mardi 30 janvier 2024

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Rue des Étrangers

Thierry Agullo et Jack l’Inventeur

, Anne Garde , Laure Vernière et Thierry Agullo

Dans l’esprit de mêler l’art à l’action, qui était l’activité principale de Thierry Agullo, la série « Rue des Étrangers » est la seule trace de la performance que l’agitateur culturel de la contre-culture des années 1980 a menée dans la base sous-marine et dans les rues du port, sous le regard de la photographe Anne Garde, en novembre 1977, dans un Bordeaux de film noir.

Anne Garde rencontre Thierry Agullo, personnage multiple, artiste engagé, dans la mouvance de Pierre Molinier à Bordeaux et forme très vite avec lui un duo créatif. Thierry Agullo était tout aussi « mauvais garçon » à se battre en sortant des bars sur les quais de Bordeaux, à l’époque des dockers et de l’activité du port de la Lune, qu’intellectuel raffiné et extrêmement cultivé écrivant dans Art Press. Il était aussi éditeur puisqu’il a publié le premier Pierre Molinier, dont il a été le dernier modèle.
Cet Orphée moderne et sombre qui entraîne le visiteur dans son vertige, tel un Stalker berlinois des seventies entre expressionnisme allemand à la Fritz Lang et casse-cou de la nouvelle vague, Jack l’Inventeur, comme il se nommait, est un personnage prémonitoire puisque son double vivant, Thierry Agullo, disparaîtra dans un accident de la route quelques mois après cette performance.
Paris, 2022

Étranger, le Catalan Agullo l’était profondément car c’était un rebelle subversif et généreux qui reconnaissait avec empathie tous les siens, l’artiste génial et pervers qu’était Molinier comme les étrangers, les exclus, les gitans, les sans-papiers... En un mot l’Harmonie Hétéroclite Internationale !
Avec Anne, Thierry a laissé l’inspiration révoltée qui le nourrissait, l’art vivant qui le détruisait, envahir les lieux, les marquant par osmose d’une forte empreinte photographique. Même ceux qui ne l’ont pas connu entendront son rire tonitruant, ses jeux de mots dérisoires et furieux. Ils ressentiront sa présence chaleureuse et vagabonde qui hante ce quartier portuaire et tous les territoires étranges qui lui ressemblent — sans oublier sa foudroyante énergie post-moderne.

Bordeaux, 11 avril 2011