vendredi 5 mai 2023

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« Au commencement de(ux) »

, Marie Barbuscia

En extension d’une lecture des « Élégies de Duino » de Rilke, Marie Barbuscia s’empare de l’exercice pour composer un chant élégiaque « Au commencement de » évoquant la rencontre et la création. On entendra sans se méprendre, la morsure des dents dans le fruit. Illustrée par l’artiste Rey RAYA, la gravure creuse un paysage en suspens, saisie de stupeur à l’image d’une pendule faisant le bien et le mal.

« Au commencement de(ux) »
Orchestre
© Rey RAYA, Acrylique sur carton, 30*42 cm, 2020

Une rencontre, 
C’est une coupure dans la multiplicité, 
Une visitation de soi-même à l’origine du monde. 
 
Depuis la chute du Paradis et l’émergence de la conscience, le Deux chantent son apparition ambiguë entre joie et déchirure pour retrouver l’écho d’une Mnémosyne. 
 

Entends-tu les couleurs de la mer battre le nuancier sur les rochers ? 
Les variations en demi-silence : le son replié d’une vague
qui s’entretient toujours avec celle à venir est semblable aux souvenirs
et à ses tonitruantes sonorités d’allers-venus.

 

Mer, que portes-tu dans tes très-fonds silencieux ?

 
Indéchiffrable unité à l’œil nu, l’ouverture immense du bleu sans marges est une dialectique désincarnée par le flot des vagues contradictoires. En partition musicale, elle déplie les lignes à l’horizontale pour donner à chaque tonalité, un tout harmonique
 

Entre deux bâillements,
Le ciel est ce qui ne nait pas - dit -
Une porte entrouverte : sans verrous ni seuil.
Années
© Rey RAYA, Sérigraphie, 35*50 cm, 2015

Le ciel inatteignable embrasse et oppresse, on s’interroge sur les augures dans les sillons des oiseaux. Le salut est l’apothéose occasionné par le désir de guérison, régi par la possibilité d’entrouvrir la serrure de la faute. Le ciel grince comme un violon d’Ingres.

Homme cieux renfermé dans sa monodie et Femme perdue nommée par les nuages cherchent voix à l’accord mystique ?
 
Tel un lieu fermé, l’Île est la surabondance de la plénitude, elle est la Terre comme festivité éternelle du printemps, où la matière elle-même, jouit en devenant chant. 

Au-delà des Palimpsestes gravés sur des écorces, l’importance d’une parole de vérité tient à sa fertilité dans nos racines. 

Fierté
© Rey RAYA, Encre rouge sur carton, 15*21 cm, 2015

Quelle est l’ombre de cet arbre qui arrose le néant de la Terre hors du Jardin, sinon l’Histoire qui en découlera dès qu’on aura mangé l’Impossible, dès qu’on aura cru chanter le bien et le mal ? 

Même un balbutiement peut devenir semence,
 Si elle se révèle être la trace d’une sueur plus ancienne,

 

Celle de l’indescriptible narration de l’être.

Marie Barbuscia