vendredi 30 septembre 2022

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Aldo Caredda #30

Lost in the supermarket #30

, Aldo Caredda

Aldo à la Fondation EDF

Cette fois on y est !

Dans ce trentième épisode d’une saga en images sans commencement ni fin, pour la première fois on peut dire qu’on y est, au supermarket ! Enfin, en quelque sorte. Et l’enjeu de ces images se dévoile, presque brutalement.
Beaucoup de gens passent et bougent et tous semblent ignorer ce qui est censé faire oeuvre, le très grand écran posé au sol sur lequel on voit quelqu’un passer une porte. Il nous fait face et s’avance vers nous en poussant un charriot. Va-t-il entrer dans la pièce ? Évidemment non ! C’est une image. Et avec un peu d’attention on remarque que la scène se passe dans un lieu qui pourrait être une salle d’arrivée d’un aéroport.
L’ombre de l’officiant, par contre, n’a jamais été aussi menaçante, aussi férocement déterminée comme si le face à face allait, enfin, se transformer en combat, celui de l’homme contre l’image, les images, le flux, le non sens de la représentation invasive de tout pour rien et à travers quoi désormais nous errons comme des aveugles assermentés.
Lui aussi, surgi de nulle part, s’avance à son tour. Il semble qu’il se dirige tout droit, non vers mais comme s’il allait, lui, entrer dans l’autre espace en traversant l’écran. Quelque chose tremble. Est-ce l’image ? Est-ce la chose où elle paraît ?
Mais voilà qu’il s’arrête, met un genou à terre, dépose son offrande et s’éclipse. Il ne s’est rien passé.
Pourtant quelque chose a eu lieu. L’écran est reconnu pour ce qu’il est non un trompe l’oeil mais un autel. Et cet autel, grand ou petit, public ou privé, incarne tout à la fois et le dieu et sa représentation, et la chose insaisissable quoique visible par tous, l’image, et le mouvement dans lequel la chose s’épuise et se renouvelle indéfiniment.
L’autel est le lieu de la foi et ce qui la maintient en vie. Les images sont les idoles par quoi le dieu se manifeste, sans relâche et la manifestation du dieu même.
Et nous qui croyions assister à l’un de ces moments qui font trembler l’histoire quand un homme à lui seul se livre à la destruction des idoles. Elle n’a pas eu lieu, n’aura pas eu lieu. Notre homme n’est pas Polyeucte.
L’histoire, par contre, continue de tous nous faire trembler et fuir en tous sens, atomes de même calibre qu’ils soient de chair ou de pixel.