vendredi 28 juin 2019

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Harmony of Chaos

Renato D’Agostin

, Renato D’Agostin et Théo-Mario Coppola

Avec cette nouvelle série qui flirte avec l’abstraction, Renato D’Agostin nous emporte dans un univers dense et profond, empreint de questionnements sur la condition humaine.

Il signe là une œuvre particulièrement aboutie.

Reconnu pour son style si unique, exposé de par le monde, acquis par de prestigieuses collections privées et publiques et objet de nombreuses publications à succès, le travail de Renato D’Agostin s’est fait une place prépondérante dans le paysage photographique. Avec Harmony of Chaos l’artiste change d’échelle et explore de nouveaux territoires. Une série qui marque un tournant dans sa carrière.

Renato D’Agostin y dépeint, entre autres, la vibration et l’étouffement qu’il a ressentis dans les rues de Shanghai. Loin de vouloir dresser un simple portrait de la ville, il cherche à tirer de cette expérience sensorielle une série qui mette en relief l’ADN de ces villes post-modernes, à transmettre leur universalité. Il met en exergue l’anonymat engendré par les structures urbaines dans un vocabulaire maîtrisé où le jeu d’échelles est particulièrement marqué. Il nous fait ressentir les mutations urbaines opérées en très peu de temps et sans transition, et questionner la place de l’homme dans ces nouvelles mégalopoles.

Renato D’Agostin — Harmony of Chaos — Courtesy Galerie Thierry Bigaignon

Avec ce travail l’artiste italien change d’échelle comme pour mieux ancrer sa réflexion sur le monde qu’il observe et libérer sa créativité. « C’est un projet qui me permet de découvrir de nouvelles possibilités en photographie, de décoder un vocabulaire jusque-là inexploré », explique Renato D’Agostin.

Pour ce projet, l’artiste s’est concentré sur une sélection d’images très restreinte : treize photographies, pas une de plus. Certaines d’entre elles ont nécessité la mise au point d’une technique spécifique de mouvement sous l’agrandisseur qui lui permette d’exprimer cette vibration évoquée plus haut. « J’ai poussé le processus de développement à l’extrême en exposant sur une feuille de papier une multitude de vues issues d’un même négatif pour recréer cette sensation de ruche en mouvement perpétuel. J’ai ensuite sorti mon agrandisseur de la chambre noire et projeté le négatif sur le mur et c’est là que j’ai réalisé que seul un très grand tirage pourrait traduire la sensation de claustrophobie provoquée par l’immensité de la ville ». Son studio new-yorkais ne permettant pas de réaliser ces tirages très grands formats, il prend en 2018 la décision radicale de déménager, rachète un entrepôt près de Venise et y construit une chambre noire hors-norme. Les tirages qui en sortiront sont à couper le souffle !

Renato D’Agostin — Harmony of Chaos — Courtesy Galerie Thierry Bigaignon

Théo-Mario Coppola qui signe la préface du livre spécial édité pour l’occasion y décrit parfaitement l’atmosphère de la série :

Les bras tendus sur le guidon d’une bicyclette, les mains gantées de blanc, l’anonyme s’élance dans une ville sans nom, sans continent précis. Nimbé dans un flou d’atmosphère, le cycliste est le figurant d’un instantané. Chaque jour, des kilomètres sont ainsi également parcourus. Chaque jour, d’autres personnes répètent elles-aussi les trajets, les gestes et les activités qui les relient à leur ville. La grisaille floutée pour tout paysage, s’épaissit en de tendres laies striées, donnant naissance aux immeubles. La ville ressemble à elle-même. Fidèle à ses motifs, à ses tonalités, à ses sonorités, elle contient l’étendue de son propre répertoire. Celui-ci n’a ni liste, ni ordonnancement. Il est tout entier habité par des index.

Abstractions cimentées, balayées par les vents, noyées par les brumes, les façades denses et mouvantes s’imposent, sans fondations, sans ciels, comme les panneaux gigantesques d’un décor de théâtre. Les acteurs - des passants - vont et viennent dans cet amas fluide où l’on se déplace pour vivre. Leur apparition est furtive. Leurs actions consistent en des gestes simples, réduits à la chorégraphie du silence et à l’harmonie du chaos. L’urbanité force à l’essentiel. Universalité citadine. Les immeubles vibrent, les mains dansent, les pas se perdent. La ville accueille ses habitants. En retour, dans des tentatives ordinaires et quotidiennes, les vies fragiles s’essayent à des jeux de virevolte, à des parcours intérieurs, à des échanges de paroles, à des permutations de rôles.

Renato D’Agostin — Harmony of Chaos — Courtesy Galerie Thierry Bigaignon

Dans des nuées de façades élancées, étendues, immenses, un ballet d’êtres inconnus se répète. Les visages évanescents, de secondes en visions, laissent la place aux corps. Des corps simples qui se présentent à la ville. L’allure d’un cycliste, la détente d’une flâneuse, la mise d’un colporteur, l’attention sereine d’un duo d’amis face à l’envol d’un essaim de cerfs- volants, la pose contemplative d’une figure debout au lointain, mince silhouette, saisie dans l’antre de la mégalopole. Dans ce tumulte éclatant, tous les pas, inquiets ou enlevés, de qui va, de qui vient s’additionnent.

Ville. Ville qui vole en grappes de passants. Ville qui s’étire en solitudes compactes. Au détour des rues grises, je vois la vélocité des pas sur des étendues d’asphaltes. Je vois les arrêts, et je vois aussi les ralentissements que provoquent les signes et les conventions qui balisent la circulation des êtres. Dualisme vitaliste de la quiétude quand le geste est précis et de l’élan brutal de la ville quand le temps semble immuable. Le siècle pourrait être le suivant comme celui qui précède. La modernité, vaste et ouverte reçoit des situations diverses, des combinaisons mêlées, fondues dans le grain épais de la photographie. La texture de l’image se fond avec l’humeur des personnes. La courbure d’un dos soumis au labeur, l’élongation d’un corps qui cherche l’espace de la détente, les contours des gestes d’un groupe de mains dessinent les abords économiques et sociaux de la ville. Le travail, le loisir, la négociation : un carrousel de la vie urbaine, saisi en de minces interstices.

Renato D’Agostin — Harmony of Chaos — Courtesy Galerie Thierry Bigaignon

Contre la nervosité que provoque la ville, contre l’excitation des sens émiettés par les interférences et les interactions, le silence de béton, de cristal et de bois éclate dans des espaces inconnus, après le long chahut des rails et des poulies, devenus invisibles après la construction. Sur les hautes crêtes, au milieu des plateformes, à l’angle des rues étroites, au croisement des vastes avenues, des avalanches de cris et de feux irriguent la cité, comme la mer qui s’assombrit dans l’éclat mortel des vagues. Les élans et les sommeils accomplissent ensemble le sel d’argent de la ville.

Le livre-concept, co-édité par the(M) éditions et Quants, aura un format inhabituel de 55x40cm et sera logé dans un coffret spécial. Il est proposé en édition très limitée, 100 exemplaires seulement.

L’exposition est à découvrir du 25 mai au 31 août 2019. Renato D’Agostin sera présent lors du vernissage samedi 25 mai 2019, de 14h à 19h.

Galerie Thierry Bigaignon - Hôtel de Retz, Bâtiment A, 9 rue Charlot 75003 Paris

Contact presse : Thierry Bigaignon - Tél. 06.80.61.99.41 thierry@thierrybigaignon.com