vendredi 4 août 2023

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Ouvrage collectif

Indécentes

Écrire Éros au féminin

, Catherine Belkhodja

Une dizaine d’années aura suffi pour que la littérature érotique, autrefois chasse gardée des hommes, soit investie par les femmes. Octavie Delvaux, autrice et éditrice, a réuni treize autrices pour la publication d’un recueil collectif qui décline Éros au féminin.

Indécentes

(adj.) définition : qui ne respectent pas les convenances, qui choquent la pudeur

Dans l’ouvrage collectif « Indécentes, Histoires érotiques au féminin. », treize autrices racontent en treize histoires le corps, explorent le désir et le plaisir, célèbrent les réjouissances, la jouissance et la vie. Chacune son parcours, chacune son registre, mais elles ont toutes la même exigence littéraire pour écrire et atteindre un équilibre entre instinct et intellect féminin. Ces autrices accompagnent la révolution qui s’opère dans notre société et écrivent librement, sans fausse pudeur. C’est en cela qu’elles se disent "indécentes" : elles font fi des convenances et bousculent joyeusement les clichés phallo-centrés.

« Alors que Pauline Réage, Françoise Rey et Catherine Millet ont longtemps été des exceptions, une nouvelle génération d’autrices s’empare du genre et offre sa vision de la sexualité et du fantasme — une véritable révolution qui accompagne celle, plus profonde, qui parcourt nos sociétés. La littérature est par essence un domaine de grande liberté et les femmes n’ont pas attendu Me too pour s’en saisir. », déclare Octavie Delvaux, éditrice d’Indécentes (2022), dans la présentation de l’ouvrage collectif, publié aux éditions La Musardine. [1]

« Comment donc le vent de féminisme, parfois radical, qui souffle autour de nous affecte-t-il l’écriture érotique ? C’était l’une des questions qui me trottait dans la tête, car j’avais déjà quelques pistes de réflexion. En parlant avec de jeunes autrices, j’ai compris que l’autocensure était de plus en plus présente dans leur processus d’écriture. La notion de consentement, qui s’installe tant bien que mal dans la société, devient par exemple de plus en plus problématique : les scènes de contrainte sexuelle, qui ont pourtant fait le sel de bien des ouvrages par le passé, deviennent un grand tabou que peu oseraient aborder frontalement. Une femme moderne, libérée du joug masculin, peut-elle encore se fantasmer soumise, esclave, à la façon de l’héroïne d’Histoire d’O ? Quid de la figure de l’homme ? À l’heure où la question du genre fait débat, décrit-on la masculinité, la virilité, et l’attrait qu’elle peut exercer, de la même manière qu’avant ?

La littérature doit-elle refléter les évolutions de la société ou au contraire s’y soustraire pour conserver sa poésie ? À titre personnel, j’ai toujours pensé que c’était la totale liberté de ton, la possibilité d’aller toucher aux tabous les plus profonds pour en faire éclore la beauté crue, qui constituent l’attrait de la littérature érotique.

Le corps est une clef puissante, troublons-le et, comme le marc de café, il nous parlera en vérité. Voilà pourquoi, parmi d’autres sujets, j’aime écrire Éros. Il dit tant de nous. Et voilà pourquoi j’ai aimé faire partie de cette aventure d’ouvrage collectif. Il a la richesse d’une joyeuse polyphonie. »
 [2]

Haisha Cendrillon
Philippe Bouret (image) et Catherine Belkhodja (haïku)

Notes

[1Melancholia de Chloé Saffy • La voie mouillée de Rose Brunel • Focus de Zoé Vintimille • Clou humérus de Claire Von Corda • Ne me libère pas de Camille Sorel • Choupette d’Aurélie Stefani • Canicule de Rita • Orgueilleux orgasme de Flore Cherry • La clé de Melody Daniel • Mona, lui et moi : un plan à trois de Rita Perse • Les nus de Michèle Larue • Le toutou d’Anne Vassivière

[2Propos d’Octavie Delvaux

« Indécentes, Histoires érotiques au féminin », 2022
éditions La Musardine
EAN 9782364909632
ISBN 9782364909632