lundi 23 janvier 2012

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Les photographies, les vidéogrammes et les films sur support numérique de Jacques Robert tirent parti d’une récurrence thématique, celle de la chair.

Dans chacune de ses images, et plus encore dans leur succession, l’aspect luxuriant qu’il donne à cette chair présente l’apparence de la palpitation alors que gît là le cadavre, dépecé. Cette suggestion de la vie est provoquée par le constat de la mort, excédé par un univers chargé de mémoire.

Ce qui est l’aboutissement de toute vie ne montre que l’instant d’un procès global cyclique où la mort n’est qu’une étape, la frontière entre deux états où la vie se nourrit de ce qu’elle fut. Cycle dans le cycle, l’instant de l’avant-festin promis précède la putréfaction, le destin de toute chair, précède la transformation qui laisse entrevoir qu’une autre vie est susceptible de s’élever après la mort.

En effet, si, selon la définition qu’en donne Jean-François Lyotard, la « post-modernité » désigne un moment où l’homme ne prend plus place dans une narration, une fiction, ou même une représentation, la période moderne ayant, selon Michel de Certeau, vécu un changement radical de société et, par voie de conséquence, de regard, la place du sujet est devenue vacante, n’est plus déterminée, comme elle le fut à l’époque moderne, mais elle est à déterminer.

Cependant, ce que nous montrent les photographies, les vidéogrammes et les films sur support numérique de Jacques Robert, c’est que le corps résiste, même s’il est désauratisé. Il résiste à la réification à laquelle il est soumis à l’ère de la technique qui ne porte guère son intérêt qu’au corps physique dans son éternelle jeunesse, où le vieillissement et la mort sont non seulement défiés, mais aussi évacués sinon niés. Comme si, en dépit de ce qu’affirmait Descartes dans une lettre au P. Mesland, l’esprit s’était détaché de la matière !

Ce que nous montre Jacques Robert dans ses images, c’est que le corps résiste à son instrumentalisation, même comme simple locataire du monde.