jeudi 2 juillet 2020

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Déambulations Créatrices

, Maria Cosatto

Le « monde d’après » ressemble beaucoup au « monde d’avant » pour ON-OFF Studio et pourtant... La galerie répondait déjà à une sorte de « mission artistique » dans un quartier populaire du 17e, vouée à donner l’accès à la culture par la médiation et par un travail de proximité, à soutenir les artistes et la création.

Is small beautiful ?

Le confinement nous a rendu conscients plus que jamais, que l‘art et la culture sont des services essentiels pour le bien-être individuel et collectif mais aussi qu’une association peut être une structure légère, agile et réactive. Dans l’urgence, s’appuyant sur son savoir faire, sur des intuitions et des envies, des décisions peuvent être prises au pied levé, faisant émerger des projets ou des programmations insoupçonnées auparavant.

Cela a été le cas du projet Déambulations Créatrices qui a remplacé des expositions prévues en galerie quand le confinement s’est imposé. Un journal WEB sur notre page Facebook est alors né, nourri quotidiennement par une sélection des publications de photos, vidéos, dessins, peintures, réalisés par des artistes qui bravaient l’isolement en créant. Ce virage numérique de diffusion artistique a été une réponse inédite à l’envie de rassembler, de créer de la proximité sociale, d’irriguer la culture avec du pur présent collectif et créatif.

Bousculés par les conditions matérielles de l’isolement, quelques artistes ont trouvé des démarches artistiques inimaginées à suivre, d’autres sujets à photographier, à matérialiser. Le dépassement de soi, le lâcher prise, le décalage, la poésie, la curiosité, l’invention, l’humour, la légèreté, le fantasque, ont fait partie de leur élan vital ces ineffaçables 55 jours... Relayer la tulipe rose d’un street-photographe est devenue le symbole des hiatus recherchés par la ligne éditoriale du projet.

Des artistes déjà connus par la galerie ont été suivi comme Jean-Luc Pérez, Gilles Lange, Vincent Morla, Rui Prazeres, Ameneh Moayedi, Gisèle Reverdit, Lydie Turco, Pascal Reydet, Isabelle Otto, Pauline Sauveur, Marie-Pierre Dieterlé, Ross Gash, Valérie Simmonet, Christian Foutrel, Kianoush Ramazani, Bernard Jolivat, Véronique Calderari ainsi que Sebastian Margulis, et Francisco Olivo artistes espagnol et argentin respectivement. D’autres nouveaux, comme Michel Handschumacher, Isabelle Raquin, David Guiome, Eric Droussent, Solenne Siben, Sabine Pigalle, Philippe Hérard, entre autres.Le virus a enlevé d’innombrables souffles pour en véhiculer à son insu, des nouveaux fertiles.
L’exposition de déconfinement a suivi le journal web et sans trop attendre, la vie de la galerie a repris le samedi 30 mai avec la présentation de quatre vingt six œuvres de vingt artistes.

Se réapproprier l’espace, le temps et les outils a été nécessaire pour envisager le retour : le modèle de visite des lieux a privilégié la prise de rdv pour un nombre limité de personnes. L’aménagement spatial a prévu une grande table centrale qui, garante des distances de sécurité, se prête pour les échanges et pour le travail. Les codes QR ont été adoptés pour contourner des problèmes de droits à l’image mais aussi pour apporter plus de matière à l’exposition démultipliant les échanges avec les visiteurs pendant les médiations.
Faire vivre au public une expérience dynamique plus intime et engagée, donner la priorité à l’échelle humaine, à la qualité des échanges... aller vers une société à la mesure de l’homme... l’écho du slogan anglo-saxon retentit, on l’entend... alors oui, SMALL IS BEAUTIFUL et dans le « monde d’après » notre identité se trouve renforcée.

Je remercie chaleureusement tous les artistes relayés sur le journal et particulièrement ceux exposés, de s’être donnés au projet, ouverts et confiants. Je remercie également les membres de l’association et mon entourage qui ont soutenu le projet depuis l’origine.

La Tulipe Rose d’un Street-Photographe
Première photo publiée sur le Journal WEB au mois de mars dernier qui révèle la grande sensibilité de Jean-Luc Perez sur un sujet loin de ses habitudes. Des images sensuelles sublimées par la velouté de l’impression-papier.
© Jean-Luc Perez
Quelque Chose Dans L’air Au Nord-Ouest Parisien
Marie-Pierre Dieterlé, photographe documentaire. Chez elle l’intimité, photographier les siens, se photographier puis, s’éloigner du noyau pas plus loin que 3280,84 pieds à la ronde pour sentir le voisinage, atteindre les autres confinés du quartier pris pendant leurs occupations "d’extérieur troublé".
Issu de ce va-et-vient, « Quelque chose dans l’air » est une série photographique présentée sous forme de diaporama et un livre nourrit par le texte de Jean-Michel Mila ; un témoignage fort en émotions de 55 jours du 17e.
© Marie-Pierre Dieterlé
Paysage Mental, L’art De Concocter
Michel Handschumacher, photographe strasbourgeois. Privé de déplacement, comment supplanter le paysage-nature ? Dans le labo-maison, pas plus de 5 minutes pour la prise d’une photo, pas de logique ni d’obligations, rester sur la manipulation des objets qui l’entouraient et qui l’interpellaient.
L’outillage et l’essai font partie de sa démarche « de chambre » inédite pour récréer de paysages mentaux en jouant avec les lignes de force, les lumières, des noirs et blancs qui évoquent la gravure.
Un gigantesque zeste de tradition et de modernité ; d’intemporel.
© Michel Handschumacher
Michel Handschumacher
Transmutations Dans "Le Monde D’après"
Rui Prazeres est un peintre qui, dans l’urgence et sur papier lambda, a fait naître de son geste spontané à l’encre de Chine, la série « Transmutation protozoaire métaphysique ovalescente », figuration dans l’agitation virale.
Les encres-pièces uniques sont devenues des impressions en tirage limité sur papier fine art avec des noirs profonds et charbonneux apportés par la piezographie. Une réponse inédite de l’artiste ; superbe exemple du « monde d’après » pour une œuvre issue du confinement.
© Rui Prazeres
Rui Prazeres
Conf’amenehnimations
Pendant le confinement, la dessinatrice et graphiste Ameneh Moayedi donne libre cours à son imagination avec des outils numériques pas utilisés auparavant. Fantasque sur toutes ses coutures, elle crée " Chez moi-chez vous", une série de 60 animations de 5 secondes chacune.
De son autoportrait qui présente l’impatiente attente de l’artiste ont été extraites trois images fixes exposées dans la galerie. Deux de ses animations sont visionnées avec un téléphone portable.
© Ameneh Moayedi
Compact Songs
Giselle Reverdit, photographe. Petit appareil compact à portée de main, une vue imprenable de l’espace de vie assise sur son canapé du 9ème confiné, l’état de contemplation, l’œil éveillé... c’est depuis cet observatoire que des reflets lui ont donné le « la » pour plusieurs de ses prises-photo. Puis, micro-ballade pour un rdv avec Escher au bord de sa fenêtre ; vertigineuse plongée sous le charme des escaliers déroutants.
L’instinct guide l’artiste pour ses prises-photo construites et sensuelles. La granularité des tirages exposés offre une vibration qui ravit plastiquement l’image imprimée.
© Gisèle Reverdit
Gisèle Reverdit
Le Loufoque Tendre Arrivé de Grenoble
La dessinatrice grenobloise Isabelle Raquin présente ses bon-hommes et ses bonne-femmes drôles et tendres qui accueillent le monde confiné avec
bienveillante douceur et fraîcheur bleuâtre... belle robe taratata.covid
© Isabelle Raquin
Detourne-Mental Parodies
Le photographe et musicien Vincent Morla a sauté dans la piscine du confinement sans se soucier de la température de l’eau ; déjà, il y avait-il de l’eau ? Mu par l’urgence d’être dans l’action et d’amuser la galerie, Vincent suit une idée excentrique : rendre hommage aux photos iconiques qui l’ont marqué ou qui le marquent encore, en les parodiant.
Démarche spontanée et généreuse d’où naît " Si tu ne peux pas aller au musée, fais venir le musée chez toi ", une série de 67 photos prises avec son téléphone portable. Postées sur les réseaux, ses images arrivent aussitôt au Mexique, Russie, Vietnam, Brésil et font l’objet d’articles parus dans La Vanguardia espagnole, Le Parisien, Polka Magazine, Artribune en France et Libreriamo en Italie.
© Vincent Morla
© Vincent Morla
Où Es-Tu ?
Pascal Reydet, photographe dijonnais. Dans sa série « On ne retient pas les nuages », nature et architecture, organique et minéral s’imbriquent, festifs. Ils jouent de leurs natures opposées pour mieux poser la question des frontières :
intérieur ou extérieur ? D’où le photographe voit-il la scène ?
Sa géométrie limpide vivifie les sens.
© Pascal Reydet
Pascal Reydet
Gestes Sans Barrières
Art-thérapeute, clown, danseuse et plasticienne, Solenne Siben présente « Les coquilles de Coqueluche », une vidéo composée de six monologues où les consignes de sécurité sanitaires sont pétries avec drôlerie et un haut degré d’espièglerie tendre.
© Maria Cosatto
Gard Aux Selfs !
Fils du rock des caves, de la bande dessinée, profondément punk... Self-description du peintre singulier David Guiome. Dans sa série « Selconfie », la photographie et la peinture s’imbriquent à la perfection. L’autoportrait seul ou cloné est autant le support pour ses traits de couleur exubérants que le vecteur d’une démarche ludique, dérisoire, déroutante... une découverte venue du Gard.
© David Guiome
David Guiome
Autoportraits d’Ombre sous le Soleil du Lot
Ross Gash présente la solitude assumée dans sa silhouette et visage d’ombre. Une présence franche et bienveillante qui tapisse les murs où se trouvent les poignées des portes encore fermées. L’ensoleillement ? Source d’image, source d’espoir.
© Ross Gash
Ross Gash
Quelqu’un Sonne À La Porte
Habillé en costume d’ombres et de lumières sombres, Jean Le Passé rend visite au photographe Gilles Lange. Fulgurante incursion dans son appartement du 10e qui allume le regard, les rêveries... Nous sommes prêts à adopter l’oiseau que le visiteur a fait avec sa mèche châtaigne
© Gilles Lange
Décollage Imminent
La série « Décalage immédiat » d’Eric Droussent vous procure sur le champ, un
rebond jouissif autant perceptif que conceptuel. L’artiste porte un regard
poétique, critique, humoristique entre autres, sur les objets du quotidien travestis et mises en scène.
Le montage des décors dans son « labo-coin-cuisine », l’étude des lumières pour
souligner les volumes et les ombres portées, accompagnent la transformation et
manipulation de ces objets dans la recherche du sens avec ingéniosité, simplicité
et efficacité des procédés techniques.
Sa série commencé en 2008 a accueilli des pièces fortes liées à la problématique
du confinement : la lenteur de l’escargot et l’arrivée des masques, l’art comme
friandise qui nourrit l’esprit, les interdictions à la poitrine. La série compte plus de cent vingt photos représentée par un livre et un ensemble de photos.
La Chère du Cher
Au sud de Bourges, une petite maison mitoyenne avec jardin est, pendant le confinement, le lieu d’expérimentation photographique d’Isabelle Otto, la parisienne.
Maison-terrain d’affection puisqu’elle appartenait à des inestimables voisins. Maison-terre inconnue puisque plus habitée mais chargée d’objets méconnus. Confinement et dépaysement vont de paire dans un lieu qui suinte une autre époque voire, un autre siècle. Comment converser avec lui, faire sa connaissance, se l’approprier artistiquement ?
Par le biais de la nature morte : le salon accueille la nature morte et est nature morte. Il est l’acteur et le théâtre d’un jeu de perspectives, des lumières et d’ombres portées, d’occupation de l’espace crée par le ré-enchantement du regard dont parle l’artiste.
© Isabelle Otto
Traits Dispensés d’Interdits
Sebastian Margulis, artiste madrilène, défie les interdits par le dessin.
Se permettre la proximité physique et émotionnelle par des traits libres que matérialisent une concentration des masques et sa grappe de regards ou la coupe des cheveux collective, animée, presque bruyante... ça faisait grouiller Madrid !
© Sebastian Margulis
La Strategie de L’éffacement
Le triptyque de la documentariste Lydie Turco fait partie d’un travail photographique préparatoire à un projet autour de la mémoire des réfugiés espagnols en France.
Le temps jouait un rôle fort sur nos ressentis pendant le confinement. Plus le temps passe lentement, plus il s’étire... l’espace ? Il se rétrécie... et la mémoire ?
© Lydie Turco
La Soupirante Légèreté des Petits Yeux Baroudeurs
Pauline Sauveur crée avec l’image et les mots. Avec un geste simple et festif, comme un retour à l’enfance, les objets de son quotidien ont la permission de regarder, de raconter des histoires, d’être les compagnons de confinement au cœur de la Région Centre et sans distanciation.
© Pauline Sauveur
Pauline Sauveur
Paco Olivo
Emotions Arc-En-Ciel
Francisco Olivo, argentin, encore confiné dans son pays, dessinateur et architecte de profession, donne vie à un petit bonhomme ingénu, rêveur, extrêmement volontaire qui s’exprime depuis déjà 9 semaines dans la série « Un dessin, une pensée, pour chaque jour d’isolement ».
Seul ou accompagné le personnage laisse transparaître avec candeur ses états d’âme de confiné.
Du pur dessin noir et blanc ; l’émotion arc-en-ciel.
© Paco Olivo
Avez-Vous Quelque Chose à Déclarer ?
Photo prise au Centre Pompidou par le photographe Christian Foutrel en 2017, d’une force graphique et symbolique hors pair.
Et si la question qui est au cœur de l’image avait été posée à l’Art en temps de confinement ?... Je veux croire qu’il aurait bien pu répondre... JE VEILLE.
© Christian Foutrel

Voir en ligne : www.on-off-studio.com

Déambulations créatrices,
exposition de déconfinement 30 mai > 31 juillet 2020
on-off studio 11 rue berzélius 75017 paris
mercredi > samedi / 14:00 > 19:00
prise de rdv conseillée contact@on-off-studio.com 06 24 84 61 30 www.facebook.com/onoffstudio.paris17/
www.instagram.com/onoffstudio17/
www.on-off-studio.com

les artistes
Marie-Pierre Dieterlé
Eric Droussent
Christian Foutrel
Ross Gash
David Guiome
Michel Handschumacher
Gilles Lange
Sebastian Margulis
Ameneh Moayedi
Vincent Morla
Francisco Olivo
Isabelle Otto
Jean-Luc Perez
Rui Prazeres
Isabelle Raquin
Gisèle Reverdit
Pascal Reydet
Pauline Sauveur
Solenne Siben
Lydie Turco