lundi 28 avril 2014

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S’y perdre

Stéphanie Nava en action à la Galerie White Project

, Hervé Bernard et Jean-Louis Poitevin

Voir un artiste au travail est sans doute un désir qui a trait à la levée du secret sur les activités liées aux chambres de la création. Nous aimerions savoir et donc voir en espérant pouvoir comprendre comment se constitue une œuvre, un être, un monde.

Stéphanie Nava a accepté d’être photographiée pendant la réalisation d’un travail in situ, un immense dessin couvrant tout un mur de la galerie White Project. Les images réalisées par Hervé Bernard montrent les mouvements de sa main, va-et-vient heurtés ou coulés, hésitations, affirmations, autant de gestes qui s’imposent et qu’il va pourtant falloir modifier. La main saute sans cesse d’une ligne à l’autre, la reprend et l’oublie, y revient et repart. Chaque geste est une respiration, la manifestation du souffle. Nous, spectateurs voyeurs, nous observons comment elle, l’artiste, est à l’écoute de ses émotions et des éléments que les premiers traits déjà inscrits sur le mur envoient à son cerveau, nouvelles informations qu’il lui faut à la fois déchiffrer et remettre en jeu dans le circuit du geste.

On a longtemps distingué la main et l’œil comme étant les noms des deux fonctions, pourtant presque opposées, à l’œuvre dans le processus créateur. Ici, nous voyons la main et occupons la place de l’œil. Et ce que nous voyons, ce sont des mouvements qui semblent autant essayer d’attraper des flux invisibles pour les contraindre à venir se matérialiser sur le mur que des idées en train de se réaliser. Les idées viennent en parlant. Le dramaturge allemand Kleist l’avait déjà remarqué. Ici, elles viennent en dessinant. Mais les flux prennent ici la forme de lignes que seul le geste de la main permet d’appréhender, de penser, de faire exister.

Ce que la main de Stéphanie Nava nous offre à travers cette fresque imposante, c’est un territoire, c’est-à-dire un espace dans lequel nous pouvons imaginer exister à l’abri du danger. C’est du moins ce que pensent les visiteurs de cette exposition qui n’hésitent pas à se prendre en photo devant cette œuvre murale, confirmant ainsi à la fois pour eux-mêmes et pour l’artiste que ces traits noirs sur fond blanc sont plus qu’une image : ils font exister un monde dans lequel, comme y sont parvenus selon la légende, certains peintres chinois, on n’a qu’une envie, faire un pas et commencer déjà de s’y perdre.

STÉPHANIE NAVA | LA LUXURIANCE SAUVAGE DE LEURS RAMIFICATIONS |
du 15 MARS au 19 AVRIL 2014

WHITE PROJECT
24 rue Saint Claude 75003 Paris
info@whiteproject.fr