Qu’est-ce qu’avoir une idée ?

Une collaboration artistique

Prendre des images fixes de visages (Damien) ou animées (Pascal) puis se les échanger. Saisir dans ces propositions les moments qui se font écho, éclairs brefs, instants décisifs dans lesquels les deux recherches peuvent s’inscrire, se superposer. L’image fixe de départ, retravaillée, masquée, recouverte pour partie de pastels gras, de cire, de bitume de Judée est ainsi modifiée par Damien Valero puis fixée par un vernis. Pascal Toussaint propose un fragment de sa recherche filmique et en détache une dizaine de plans fixes parmi lesquels Damien Valero en choisit une, qu’il fixe par un tirage numérique sur papier fort à gravure, le retravaille selon le même processus, pour aboutir à une nouvelle œuvre. Pascal Toussaint peaufine sa proposition initiale et crée une pièce vidéo qui multiplie les coïncidences avec l’œuvre créée par Damien Valero.

Les deux œuvres se rejoindront à nouveau in situ pendant les trois semaines de l’exposition puisque l’œuvre fixe de l’un sera animée par l’œuvre en mouvement de l’autre, créant en direct une nouvelle pièce où fusionne le travail des deux artistes.

Au bord droit de chaque tableau de Damien Valero, une clef USB contenant le travail vidéo de Pascal Toussaint. Deux œuvres conçues comme étant une unique pièce.

Mélancolie de la mémoire

Les liens qui se tissent entre les deux univers artistiques révèlent pour l’un et l’autre une profonde mélancolie. Il s’agit en effet de convoquer un passé enfoui qui réapparait par strates ou par flashs, selon le support. Pline et Pompéi. Cocteau et L’Eternel retour. Il y a de l’archéologue dans ces deux artistes, et un goût pour l’exhumation. Redonner vie à des images oubliées, qui ne seront qu’une couche géologique de l’ensemble, collage mouvant toujours à ressaisir et à modifier puis à fixer encore, en un travail de collection puis de récollection, devant une beauté toujours à recréer.

Joyeuse étrangeté ou inquiétante présence ?

Le travail de Damien Valero comme celui de Pascal Toussaint est charnel. Il se frotte à la représentation de l’être humain dans ce qui le représente peut-être le mieux : l’expression du visage et toutes les variations qui l’accompagnent. Madones et pièta, portraits du Fayoum, aussi bien que Madeleine Sologne et Jean Marais en nouveaux Tristan et Iseult… le travail de nos deux artistes tient de l’art funéraire : insérer une représentation du visage de la momie sous les bandelettes.

Et la momie ne saurait déplaire à Pascal Toussaint, qui reprend et détourne séries B, Z, vidéos retaillées, dupliquées, où vampires et fantômes, femmes érotisées perdues dans la nuit… le disputent à des morts vivants au retour éternel. La facétie gagne parfois le bras de fer entre la mort et la vie.

Un mille feuilles

Indissociables dans leur processus de fabrication, les deux œuvres s’interpénètrent, mille feuilles appétissants et repoussants parfois, charnels et hâves, sensuels et horrifiques, ils incitent tour à tour à la méditation ou au rire. Les Dada n’auraient pas renié ce cousinage, entre créativité monstrueuse et farcesque. Terre de feu-feu follet-lait de vache. Papiers pliés et cadavres exquis. On passe du coq à l’âne et de l’âne au coq mais l’inconscient créateur est toujours dans l’étable.

La commotion de l’image, l’inquiétante étrangeté, l’invention d’une conscience déviante cohabitent avec le rire, ce grand dynamiteur.