vendredi 1er juillet 2022

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Aldo Caredda #28

Lost in the supermarket #28

, Aldo Caredda

Aldo au Palais Galliera

Réduit à sa plus évidente simplicité, le geste de la déposition de l’empreinte, soudain, prend toute son ampleur. S’avançant de dos, et donc en faisant face à la divinité, le corps de l’impétrant accomplit en silence son devoir. Ce qu’il faut alors imaginer, concevoir, penser, c’est ce qu’il reçoit en retour.

Il y a une forme colorée, un vêtement à l’évidence, mais qui, encadré s’impose comme un tableau. Et le rituel s’accomplit, l’avancée du corps vu de dos, la génuflexion, le retour à la station debout et l’esquive latérale. La messe est dite rapidement, mais efficacement.

Et le miracle semble n’avoir pas eu lieu. Tout est resté en place tel quel. Aucun changement, aucune modification.

Et pourtant, il suffit de regarder attentivement pour comprendre que le corps s’est glissé dans la forme et l’emporte avec lui. Ce qui est encore visible dans le cadre n’est plus qu’un simulacre.

Et pourtant, il suffit de regarder encore pour voir dans cette ligne courbe la forme d’un boomerang. Et de concevoir ce qui a eu lieu : le mouvement de retour de la puissance affective de l’oblation vers l’officiant.

Voilà, c’est fait. Lui aussi, à l’évidence, est non seulement accepté, mais sacralisé, ou si l’on veut divinisé.

La posture critico-ironique du geste artistique finit par inventer un chemin conduisant jusqu’à l’imminence de la reconnaissance de l’existence de l’impossible au coeur même des manifestations apparemment banales de gestes pourtant décalés.

Ce qui fait art, jamais n’est loin de ce qui se produit dans l’esprit et donc dans le corps, de ce qui se produit lorsque l’impensable se manifeste. Et qui l’ignore ? : c’est toujours dans des interstices si minces, inframinces au point d’être quasi imperceptibles, qu’il faut tenter de se glisser, car là est le meilleur moyen de trouver le chemin qui reconduit le visible à sa source obscure la plus vive.