mardi 3 janvier 2017

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Magiciens du ciel

Creuser la poche de silence qui hante le visible

, Jean-Louis Poitevin et Martial Verdier

16 mai - 5 juin 2016
Dans le cadre des années croisées France Corée TK-21, Jean-Louis Poitevin et Shim Eun Log ont cherché à mettre en relation des œuvres d’artistes coréens et français dont la préoccupation majeure est le questionnement créatif sur les formes les plus contemporaines de la représentation : Xavier Lucchesi, Martial Verdier, Daphné Le Sergent, Chong Jae-Kyoo, Unzi Kim, Baek JungKi.

Chong Jae-Kyoo

Éloge du vide

Questionner la représentation signifie moins faire varier des formes, des thèmes ou des éléments plastiques largement répertoriés que creuser la poche de silence qui hante le visible. Ce silence est à comprendre à la fois comme matrice des formes et source de leur puissance d’expression. Il désigne, ici, cette zone sensible d’échange d’intensité dont les formes sont la manifestation visible.

Le visible et son double que constitue le visuel ne se font donc pas face comme corps et image dans le miroir. Bien plutôt, ils émettent des signes d’un côté et de l’autre d’une surface commune, comme s’ils étaient les deux faces d’une même pièce de monnaie, absolument liés, à jamais invisible l’un pour l’autre. Inventorier ce qui a lieu dans cet interstice qui les relie malgré eux et qui constitue à la fois le cœur, le corps et la part d’ombre de toute représentation, voilà ce à quoi ces artistes travaillent inlassablement.

Baek JungKi

Antimatière

Le ciel dans lequel naviguent ces magiciens, n’est pas le domaine réservé dans lequel un deus absconditus se serait retiré, mais la part d’indécidable à laquelle tout visible s’enlace pour se manifester. Ce ciel est le royaume d’une antimatière métaphorique trouvant néanmoins à s’incarner ou du moins à se manifester à travers des jeux de lumière, de transparence, de découpe et d’écart, des nuages de points sur un ciel gris ou des apparitions ambiguës de corps sur des supports numériques.

Échos de notre activité neuronale incessante, chaotique et réglée à la fois, ces moments du ciel nous rapprochent des sources du visible.
Le ciel, ici, est nuée ou nuage, eau ou lait, faille ou écart, découpe ou recouvrement, transparence ou opacité. Chacune des œuvres rend perceptible cet interstice qui constitue à la fois le cœur secret de la représentation et sa part d’indécidabilité.

La magie à laquelle il importe de se référer ici n’est celle de l’image qu’en un second temps. Ce qui emporte le regard inlassablement, c’est la féérie à laquelle donne lieu le tremblement de nos certitudes concernant précisément ce qui est ou serait « le réel ».

Nom de l’obsession supposée de tous les fabricateurs d’image, le réel n’est pourtant pas ce qui s’impose dans l’évidence d’une perception sans médiation, ni ce sur quoi viendraient se casser les dents de ce requin affamé de résistance qu’est l’œil.

Le réel est ce qui se donne à percevoir dans la variation des écarts entre les postures qu’engendre la certitude, tant sur ce que l’on est que sur la forme du monde, sur la consistance de l’univers que sur la cohérence du corps, sur l’unité supposée des pensées, que la réalité de la « fiance », celle qui résonne dans la confiance et qui explose dans la méfiance.

Ainsi, à partir de ces œuvres, se trace un chemin qui, entre magie et image, entre ciel et silence, dessine la trame exacte de notre aspiration à saisir le réel. Ces œuvres nous font aussi comprendre que gagner la confiance de celui qui voit, et qui naît de la reconnaissance du caractère à la fois absolu et indécidable de chaque image, constitue le véritable but de leur création.

Le catalogue et les interviews dans le numéro 59

Unzi Kim
Xavier Lucchesi
Daphné Lesergent
Martial Verdier