui se décline à travers la mise en place à l’image de l’équivalent plastique d’un labyrinthe mental duquel il semble impensable de sortir.

Chaque film, chaque image, chaque œuvre de Jean-Francis Fernandès est un cri lancé contre l’ordre social, contre l’indifférence du ciel et des hommes (à quelques exceptions près, de celles qui font la vie mériter d’être vécue néanmoins). Et en effet, dans ce premier opus magistral, on entend à travers la voix et le corps de ce jeune homme, toute une époque prendre la parole. Mieux qu’un documentaire, mieux qu’un souvenir personnel, ce film est la mise en abîme d’une désespérance qui se sublime en œuvre.

Ce film de Jean-Francis Fernandès de 1969 a été récompensé à maintes reprises et a été ont salué pour sa vigueur et sa nouveauté.