lundi 2 novembre 2020

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Covid-19 : anatomie d’un désastre

Anatomie d’une crise sanitaire

, Guillaume Basquin

Jean-Dominique Michel, anthropologue suisse de la santé et professeur d’université, a suivi jour après jour la crise, et l’a décryptée en temps quasi réel pour son blog

« J’ose » pour titre à cet article le titre même que voulait l’auteur, Jean-Dominique Michel, anthropologue suisse de la santé et professeur d’université, pour son ouvrage, mais que son éditeur, humenSciences, a refusé pour des raisons commerciales et éditoriales. Mais qu’on ne s’y trompe pas ! le désastre annoncé n’est pas, malgré la propagande médiatique internationale qui a encore cours à l’heure où j’écris ces lignes, le nombre assez élevé des victimes, mais bien plutôt les réactions à la fois gouvernementales et médiatiques de panique totale devant ce virus à complications respiratoires somme toute modeste au regard de l’Histoire.
Dans un entretien [1] de plus de deux heures entre le philosophe Bernard-Henri Lévy et le désormais très célèbre Professeur de l’IHU de Marseille Didier Raoult, le philosophe nous rappelait fort à propos, et après Freud, que si l’inquiétude est utile et fertile pour progresser, la peur, elle, est très mauvaise conseillère. Or il n’a presque été question que de cela dans les espaces politiques et médiatiques depuis début mars : la peur, la peur, la peur… Comment manipuler la peur pour éviter autant que possible la contagion redoutée ?

Jean-Dominique Michel a suivi jour après jour la crise, et l’a décryptée en temps quasi réel pour son blog hébergé par La Tribune de Genève, Anthropo-logiques ; c’est par lui que j’ai personnellement appris l’existence d’un traitement qui semblait marcher, la fameuse association d’hydroxychloroquine et d’azithromycine que pratiqua le Dr. Raoult tout au long de l’épidémie, dans un texte au titre rassurant, en pleine inquiétude mondiale, sur son blog personnel : « Covid-19 : fin de partie ?! » [2]. Ce livre est la somme, pour l’instant il me semble indépassée, de ses réflexions. Sa formation d’anthropologue lui permet, il me semble, d’éviter l’écueil des biais d’analyse des « professionnels dans leur profession » : l’infectiologue-d’État veut éviter la contagion, et doit donc nous effrayer ; le partisan de la Terreur-comme-en-93 Emmanuel Todd veut terroriser les puissants ; l’anti-mondialisation gauchiste ou d’extrême-droite veut arrêter ladite mondialisation, et la rend responsable de cette pandémie (comme de tous les autres maux) ; le médecin, par un discours trop technique, nous largue en cours de route ; l’écologiste veut à tout prix faire parler (quelle idée !) ce virus (être inerte et à peine vivant, sûrement apparu lors du Big Bang, ou juste après), et l’entraîner à être une sorte de punition naturelle à l’exploitation de la Nature par l’homme, alors que Bernard-Henri Lévy, dans son ouvrage salvateur très récemment paru chez Grasset, Ce virus qui rend fou, nous enseigne ceci : un virus, ce virus en particulier, n’a rien à dire. De plus, ils existent depuis les premiers livres de la Bible, et sans doute depuis le Big Bang, comme je l’ai déjà dit… et, au temps du transport à dos de chameau, la peste bubonique était tout de même arrivée à passer de Chine en Europe via la Route de la soie. Juste une question de vitesse, donc… Aussi vite répandue, aussi vite disparue (tout du moins, espérons-le…). La pratique de l’anthropologie depuis 25 ans, disais-je, permet à Jean-Dominique Michel de balayer tout le champ d’analyse de cette crise mondiale sans précédent depuis au moins ma naissance, en 1969 : infectiologie, médecine, économie, systèmes de santé, défenses immunitaires, confinement très politique et jamais prouvé scientifiquement, dégâts collatéraux, etc. Michel n’est pas un infectiologue ; on le lui a suffisamment reproché, alors que c’est « parfait » : au lieu de penser à partir de sa seule petite personne forcément limitée trop limitée, il étaie sa réflexion sur les analyses des meilleurs spécialistes mondiaux : comme Walter Benjamin autrefois, il n’a « rien à dire », « mais tout à montrer » : « N’importe quel professionnel un peu rigoureux aurait pu tenir les analyses que j’ai partagées. Je n’ai bien sûr rien inventé, je ne fais que mon travail qui est de relier entre elles les données dont on dispose » : travail de montage s’il en est !

L’anthropologue, qui étudie la dimension sociale de l’homme et donc d’une épidémie, est « par définition », ou plutôt « par respect en la déontologie de [sa] discipline », « un agnostique », c’est-à-dire qu’il s’intéresse « inconditionnellement aux récits et à la vision du monde de chaque culture qu’[il] étudie, sans violente celle-ci par [ses] propres croyances ». Ce faisant, il ne se « ferme pas à toute pensée divergente », comme le fait trop souvent l’idéologue ou le libertaire (voir supra)… Nous arrivons maintenant au cœur du sujet : « Aux idéologues de la “médecine scientifique”, Didier Raoult a rappelé sèchement le paradigme authentique de l’infectiologie clinique » : en temps d’épidémie (et non de « guerre », comme a cru bon de nous l’asséner notre Président de la République : « Ce n’est pas une guerre, nous ne pourrons jamais vaincre ou éradiquer cette chose. Nous prémunir contre ses dégâts si, puis nous aurons à apprendre à vivre avec elle. Ce qui réclame une autre intelligence que celle des slogans martiaux sanitaires…. »), il faut agir vite, et faire (du latin faber : « bien fait, ingénieux, habile », mais question avant tout éthique hic et nunc : on ne peut pas, on ne doit pas, laisser les gens mourir chez eux, seuls, dans de tels cas : pas d’« étude randomisée en double aveugle » quand on tient un traitement qui sous vos yeux électroniques fait diminuer la charge virale en quelques jours et que ceci a déjà été démontré pour le SRAS par plusieurs études et par les Chinois dès le mois de février pour le nouveau coronavirus), c’est à dire prodiguer des soins au mieux de nos connaissances du moment. À part à Marseille et à Garches, ce faber n’a pas été fait, il semblerait…

Jean-Dominique Michel

Dans son introduction, « Introduction : la théorie des catastrophes », Michel distingue deux types de catastrophes : la première est « un événement imprévu, massif, dévastateur, qui déferle soudainement et détruit tout sous son passage » ; la deuxième résulte à l’inverse d’une accumulation d’incidents ou d’erreurs de faible ampleur, mais qui dans une dynamique cumulative en viennent à obtenir des effets délétères sans commune mesure avec aucun des éléments pris isolément » (et selon les théories désormais fameuses de James Reason in The Contribution of Latent Failures to the Breakdown of Complex Systems). Tout le livre de Michel n’est qu’un déroulé de la somme des ces erreurs d’appréciation qui furent une somme d’erreurs de représentations pour parler comme Reason, et qui ont entraîné une catastrophe du second type. Déroulons pour notre argumentation certains des titres et sous-titres de ses chapitres : « L’apocalypse microbiologique » ? — non : ce virus est relativement banal et nous finirons à vivre en symbiose avec lui comme avec tous les autres coronaviri ; « Le taux de létalité est fortement surévalué » (l’OMS disait 3,5%, alors qu’il s’avère être autour de 0,2-0,3%, ce qui change la donne du tout au tout), d’où ont découlé des réactions absolument disproportionnées : lockdown de la moitié (sic !) de l’humanité ; « Prisme déformant des médias » ayant entraîné un emballement absolument effroyable et encore aujourd’hui hors de contrôle ; « Absence de mise en perspective des données » : « Alors que le monde entier panique, ne faut-il pas rappeler que la mortalité annuelle due à la pollution atmosphérique est de 790 000 personnes en Europe chaque année […] ou encore « que les maladies respiratoires infectieuses “courantes” font 2,6 millions de morts tous les ans à l’échelle planétaire ? » ; « Les projections alarmistes reposent sur des modèles systématiquement surévalués », raison pour laquelle le Pr. Raoult a plusieurs fois et très opportunément rappelé les pensées prophétiques d’un Jean Baudrillard : le monde médiatique devient avec l’électronique et les communications instantanées un monde parallèle qui n’a plus rien à voir avec les données observables (comme on l’a vu) ; « Un virus d’une certaine “banalité” » : refus absolu d’entendre cela chez la plupart des internautes ; « Nous avons toutes les raisons d’espérer en l’immunité de groupe et l’effet d’atténuation » : même refus catégorique, alors que les données réelles en Suède pour l’immunité et en Italie ainsi qu’en Floride pour l’atténuation lui donnent déjà raison ; « Les perspectives de traitement sont bonnes » : interdiction (criminelle ?) du seul traitement qui marche en France et en Suisse ; « Blouses blanches et corruption » : « On a ainsi pu observer que les plus virulents opposants au protocole de Marseille (basé sur deux médicaments peu coûteux et efficaces) étaient bénéficiaires des largesses de Gilead, une société espérant, rappelons-le mettre sur le marché son antiviral remdésivir au prix de 900 1 000 dollars par patient » (en réalité et in fine, entre 2 et 3 000 dollars selon les pays) ; etc. etc. Tout cela commence à faire franchement froid dans le dos, non ?… mais il faut accepter de lire (et d’apprendre, toujours apprendre, pour essayer d’aider à faire mieux la prochaine fois) : c’est la réaction de l’homme, disproportionnée, associée à une corruption que Michel qualifie de systémique (où « nul en particulier n’[y] est pourri : le système l’[étant] dans son ensemble, d’une manière qui contraint chaque acteur à s’y résoudre, mais sans avoir à y participer activement ») qui ont entraîné la catastrophe passée (morts par manque de soins, de tests, d’isolements de type « lazaret », et non pas « quarantaine » (on sait que tout le monde finit contaminé, comme ce fut le cas dans les bateaux et autres porte-avions)) et qui entraîneront mécaniquement celle largement encore à venir : immenses dégâts collatéraux économique et médicaux, sans oublier les innombrables problèmes psychiatriques.

Au cours du livre, on apprend (même si je le savais déjà, le suivant sur Linkedin) que Jean-Dominique Michel a été infecté par la Covid-19, d’une forme disons moyennement grave avec gêne respiratoire au bout de dix jours, et qu’il a réussi à se soigner en se procurant de l’hydroxychloroquine sous le manteau (puisque ce n’était plus délivré dans les pharmacies en Suisse non plus, et malgré une prescription médicale en bonne et due forme !…), qu’il associa au fameux antibiotique du Dr. Raoult. Sans cela, il allait à l’hôpital, et peut-être en réanimation, avec le succès que l’on sait… Cerise sur le gâteau, si je puis dire, nous apprenons que son médecin traitant lui a prescrit l’équivalent du Doliprane en Suisse, du Dafalgan, dont « [il] s’[est] gard[é] de faire usage pour ne pas contrarier l’action antivirale de la fièvre »… Je rappelle tout de même ici que c’est le seul soin qu’on nous a conseillé en France depuis la mi-mars, et qu’on a « prodigué », si je puis dire, à des milliers de vrais malades dont on a donc contrarié la fièvre parfois salvatrice… Tirez-en vous-mêmes les conclusions que vous voudrez…

Au milieu de son livre, Michel avoue se demander « souvent ce que les gens comprennent au fond de ce qui est en train de se passer » ; il devient donc urgent de lire son livre, si ce n’est pas encore fait, car il se pourrait bien qu’il soit d’ores et déjà Le livre de référence sur le sujet. À vous de voir et de vous faire votre propre opinion…

Notes

[1« Sentinelles des libertés : Ce virus nous rend-il fous ? », visible sur la page Facebook du Barreau de Paris.

Voir en ligne : https://jdmichel.blog.tdg.ch/archiv...