dimanche 31 octobre 2021

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1321-2021

700 anni, Una commedia attuale

Dante, La Divine Comédie, 700 ans - une comédie actuelle

, Jonathan Abbou

À l’occasion du 7e siècle de l’anniversaire de la mort de Dante (1321-2021), le 24b s’associe, par sa proposition artistique, à cet événement séculaire international. Au fil des siècles, les plus grands artistes se sont penchés sur l’œuvre du poète et c’est résolument dans une perspective de modernité que Le 24b propose une nouvelle approche issue d’artistes aux profils variés. En s’inspirant de la multitude des situations proposées par le poète, les artistes exposés livrent une interprétation

Gustave Dorée

Peu d’illustrateurs se sont confrontés à l’œuvre de Dante avant Doré dont l’intérêt pour le texte remonte à 1855. L’Enfer a agi comme un révélateur de l’imaginaire fantastique et visionnaire de l’artiste qui, selon les mots de Théophile Gautier, « a inventé le climat de l’enfer ».

Richard Texier, Chaosmos
41x36 cm 2017
LA COMMEDIA, LE PARADIS, CHANT XXX.
- Dixième ciel - Empyrée -
- Fleuve de lumière, fleurs et étincelles -
 
(...) Comme un éclair soudain perturbe
la faculté de voir, et empêche
l’œil de percevoir de plus forts objets,
une vive lumière éclata tout autour de moi,
qui me laissa enveloppé du voile
de sa flamme, et plus rien ne m’apparut.
« L’amour qui rend serein ce ciel
accueille toujours avec semblable salut,
pour apprêter l’âme à sa flamme ».
À peine me furent parvenues
ces brèves paroles, que je compris
que je surpassais mes propres facultés ;
et d’une nouvelle vue je me rallumai
telle qu’il n’est nulle lumière, si brillante soit elle,
dont mes yeux pussent se défendre ;
et je vis lumière en forme de fleuve
resplendissant d’éclats de lumière, entre deux rives
peintes d’un merveilleux printemps.
De ce fleuve jaillissaient de vives étincelles,
qui de toutes parts se posaient au milieu des fleurs,
quasi rubis qu’or enchâsse ;
puis, comme enivrées par les parfums,
elles se replongeaient dans le merveilleux tourbillon,
et si une entrait, une autre en jaillissait.
« Le haut désir qui t’enflamme et te presse,
d’avoir claire connaissance de ce que tu vois,
plus il enfle, plus il me plaît ;
mais de cette eau il faut que tu boives
avant que ta si grande soif soit étanchée » :
ainsi me parla le soleil de mes yeux.
Puis elle ajouta : « Le fleuve et les topazes
qui plongent et jaillissent et les rires de l’herbe
ne sont qu’ombreuse préfiguration de leur vrai.
Non que ces choses ne soient pas mûres ;
mais le défaut tient en ta part,
car ta vue n’est pas encore assez pénétrante ». (...)
John Abbou, purgatoire paresse spirituelle
tirage argentique 34x34cm 2021
LA COMMEDIA, L’ENFER, CHANT XVIII.
- Huitième Cercle - Première Bolge -
- Ruffians (proxénète)- (extrait)
 
(…) Ici et là, sur le rocher brunâtre,
je vis des démons cornus avec de grands fouets,
qui les frappaient cruellement par derrière.
Ah comme ils les faisaient se lever les talons
dès les premiers coups ! Aucun
n’attendait les seconds ni les troisièmes.
Pendant que j’allais, mon regard affronta
celui de l’un d’eux ; aussitôt je dis :
« Celui-ci je l’ai déjà vu. »
Je m’arrêtai pour le dévisager ;
et mon doux maître s’arrêta avec moi,
et consentit à ce que je retourne un peu en arrière.
Et ce flagellé crut se cacher
en baissant le visage ; mais cela lui servit peu,
car je dis : « O toi qui jette les yeux à terre,
si tes traits ne mentent pas,
tu es Venedico Caccianemico.
Mais qu’est-ce qui te mène à de si cuisantes sauces ? ».
Et lui à moi : « Je le dis mal volontiers ;
mais m’y force ton parler clair,
qui me fait souvenir du monde ancien.
Je fus celui qui conduisit Ghisolabella
à faire la volonté du marquis,
quelque soit le récit de cette honteuse histoire.
Et je ne suis pas seul à pleurer Bologne ;
ce lieu en est si plein,
qu’ils sont moins nombreux à apprendre
à dire “sipa” entre la Savène et le Reno ;
et si de cela tu veux foi ou témoignage,
rappelle-toi notre cœur avare. »
Comme il parlait, un démon le frappa
de son fouet, et dit : « Ouste,
ruffian ! Il n’y a pas ici de femmes à tromper. » (…)
Fred Chemama alias Mira, Doute Dantesque
35x20cm avec une Carte SD 2021
LA COMMEDIA, L’ENFER, CHANT XX.
- Huitième cercle -
- Mages et devins - (extrait)
 
(…) J’étais déjà tout disposé
à regarder le fond à découvert,
baigné par des pleurs d’angoisse ;
et je vis par le cercle de la vallée
venir des gens, en silence et en pleurs, marchant
du pas des processions en ce monde.
Comme mon regard se baissait sur eux,
chacun m’apparut tordu de manière extraordinaire
entre le menton et le haut du buste,
car leur visage était tourné vers les reins,
et ils devaient marcher à reculons,
empêchés qu’ils étaient de regarder devant.
Peut-être certains ont-ils été ainsi entièrement
retournés par la force d’une convulsion ;
mais je ne l’ai pas vu, ni crois que cela soit.
Si Dieu te permet, lecteur, de tirer profit
de ta lecture, ou pense en toi-même :
comment pouvais-je garder les yeux secs,
quand je vis de près notre image
déformée à ce point, que les larmes des yeux
baignaient les fesses jusqu’au sillon.
Moi aussi je pleurais tant, appuyé contre un rocher
du dur arc, que mon escorte
me dit : « Es-tu toi aussi de ces autres sots ?
Ici vit la miséricorde quand la piété est morte ;
qui est plus impie que celui
qui au jugement divin éprouve de la douleur ?
Lève la tête, lève-là, et regarde celui
pour qui s’ouvrit la terre sous les yeux des Thébains,
de sorte qu’ils lui criaient tous : “Où tombes-tu,
Amphiaraos ? Pourquoi abandonnes-tu la guerre ?”
Et il ne cessa de tomber vers l’abîme
jusqu’à Minos qui s’empare de tous.
Vois comme il a fait de son dos sa poitrine ;
parce qu’il voulut voir trop en avant,
il regarde en arrière et marche à reculons. (…)
Emmanuel Flipo, La Paradis
217 x 100 cm 2021 Brou de noix sur tissus de Lin
LA COMMEDIA, LE PARADIS,
CHANT XXII.
- Sept et huitième ciel - Ciel de Saturne -
- esprits contemplatifs - ciel des étoiles -
 
(…) L’épée de là-haut, ne tranche ni trop tôt,
ni trop tard, sauf pour celui
qui l’attend avec désir ou avec crainte.
Mais à présent tourne-toi vers autrui,
tu verras beaucoup d’esprits illustres,
si tu porte ton regard comme je le dis. »
Comme il lui plut, je dirigeais mes yeux,
et je vis des centaines de petites sphères, qui
de leurs rayons croisés, s’embellissaient les unes les autres.
J’étais comme celui qui réprime
l’aiguillon de son désir, et ne se risque pas
à interroger, craignant d’abuser et d’être importun.
Et la plus grande et la plus resplendissante de ces perles
s’avança devant moi, pour contenter
par ses dires, mon désir de la connaitre.
Puis j’entendis en elle : « Si tu voyais
comme moi la charité qui brûle parmi nous,
tu aurais déjà exprimé tes désirs et pensées.
Mais pour que, l’attente, ne te retardes pas dans
le noble but que tu poursuit, je répondrai à cette pensée,
que tu gardes en toi et hésite à nous faire connaitre.
Ce mont, qui a Cassino sur le flanc,
fut fréquenté autrefois sur son sommet
par des gens dans l’erreur et de mauvaise volonté ;
et je fus le premier qui y porta
le nom de celui qui sur terre amena
la vérité qui nous élève si haut ;
et tant de grâce brilla sur moi,
que je détournai les gens des alentours de ce pays
du culte impie qui avait longtemps séduit le monde.
Ces autres feux furent tous des hommes contemplatifs
enflammés de cette ardeur
qui fait naître les fleurs et les fruits saints. (…)
Aurelio Fort, Le poète en exil
Papier, plexiglas, fil de coton, encres, 21x32,5 cm, 1993-2005
LA COMMEDIA, L’ENFER, CHANT VII.
- Cinquième cercle -
- Les coléreux - (extrait)
 
(…) Maintenant descendons vers un plus grand tourment ;
déjà s’abaissent toutes les étoiles qui montaient
quand je partis, et trop s’arrêter est défendu. »
Nous recoupâmes le cercle à l’autre rive,
près d’une source qui bouillonne et se déverse
par un fossé creusé par elle.
L’eau était noire plutôt que perse,
et nous, en suivant l’onde grise,
nous entrâmes plus bas par une voie difficile.
Il va dans le marais qui a pour nom Styx
ce sinistre ruisseau, quand il est descendu
au pied de ces malignes rives grises.
Et moi, qui regardais intensément,
je vis dans ce marais des gens couverts de fange,
tout nus, qui semblaient offensés.
Ceux-ci se frappaient non seulement avec la main,
mais avec la tête et avec la poitrine et avec les pieds,
se déchirant lambeau par lambeau avec les dents.
Le bon maître dit : « Fils, tu vois
les âmes de ceux que vainquit la colère ;
et je veux aussi que tu tiennes pour certain
que sous l’eau il y a des gens qui soupirent,
et font bouillonner cette eau jusqu’à la surface,
comme l’œil te le dit, où qu’il se tourne.
Enfoncés dans le limon, ils disent : “Tristes nous fûmes
dans l’air doux que réjouit le soleil,
ayant en nous une fumée morose :
maintenant c’est la boue noire qui nous attriste.”
Cet hymne ils le gargouillent dans leur gorge,
car ils ne peuvent en prononcer une parole entière. »
Ainsi nous parcourûmes du marais fangeux
un grand arc, entre la rive sèche et le mouillé,
les yeux tournés vers ceux qui avalent la fange.
À la fin nous arrivâmes au pied d’une tour. (…)
Vicente Ocho, Couvre mon visage et libérer mon ombre
150 x 150 cm Acrylique sur toile 2020
LA COMMEDIA, L’ENFER, CHANT VII.
- Quatrième cercle -
- Les avares et les prodigues - (extrait)
 
(…) Là je vis des gens plus nombreux qu’ailleurs,
d’un côté et de l’autre, avec de grands hurlements,
faisant rouler des rocs à la force de la poitrine.
Ils se cognaient l’un l’autre ; et à l’endroit où,
chacun se retournait, les faisant rouler en arrière,
ils criaient : « Pourquoi, retiens-tu ? » et « Pourquoi jettes-tu ? ».
Ainsi ils tournaillaient par le cercle obscur
de chaque bord vers le point opposé,
toujours se criant l’un l’autre leur honteux refrain ;
puis chacun virait, quand il avait rejoint,
au milieu du cercle, l’autre joute.
Et moi, qui avais le cœur quasiment brisé,
je dis : « Mon maître, éclaire-moi
qui sont ces gens, et furent-ils tous clercs
ces tonsurés à notre gauche. »
Et lui à moi : « Leur esprit à tous fut si
bigle pendant leur vie première,
qu’aucun ne dépensa avec mesure.
Leur voix l’aboie clairement,
lorsqu’ils parviennent aux deux points du cercle
où une faute contraire les sépare.
Ceux qui n’ont pas de cheveux sur la tête,
furent clercs et papes et cardinaux ;
en eux domina démesurément l’avarice. »
Et moi : « Maître, parmi eux
je devrais bien en reconnaître quelques-uns
qui furent souillés par ces vices. »
Et lui à moi : « Une vaine pensée t’abuse :
la vie ignoble qui les souilla,
les rend maintenant méconnaissables.
Éternellement ils iront se cogner aux deux coins :
ceux-ci resurgiront du sépulcre
le poing fermé, et ceux-là avec le crin mutilé.
Mal donner et mal retenir leur a ravi
le beau monde et les a conduits à cette querelle :
ce qu’elle est, il n’est pas besoin de l’embellir de paroles. (…)
Simone Pellegrini, Concavi i fissi
200x313 cm, 2006
LA COMMEDIA, LE PURGATOIRE,
CHANT XXVIII.
- Paradis Terrestre -
- La belle dame - (extrait)
 
(…) L’eau que tu vois ne naît pas d’une source
que renouvelle la vapeur changée par le gel,
comme une rivière qui acquiert ou perd de la force ;
mais elle sort d’une fontaine inépuisable et sûre,
qui reprend autant dans le vouloir de Dieu,
qu’elle verse à deux canaux ouverts.
De ce côté elle descend avec une vertu
qui enlève la mémoire des péchés ;
de l’autre elle rend celle de tous les bienfaits.
Léthé est celle-ci ; celle de l’autre côté
s’appelle Eunoé ; elle n’opère
que si l’on a goûté avant ici et là :
sa saveur surpasse toutes les autres.
Et quoique ta soif semble être satisfaite
sans que je ne t’en dise plus,
je t’accorde encore un corollaire par grâce ;
et je crois que mon dire ne te sera pas moins cher,
s’il dépasse la promesse que je t’ai faite.
Ceux qui en antiques poèmes chantèrent
l’âge d’or et son état heureux
rêvèrent peut-être que ce lieu soit au Parnasse.
Ici la racine humaine fut innocente ;
ici le printemps éternel et tous les fruits ;
l’eau est ce nectar dont chacun parle. »
Je me retournai alors tout entier
vers mes poètes, et vis qu’avec le sourire
ils avaient écouté les derniers mots ;
je tournai alors mon regard vers la belle dame. (...)
Elisabeth Prouvost, L’Enfer
tirage sur papier Arches 80x77cm 2014
LA COMMEDIA, L’ENFER, CHANT III.
- La Porte de l’Enfer -
- Les esprits lâches ou neutres - (extraits)
 
« Par moi l’on va dans la cité dolente,
par moi l’on va dans l’éternelle douleur,
par moi l’on va parmi le peuple perdu.
Justice a poussé mon suprême créateur ;
la divine puissance, la suprême sagesse
et le premier amour me firent
Avant moi rien ne fut créé
qui ne soit éternel, et moi éternellement je dure.
Vous qui entrez, laissez toute espérance. »
(...)
Et moi : « Maître, quel poids est si lourd
qu’ils se lamentent si fort ? »
Il répondit : « Je vais te le dire très brièvement.
Ceux-ci n’ont pas l’espoir de mourir,
et leur aveugle vie est si basse,
qu’ils envient tout autre sort.
Le monde les laisse sans renommée ;
miséricorde et justice les dédaignent :
ne parlons pas d’eux, mais regarde et passe. »
Et moi, qui regardait, je vis une enseigne
qui en tournant courait si vite,
qu’elle me semblait indigne du moindre repos ;
et derrière elle venait une si longue file
de gens, que je n’aurais pas cru
que la mort en eût tant défait.
Après que j’en eus reconnu quelques uns,
je vis et reconnu l’ombre de celui
qui par lâcheté fit le grand refus.
Aussitôt je compris et fus certain
que ceci était la secte des lâches,
qui déplaisent à Dieu et à ses ennemis.
Ces minables, qui ne furent jamais vivants,
étaient nus et attaqués sans cesse
par des mouches et des guêpes.
Elles baignaient leur visage de sang,
qui, mêlé de larmes, tombait à leurs pieds
où une répugnante vermine le recueillait (…)
Ali Reza Saadatmand, Forêts
Huile sur toile 200 x 200 cm, 2010
LA COMMEDIA, LE PURGATOIRE,
CHANT XVIII.
- Quatrième corniche -
- Paresse spirituelle (acédie) -
 
(…) et l’un des esprits dit : « Viens
derrière nous, et tu trouveras la bouche.
Nous sommes si pleins du désir d’aller,
que nous ne pouvons nous arrêter ; pardonne,
si tu tiens notre loi pour impolie.
Je fus abbé de San Zeno à Vérone
sous l’Empire du bon Barberousse,
de qui parle encore Milan avec douleur.
Et tel qui a déjà un pied dans la fosse,
bientôt pleurera ce monastère,
et sera triste d’y avoir eu le pouvoir ;
car il a mis son fils, au corps déformé,
et à l’âme pire, et de mauvaise naissance,
à la place du vrai pasteur. »
Je ne sais s’il en dit plus ou se tut,
tant il courait déjà devant nous ;
mais ceci je l’entendis, et il me plut de le retenir.
Et celui qui me secourait chaque fois que nécessaire
dit : « Tourne-toi là : vois ces deux
venir mordant dans la paresse. »
Derrière tous, ils disaient : « Le peuple
pour qui la mer s’ouvrit mourut, avant
que le Jourdain vit leurs héritiers. »
Et : « Ce peuple qui ne souffrit pas la fatigue
jusqu’à la fin avec le fils d’Anchise,
se voue lui-même à une vie sans gloire. »
Puis quand ces ombres furent si loin
de nous, que nous ne pouvions les voir,
une nouvelle pensée me pénétra,
de laquelle naquirent diverses autres ;
et j’allai tant de l’une à l’autre,
que mes yeux de plaisir se fermèrent,
et mes pensées se changèrent en songe. (…)

Vendredi 22 octobre à 18h - Vernissage
NICOLAS ABRAHAM, Lecture de textes choisis de la Divine Comédie
ANTOINE WILSON, bassiste du groupe « Feu Chatterton » accompagnement musical

Samedi 30 Octobre à 17h00
VINCENTE OCHO, création d’une toile
accompagnement : selector électronique

Samedi 6 novembre à 17h00
FRED CHEMAMA alias MIRA
Foz Machine - Création Multimédia
Coproduction : Fédération Wallonie-Bruxelles, Transcultures

Vendredi 12 Novembre à 18h00 - Finissage
Télamuré Tarantella-Roots
L’orchestre de référence de la musique traditionnelle d’Italie du sud en France
Francesco Rosa - Francesco Semeraro - Giovanni Semeraro

Galerie 24b.
24b, rue Saint Roch 75001 Paris
Emmanuel Bouvet
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24b@paris.com
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