lundi 30 novembre 2020

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Depth on the surface — Lynne Cohen

Deuxième partie

, Lynne Cohen †

Ces images de Lynne Cohen sont accompagnées de ses propres réflexions, ce qui nous permet de découvrir à la fois qu’une image, pour elle, est un mélange d’attention et de réflexion. Si jamais certains doutaient qu’une image peut penser, Lynne Cohen nous démontre ici allègrement le contraire.

Citations avec des œuvres spéciiques :

Spa

« Cette photo coïncide avec le début d’un changement. Au milieu des années 1990, j’ai commencé à privilégier les événements périphériques aux événements de premier plan. Le cliché détourne le spectateur du sujet, essentiellement la chaise en tissu noir et le tube façon Dan Flavin au plafond, pour le diriger vers ce qui peut sembler un événement mineur : la lumière sous la porte. Si je devais donner un nom à cette oeuvre maintenant, je l’appellerais Untitled (Light under the Door). Et non Spa.
(…)
Pour moi, c’est l’éclat mystérieux de la lumière qui est essentiel. La photographie a pour thème l’ignorance et la répugnance à en sortir. On sent une chose se passer derrière la porte close, une chose qu’il vaut mieux ne pas identifier. Qui plus est, une fois qu’on l’a remarquée, la porte ressemble plus à un dessin qu’à une vraie porte, peut-être le schéma architectural d’un artiste conceptuel. La forme de la pièce a aussi son importance. La photographie retiendrait moins l’attention si le mur du fond n’avait pas un angle aussi étrange, si la grille au sol allait dans la direction attendue et sans le câble suspendu à côté de la lumière fluorescente. »

Factory

« Sur cette photo, j’ai choisi un cadre en formica beige pour faire écho à la couleur de peau des mannequins. (Quand je les ai vus, ils m’ont rappelé les anges dans un tableau de Hans Memling, chantant et jouant des instruments.) Introduire des couleurs dans les cadres pour évoquer des associations me semble toujours une bonne idée pour certaines de mes œuvres en noir et blanc. En effet, j’ai récemment vu un lot de ces photographies aligné sur un mur et j’ai pensé qu’ensemble elles faisaient sens. Très tôt, j’ai voulu que mes oeuvres soient encadrées selon mes souhaits et pas ceux de l’acquéreur ou du « style de la maison » d’une institution. Les cadres de couleur étaient ma solution à l’époque.
(…)
Je n’en privilégie pas moins une finition satinée neutre et souhaite que chaque photo encadrée soit un objet parfait (j’ai débuté comme sculptrice). Assez étrangement, lorsque des photos noir et blanc de ce type sont exposées dans des cadres colorés à côté de clichés couleur aux cadres gris plus neutres, on a tendance à les traiter comme des photos couleur. »

Blackboard

« C’est la dernière photographie de mon premier livre, Occupied Territory. Elle résume beaucoup de choses pour moi. Les flèches pointant vers l’intérieur et l’extérieur semblent incarner une philosophie de vie. C’est un non-sens ayant pleine autorité. Le triste sérieux de l’absurdité est parfait.
(…)
Ici plane le mystère. Je dis parfois que mes clichés racontent des histoires et vous pourriez penser que celui-ci en raconte une. Les X du lutrin font écho aux flèches sur le tableau noir – ou serait-ce l’inverse ? Pour moi, elles se contaminent à l’instar des meubles qui contaminent le schéma. Il y a aussi des allusions aux gribouillis de Cy Twombly, aux boîtes de Jasper Johns et aux tableaux noirs de Joseph Beuys. Ce qui est très bien. Mais ce qui est tout aussi important pour moi, c’est le caractère pictural des effacements sur le tableau noir et le poids de la chaise en chêne – une « antiquité récente ». Voyez également comment les barreaux de la chaise se reflètent sur l’assise. Cette photographie fut prise dans un auditoire, mais il pourrait s’agir d’une sorte d’installation d’art contemporain. »

Laboratory

« Quand j’ai vu cette photographie agrandie en 180 cm x 220 cm, c’était comme si je la voyais pour la première fois. C’était environ douze ou treize ans après l’avoir imprimée en 125 cm x 150 cm, ce qui est loin d’être petit. La taille a fait une énorme différence. Auparavant, on l’envisageait plutôt comme un document. Elle a encore un sujet, mais qui tient davantage de l’abstraction. C’est-à-dire qu’elle est devenue plus formelle, moins axée sur une pièce en particulier. L’image s’est élargie et la couleur, s’est intensifiée. La rouille des jointures est maintenant palpable et les rayures sur le mur, plus apparentes. Cela revient presque à regarder un tableau expressionniste abstrait de Jackson Pollock. C’est cet entre-deux mi-document mi-abstraction qui s’empare de moi. Comment est-il possible qu’une prise de vue tienne parfois plus de l’abstraction que du document ? Dans les petites photos, l’abstraction est certes présente, mais moins perceptible. Dans les plus grandes, elle peut même prendre le dessus. »

Untitled (Abstraction)

« J’ai insisté sur le fait que l’abstraction joue un grand rôle dans mon oeuvre, et ici c’est indéniable. Considérer cette photo comme un document a peu de sens. Elle ne vous dit presque rien des spas, des piscines ou du fitness. Ce qui importe c’est la couleur et le motif du mur du fond. Cela me rappelle un tableau de Gerhard Richter et parfois je l’appelle Untitled (Richter). Mais il y a aussi la courbure des carreaux au fond de la piscine et le reflet du mur et des cinq plafonniers dans l’eau. Ils rendent le cliché encore plus abstrait. On pourrait évidemment dire que la photographie documente le tout. Je préférerais cependant la décrire comme une abstraction « ready-made ». Elle est tellement formelle. Et elle fonctionne tout aussi bien à l’envers. Elle a en fait été réalisée dans un appareil technique, qui inverse l’image à l’instar d’une chambre noire. »

Untitled (Balloons)

« Je ne photographie pas les gens. Une personne en chair et en os sur cette image irait à l’encontre de mon objectif. Les spectateurs n’auraient plus l’impression de regarder à l’intérieur, de voir les choses de l’extérieur.
(…)
Ici, ils risquent bien sûr de se focaliser uniquement sur les trois personnages. Mais ce n’est pas grave. Ils remarqueront à quel point ils sont comiques avec des parties du corps tronquées, des membres collés et des vêtements éclaboussés de paintball. Le lieu est incroyablement modeste avec ses ballons, ses meubles vétustes et ses rideaux de fortune. Tout semble bricolé et de travers, un peu trop grand ou trop petit. Le sol en linoléum et plus particulièrement le reflet du ballon rose est également intéressant et le désordre semble étrangement agencé. Voyez aussi la tache au sol le long du mur. L’endroit était exactement comme cela. Je sentais qu’en changeant ne fut-ce qu’un détail, le cliché se disloquerait. L’absurdité est renforcée par la capture de chaque détail par l’appareil technique et la neutralité que j’adopte. Même en le voulant, on ne trouverait rien de plus insignifiant et dramatique. »

Untitled (Plywood Walls)

« C’est un bel exemple de photographie pouvant être prise pour le cliché d’une installation. On pourrait penser qu’il s’agit d’une oeuvre réalisée dans le studio d’un photographe postmoderne. Il y a toutefois une nette différence. Mes sites ont presque toujours l’air moins réels que certaines constructions de studio. Le site photographié ici semble on ne peut plus faux. Si cette photographie était exposée à côté de celle d’une maquette de chambre avec un lit, une porte et des armoires similaires, elle aurait probablement l’air moins crédible, plus construite.
(…)
Je m’attache à immortaliser l’inexactitude. Ce qui m’intrigue, c’est l’aspect des espaces intérieurs lorsqu’ils sont photographiés sans correction ni manipulation. Je me fie à la façon dont l’appareil grand format rend les choses plus étranges qu’elles ne le sont à l’œil nu. Il immortalise chaque défaut en ajoutant une couche de neutralité en apparence objective. Je ne lutte contre rien de cela et exploite plus particulièrement la façon dont de tels appareils capturent le contreplaqué, le linoléum, l’acier et le polyéthylène. »

Untitled (Submarines)

« S’il n’y avait pas le plafond et la porte, vous pourriez penser qu’il s’agit d’une piscine vide. Les proportions du lieu semblent erronées et il est difficile de savoir si l’espace est grand ou petit. Cela me donne une sensation de claustrophobie. L’ouverture sur la droite semble offrir une issue, mais j’imagine que seule la trappe au sol en est véritablement une. Outre le mur jaune brillant et le sol quadrillé, le clou du spectacle doit être les sous-marins. Tous trois, grands et petits, sont en suspension. Le noir des silhouettes est profond et cotonneux, aussi riche que le pigment de couleur des premières sculptures d’Anish Kapoor. On a l’impression de glisser dans un trou noir.
(…)
On peut presque y plonger à l’instar d’un tableau baroque. Le spectateur est engagé physiquement et psychologiquement. M’inspirer du baroque et de l’art contemporain ne m’a jamais posé problème. C’est mon bagage. Il est différent de celui de la plupart des jeunes artistes. Mais c’est le mien. »

P.-S.

Colophon :

Commissaires : Bert Danckaert & Joachim NaudtsRetour ligne automatique
Concept et recherche : Bert Danckaert & Karin HanssenRetour ligne automatique
Commissaire adjoint : Ingrid Leonard

Traduction et rédaction : Naomi Vandenbroeck, Piuma Translations, Mia Verstraete

Conception graphique : Aline De Feyter

Remerciements :Retour ligne automatique
Andrew LuggRetour ligne automatique
Guillaume Bijl, Bart De Baere, Els De bruyn, Peter Gorschlüter, Aaron Guravich, Rodolphe Janssen, Olga Korper, Fabienne Leclerc, Gaël Leininger, Marine Lemoal, Jon Michelena, Johan Pas, Isabelle Rocton, Thomas Seelig, Roel Van Nunen, Alexander Vandeputte, Sofie Van de Velde

Prêteurs :Retour ligne automatique
Andrew Lugg, MontrealRetour ligne automatique
Museum Folkwang, EssenRetour ligne automatique
Galerie In Situ - Fabienne Leclerc, ParijsRetour ligne automatique
Rodolphe Janssen, BrusselRetour ligne automatique
Olga Korper Gallery, TorontoRetour ligne automatique
FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine, LimogesRetour ligne automatique
Sofie Van de Velde, AntwerpenRetour ligne automatique
M HKA, Antwerpen

Toute l’équipe FOMU, stagiaires et bénévoles

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2000 AntwerpenRetour ligne automatique
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