LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n°71


Éditorial

Dans un livre déjà ancien, publié en français sous le titre La mobilisation infinie, Peter Sloterdijk remarquait : « La mobilisation est la réponse moderne à la périssabilité de la vie et à l’inégalité des destinées ».
La France désormais « En marche » se réveille à peine qu’elle découvre qu’elle a déjà été « mise au pas ».
Il a aussi remarqué ceci : « Être adulte, il se peut que cela n’ait pas été autre chose qu’un mot chiffré pour désigner ce qui vient après le désespoir… Cette vie post-désespérée ressemble exactement à l’insouciance et ne se distingue de l’aveuglement que par des détails à peine perceptibles. »
Nous jouissons avec entrave, mais nous jouissons toujours, et cela rend tous les sacrifices acceptables. Le point où l’aveuglement se muera en révélation n’est pas encore atteint. Sans doute sera-t-il « trop tard » quand il sera atteint.

Avec ce Numéro 71, TK-21 LaRevue poursuit ses investigations françaises et internationales à travers des documents inédits et se prépare à prendre ses quartiers d’été non sans préparer un numéro double juillet-août qui sera uniquement consacré à la publication de l’intégralité du colloque organisé le 13 avril 2017 à l’INHA et qui avait pour titre Face au déferlement des images, Comment artistes et photographes en Europe et Asie réagissent aux mega data.
La totalité des interventions a été filmée, et chacune d’entre elles sera restituée, accompagnée du texte de la conférence que les auteurs ont eu l’obligeance de nous communiquer.

En attendant, nous retrouvons dans ce Numéro 71 pour la dernière fois, Les confessions d’une enfant du siècle, celles que nous a faites Jeanne Susplugas dont l’exposition à la galerie VivoEquidem se poursuit encore un moment. Jean-Louis Poitevin clôt ici ses réflexions sur les nouvelles formes que prend la subjectivité dans le monde qui est le nôtre, formes que l’œuvre de Jeanne Susplugas ainsi que ce long entretien nous permettent de mieux appréhender.

Nous publions quatre nouveaux films de la série intitulée Quotidien d’atelier. Cette série est conçue et réalisé par Stéphane Mortier. Sa présentation en intégralité se poursuivra au fil du temps dans TK-21 LaRevue et sera désormais accompagnée d’un bref commentaire de Jean Louis Poitevin.

Jean Gabriel Lopez nous propose Héliographie, une rencontre, autour de son exposition pour le mois de la photo, au pavillon de l’orangerie de l’observatoire de Meudon. Avec Dominique PROUST et Charles TIJUS, il parle des étoiles, de la lumière et des illusions de la perception.

Nous poursuivons notre collaboration avec Éric Atlan qui, aujourd’hui, nous livre des images apparemment banales dont les couleurs pourtant nous projettent mentalement dans un monde proche de la science fiction. Un court texte de Jean-Louis Poitevin tente de montrer en quoi cette méditation poétique en images est une approche aussi légère qu’intense de questions qui nous hantent.

La première exposition organisée par Photo Meta Data a eu lieu au printemps à la Ville A des Arts. Elle a permis à deux photographes taïwanais, Hung Shih-Tsung et Chang Chung-Liang, largement présents dans la grande exposition Rêver la terre que nous avions organisée en novembre 2014, de nous présenter de nouvelles œuvres. Entre plein et vide, recouvrement et distanciation, persistance mnésique et oubli vital, ces images nous permettent aussi de découvrir des aspects méconnus de Taïpé aujourd’hui.

Pour sa dernière exposition dans le lieu qui l’a vu naître, et avant donc un changement d’adresse très attendu, la galerie Hors-champs nous offre à l’initiative d’Hannibal Volkoff et de Bernard Pegeon, une « ultima » passionnante où l’on peut découvrir les œuvres denses et chtoniennes de plusieurs artistes. Le texte d’Hannibal Volkoff déplie à merveille les figures nocturnes qui confèrent à cet « Ailleurs dans son corps où la nuit peut tenir » une force rare.

Clémentine Ader nous propose un analyse du travail d’Émeric Lhuisset, des images de l’actuelle Mésopotamie, un lieu à la fois porté par l’histoire, porteur de traces de nos origines historiques et hanté par les fantômes de l’effacement et de la disparition. Cette méditation, active par images interposées nous entraîne dans les abysses de notre conscience qui elle-même oscille en permanence entre affirmation péremptoire et constat d’une perte inévitable.

Avec Needs for Systematic Inventions, Jaewook Lee poursuit ses réflexion sur l’art aujourd’hui. À partir de l’exemple de la musique et des sons que nous écoutons au quotidien il déploie une analyse plus vaste relative au fonctionnement de l’art. Artiste et chroniqueur engagé, en particulier ici dans TK-21 LaRevue, il organise aussi des événements. « Recently, I organized a symposium titled Mindful Joint 2017 at Art Sonje Center in Seoul that reflects the issues and concerns hovering around the needs and desires for different ways to engage in the art world. » Suivons-le donc une fois encore pour un voyage d’exploration passionnant.

Fidèle collaboratrice de la revue, Laëtitia Bischoff clôt ce numéro avec la présentation de la seconde et dernière partie de sa méditation sur un « thème » singulier : « disparaître ». Elle nous entraîne à accepter de voyager entre un commencement improbable et une fin imprescriptible, entre poésie et art, dans cette zone où la vie retrouve, si elle les avait laissées de côté, ses racines les plus profondes.


Photo de couverture : Jean Gabriel Lopez
* * *
De nombreux problèmes sont signalés par des utilisateurs de Safari. Le mal semblant être profondément ancré chez Apple, nous vous conseillons de lire TK-21 sur Firefox ou Opéra par exemple.