dimanche 30 septembre 2012

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Descente de croix

Joël Roussiez

, Joël Roussiez

Hommage au tableau Descente de croix de Rogier Van Der Weyden

roger van der weyden

Ayant tué le Christ, lui nu descendu de la croix précieusement par les magistrats et les juges, ceux qui habillés de brocarts précieux d’argent et d’or ont le visage contrit et sérieux, regrettent au fond d’eux-mêmes ce qui a eu lieu. Chacun tient une partie de ce corps maigre et alangui et regarde la chair blême, son regard s’y perd, ses yeux s’y noient, sa vue se trouble des larmes retenues qu’il contient, qui ne peuvent ni ne veulent couler au malheur de celui qui annonçait la venue de la joie... Au malheur, quelques femmes pleurent, heureuses celles qui le peuvent ! Le corps est présenté nu et amolli, c’est le corps de l’homme avec son poids de viande qui repose sur l’habit damassé aux surplis de velours protégeant les genoux d’un prélat. Et sur les bords les femmes qui n’ont pas accès au corps de l’homme nu qu’on descend, s’écroulent, l’une à genoux qu’une main tente d’apaiser, l’autre encore debout dont le torse et les jambes faiblissent déjà...

Heureuse, je regardais ses pieds percés et la plaie rouge du sang coagulé, malheureuse mes jambes mollissaient ; agenouillée heureuse, je fermais les yeux et la souffrance alors me lacérait. Une femme et puis l’autre, et d’autres encore la tête penchée enturbannées et tristes comme de beaux vases. Des hommes précautionneusement, le visage affligé et l’air recueilli, veulent allonger le corps, ils touchent la chair froide, il faut bien le porter. Voici, on vous présente ce corps, c’est le corps qu’on a tué et nous le regrettons. Les hommes sont des magistrats, ils penchent la tête vers le sol, quelque chose leur pèse, ils ont fait le jugement, mais les lamentations ne parviennent pas à leur bouche ; elle se perdent dans leur corps un peu lourd de vieillards... Deux têtes penchent à la manière de celle du défunt, elle en ont pris le mouvement mais ne peuvent l’exagérer et laisser aller le poids d’eau et d’os qui renverse celle de l’homme Christ comme s’il dormait plus profondément encore, au-delà de la vie et sans être mort.

Descendre de la croix un mort n’est pas facile surtout quand on a du chagrin, quand on regrette la brutalité des choses qui nous emportent, toutes entières contenues dans ce corps lourd qui glisse, qui pèse dans nos prises mal assurées qui ne veulent pas ce qu’elles font, refusent le poids du monde et voudraient prier... Pardonne-nous, nous ne nous sommes pas faits... Et tous contrits, et comme pris en faute, qui penchant la tête, pleurent sans larme tout autour du corps nu que peignit Van Der Weyden : tu plies le genoux gauche et courbe un peu le torse, remet le surplis de manière à ce qu’il couvre le pied, n’est-il pas bizarre ce pied nu au-dessus de sa main ? En guise de corps, on prendra un lourd drap mouillé ou bien une tenture ; prends bien soin de le porter à deux endroits ; comme cela te va bien de pencher la tête ; arrange le turban, c’est bien qu’il soit blanc... Et maintenant tous, ils ont la pose.

Roger van de weyden