vendredi 5 mai 2023

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Lost in the supermarket #37

Aldo Caredda #37

, Aldo Caredda

Aldo à la conciergerie

Là, en quelque sorte, il n’y aurait rien ? En tout cas rien de visible qui se rapproche d’un objet ou d’une œuvre. Tout a été noyé dans un blanc de surexposition jouée, et mis à part quelques lignes signalant des murs probables car nécessaires, il n’y a que des corps, masses noires mobiles dont l’errance n’a pas besoin, elle, d’être jouée pour apparaître vraie.
Il n’y a donc rien à voir ? Pourtant si, car a été posé à la source de ces courtes œuvres, que la scène filmée se passe dans un musée ou un lieu dédié à l’art. Mais là rien ! Rien à voir, vraiment ?
Si, justement, ces corps qui déambulent dans une sorte de dimension indéfinissable, un blanc qui devrait tout avaler et qui n’empêche pas de tenir debout et de marcher. Et des lignes qui strient délicatement le blanc et produisent des effets singuliers d’avalement de parties de corps qui soudain réapparaissent entiers. À croire que l’exercice consiste à s’entraîner à devenir fantôme ?
Un seul semble ne pas être en proie à l’errance infernale, celui qui entre dans le champ de dos et après sa génuflexion rituelle va son chemin et quitte les lieux. Est-ce à dire qu’il est le seul à avoir un but et que les autres errent parce qu’ils n’en n’ont pas ? Ainsi verrions nous se déployer sous nos yeux non pas une fable mais une geste de "signification pure" ?
Il semble bien en effet que la monstration d’art, à fortiori contemporain, et les regards qui se portent sur les œuvres, jouent avec les ombres de l’insignifiance jusqu’à y sombrer eux-mêmes et qu’il faudrait pour y échapper produire quelque chose qui à la fois le révèle, le soulève et lui confère, à cet art, une aura de signification !
Il se pourrait que ce geste de l’homme de dos, qui est le seul qui n’erre pas dans la zone d’intensité artistique, soit un de ces éléments susceptibles de conférer à ce qui fait art cette "choses" qui, le plus souvent, lui fait défaut.
Laissons en suspens ce qui pourrait passer pour une conclusion hâtive et injuste puisque finalement tout est déjà là dans l’image, le blanc, le trait, le noir et que s’y joue l’infinie danse du sens qui s’épuise et renaît et s’épuise et renaît encore. Le sens ?
Ah ! Oui, finalement, une fois encore il aurait mieux valu faire silence et laisser le geste rituel, accompli en silence, non pas prendre la place de l’œuvre invisible, mais effectuer, à sa manière, ce soulèvement et ce relèvement sans lesquels la possibilité même que quelque chose flamboie, s’effondre et s’évanouit.