mercredi 23 septembre 2015

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A to Z

, Laurent Boudier

Œuvres scopiques, qui tapent dans l’œil, libres, qui interagissent avec le spectateur, art si dynamique et abstractions jaillissantes.

« Ce qui oppose l’écriture à la parole, c’est que la première paraît toujours symbolique, introversée, tournée ostensiblement du côté d’un versant secret du langage, tandis que la seconde n’est qu’une durée de signes vides, dont le mouvement seul est significatif. Toute la parole se tient dans cette usure des mots, dans cette écume toujours emportée plus loin, et il n’y a de parole que là où le langage fonctionne avec évidence comme une voration qui n’enlèverait que la pointe mobile des mots ; l’écriture, au contraire, est toujours enracinée dans un au-delà du langage, elle se développe comme un germe et non comme une ligne, elle manifeste une essence et menace d’un secret, elle est une contre-communication, elle intimide.

On trouvera donc dans toute écriture l’ambiguïté d’un objet qui est à la fois langage et coercition. »
Lorsque que paraît le livre de Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, en 1953, – auquel nous empruntons ces quelques lignes –, la question du langage, et surtout d’une morale de la forme, ne cessent de traverser aussi le monde de l’art. Elle apparaît partout à dire vrai : prônée par les artistes d’après-guerre, l’écriture est ce lieu d’une liberté et d’une nécessité qui passe on le sait, par l’art abstrait, de l’Italie à l’Amérique latine, de la France à l’Allemagne, de Fontana à Manzoni, sans oublier le Groupe Zéro que l’on redécouvre. Elle agit sur les jeux chromatiques, l’humeur monochrome, les structures géométriques amusantes, et les distorsions de perspectives.

Œuvres scopiques, qui tapent dans l’œil, libres, qui interagissent avec le spectateur, art si dynamique et abstractions jaillissantes. Réunies dans l’exposition A to Z, imaginée par la galerie White Project, qui regroupe plus de 29 œuvres, on retrouve Piero Manzoni (achrome de billes de polyptère, 1961), Paul van Hoeydonck (relief, 1966), Serge Camargo (relief blanc, ou Roman Opalka (dessin et chiffres) et celle de la génération suivantes tels Herman de Vries (monochrome blanc en diptyque, 1972), Antonio Asis (grille et métal, 1972) François Morellet (branche de bois et géométrie, 1983), Philippe Thill (relief en résine noir, 1970) et Jan Schoonhoven (relief blanc, 1972), Servulo Esmeraldo (relief excitable, 1973) qui répondent adroitement aux œuvres contemporaines d’une génération qui eut le temps d’user, comme on dit en politique, du célèbre droit d’inventaire.

Adossée à cette grande épopée moderne du langage formel, elle sait, cette génération turbulente, l’aimer comme s’en défier. C’est toute la saveur de cette confrontation, sous le signe du noir et du blanc, du plan et du relief, que de mettre à jour cet héritage murmuré, repris, ou dévoyé par les blocs de sel de Nicolas Momein (2014), les sculptures de chômeurs en cire et 3D de Mohamed Bourouissa, les reliefs de cuir de Joël Andrianomearisoa, le chevalier noir d’une apocalypse probable sur photographie de Clément Cogitore comme le gros gâteau d’anniversaire peint par Rafael Carneiro ou les impressions numériques où surgissent des yeux de poupées d’un monde vaudou, de Sofia Borgès.

La ligne des générations n’est ni conflictuelle ni manichéenne. Elle se déplace, au gré des œuvres, d’une vision collective, propre au mouvement moderne, à une génération d’artistes contemporains, très singulière, qui triture les formes, et le monde, par la photographie, le volume, l’installation, la récup ou la peinture, sans vergogne et dare-dare. À l’évidence, malgré les apparences, tout n’est pas si noir et blanc dans cette exposition-là…

Liste des artistes exposés : Joël Andrianomearisoa - Antonio Asis - Pierrette Bloch - Sofia Borgès - Mohamed Bourouissa - Sergio Camargo - Rafael Carneiro - Clément Cogitore - Dadamaino - Servulo Esmeraldo - Christine Laquet - Heinz Mack - Piero Manzoni - Nicolas Momein - François Morellet - Roman Opalka - Ana Prata - Jan Schoonhoven - Talwst - Philippe Thill - Chico Togni - Paul van Hoeydonck - Arnaud Vasseux - Herman de Vries

Galerie White Project
24 rue St Claude - 75003 Paris - Tel / FAX : 09 60 35 69 14
GALERIEWHITEPROJECT@GMAIL.COM - WWW.WHITEPROJECT.fr
du mardi au vendredi de 14H00 a 19H00 | samedi de 11H00 A 19H00 & sur RDV.