samedi 30 avril 2022

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Aldo Caredda #26

Lost in the supermarket #26

, Aldo Caredda

Aldo au Musée d’Orsay

TK-21-130 - Aldo Caredda LOSTINTHESUPERMARKET #26, Musée d'Orsay from TK-21 on Vimeo.

Ainsi sans doute sera ce qui doit être.
On se souvient du premier vers du poème de Baudelaire intitulé Correspondances : La nature est un temple où de vivants piliers…
C’est là. Nous y sommes ! Nous ne pouvons y être que parce que nous avons inventé les piliers et les temples.
Donc nous y sommes ! Malgré tout ! Malgré nous !
Et nous ne pouvons y échapper.
Et parmi ces immenses constructions nées de cette invention continuée, il y a le musée, antre des muses et prolongement carcéral d’un désir inassouvi de compréhension partagée.
Nous y sommes. Nous y sommes même en plein puisque ce rêve de l’humanité bavarde apparaît sous nos yeux dans son expression la plus radicale : piliers, porte de séparation entre ombre et lumière et lumière envahissant l’ombre comme s’il s’agissait de tenter de faire en sorte qu’on ne l’oublie pas. Car les maisons des hommes sont pleines d’ombre et la lumière, toujours inaccessible, épuise les regards.
Et, là, passe alors, voyageur impénitent, passager sans papiers du navire imaginal qui vogue sur la vague du déni, l’homme, unique et indéfini, l’homme vu de dos, celui qui prend en compte ce qu’il est et ce qu’il n’est pas, celui qui est parvenu à réduire à l’essentiel le passage sur terre et la rencontre avec l’infini, celui qui va vers le soleil mais s’arrête au seuil entre dehors et dedans, semblant dire qu’il ne veut pas sortir de la caverne.
Celui-là sait que son geste est le plus inutile des gestes et le seul possible, non pas seulement aujourd’hui ou hier ou demain, mais le seul possible parce que c’est ainsi : il n’y a pas d’autre partage qu’entre ombre et lumière et pas d’autre site pour l’homme que de se tenir là, juste à la frontière, juste sur la ligne pieds dans l’ombre, yeux aveuglé de blanc, juste à cet endroit précis où vibre la rencontre. Là est déposée l’empreinte. Là se joue l’effacement.
Alors, tout se met en branle et, en effet, s’ouvre le moment incertain mais prégnant où les parfums, les couleurs et les sons se répondent.