dimanche 27 février 2022

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Aldo Caredda #24

Lost in the supermarket #24

, Aldo Caredda

Aldo au Musée de la chasse

Aldo Caredda, LOST IN THE SUPER MARKET #24, musée de la chasse from TK-21 on Vimeo.

Foule minuscule, mais foule quand même, babillant. L’ombre qui de dos envahit un bref instant le champ s’impose peu après, repoussant vers les bords les visiteurs comme le fait l’arrivée d’un plus gros poisson dans un banc de sardines. Le dos d’homme apparaît dans un double cadrage, celui de la caméra, mais aussi celui de la vitrine, un modèle ancien, en verre, tout en hauteur, à travers laquelle on peut tout voir de ce qui l’entoure, y compris, évidemment, ce qui se trouve à l’intérieur.
Pas de risque, on le sait, puisqu’on est dans un musée, le Musée de la chasse et de la nature, que les fusils qui y sont rangés avec ordre soient chargés. Donc qu’importe que quelqu’un puisse s’en emparer. Ce qui compte, c’est qu’ils soient là à l’image et désignent d’un côté l’ombre agissante de l’homme de dos et de l’autre l’oeil qui regarde, c’est-à-dire nous.
Chacun est d’un côté de la vitrine, chacun s’ignore, chacun se voit. La réversibilité des positions assure la fluidité de la vision et fait oublier le danger.
On en oublie, tant cette fois cela va vite, le geste de la déposition de l’empreinte qui, une fois de plus passe absolument inaperçu de tous. Elle est comme glissée sous le rebord d’une autre vitrine en bois. Geste d’un élève facétieux collant son chewing-gum sous sa table à l’école ? Geste d’un messager adressé à celui ou celle qui viendra chercher le signe ? Peut-être. Reste que dans ce monde figé du musée, enveloppant le babil des visiteurs, on entend soudain les voix des chasseurs, ceux à qui ont appartenu les fusils, lancer en chœur, parce que c’est gai la chasse, un tonitruant « Feu ! » La suite n’a pas été tournée.